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Malgré les difficultés, la génération Y sera la plus riche de tous les temps
©Reuters

Stop aux pleurnicheries

La génération Y, les millennials nés entre 1981 et 1996, et la génération Z sont généralement critiqués et se plaignent souvent de leurs conditions de vie et des difficultés dans la société. D'après une étude publiée par YPulse, cette génération sera la plus riche de l'histoire. Cette richesse proviendrait notamment de l'héritage de leurs parents "boomers".

Luc Arrondel

Luc Arrondel

Luc Arrondel est directeur de recherche au CNRS, au PSE (Unité mixte de recherches CNRS-EHESS-ENPC-ENS). Il est également professeur associé à l'école d'économie de Paris et notamment membre du conseil scientifique de l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) et membre du comité éditorial de la revue Economie et Statistique. Il a obtenu le Prix Risques-Les Echos 2006 (avec A. Masson et D. Verger) pour ses recherches sur la mesure des préférences de l'épargnant vis-à-vis du risque et du temps.

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Atlantico.fr : Beaucoup de critiques sont émises envers les millennials (1981- 1996) et la génération Z mais selon une étude publiée par YPulse, cette génération sera la plus riche de l'histoire. Cette richesse proviendrait notamment de l'héritage de leurs parents "boomers".

Que pensez-vous de ce constat ? Est-il réaliste ? 

Luc Arrondel : Je vais m’intéresser au cas de la France. Le stock global de patrimoine brut (avant déduction des dettes) des Français selon la Comptabilité Nationale représentait 13 125 milliards d’euros en 2017, montant qui a plus que doublé depuis les années 2000 (figure 1). Ce stock de patrimoine représente environ 5,7 fois le PIB français. Rapporter ces masses au revenu disponible brut des ménages de l’année est encore plus parlant : le stock de patrimoine brut représentait 6 fois le revenu en 2000 et près de 9,5 fois en 2017. Il y a donc eu un enrichissement général de la population française au cours du temps. 

Les enquêtes « Patrimoine » de l’Insee même si elles n’ont pas été réalisées en panel permettent d’analyser les profils de patrimoine selon l’âge et la génération.  La figure 2 montre qu’au même âge, les générations successives sont devenues de plus en plus riches. Cet effet apparaît clairement à la veille de la retraite (54-59 ans). Ce qui ne veut pas dire que les écarts de richesse entre générations à un moment donné du temps ne se soient pas accentués.

En effet si l’on dessine les profils de patrimoine selon l’âge dans les cinq vagues de 1992 à 2014, on met en évidence certains effets de génération. La figure 3 reproduit les écarts relatifs selon l’âge du patrimoine brut médian entre 1992 et 2014 (la valeur 1 correspond à chaque date à la médiane globale sur l’ensemble de la population) : ainsi les 60 ans ou plus ont vu leur position relative s’améliorer sur les derniers vingt ans par rapport à celle des moins de 40 ans.

Trois constats ressortent donc de ces différents graphiques : 1) un enrichissement de la population française ; 2) un enrichissements des générations successives aux mêmes âges mais 3) une augmentation des écarts relatifs de patrimoine entre jeunes et vieux.

Une des raisons de leur potentielle richesse est due à l'héritage légué par leurs parents. Cet héritage est-il bénéfique pour cette génération ? Pour la société de manière générale ?  

En France, l’écart de patrimoine s’accroît entre les plus âgés et les plus jeunes qui, de plus, héritent de plus en plus tard (environ 51 ans aujourd’hui contre 42 ans en 1984) souvent à un âge où l’on se soucie davantage de sa retraite que l’on ne s’installe dans la vie. Différentes mesures fiscales ont tenté de pallier ce déséquilibre intergénérationnel. En 2007, par exemple, l’abattement sur les transmissions patrimoniales vers les enfants a été multiplié par trois et porté à 150 000 euros et les donations de plus de 6 ans n’ont plus été rapportées aux montants des successions. Depuis l’abattement a été ramené à 100 000 euros et le délai de non-rappel a été à nouveau allongé à 15 ans.

En France les transmissions patrimoniales, notamment inter vivos, entre les plus jeunes et les plus âgés sont de plus en plus nombreuses : selon l’Insee, parmi les ménages ayant des enfants adultes, 9 % en 1992, 13 % en 2004 et 15 % en 2010 ont effectué des donations. Cette pratique dépend cependant beaucoup du niveau de richesse et de la catégorie socio-profesionnelle : elle est d’environ 6 % dans le quartile le plus pauvre pour atteindre près de la moitié des parents dans le centile le plus élevé ; près de 40 % des ménages agriculteurs y ont recours, autour de 20 % pour les autres indépendants et les cadres, mais moins de 10 % chez les employés et les ouvriers.

On peut néanmoins s’interroger sur l’impact de ces transmissions sur le comportement de leurs bénéficiaires : autrement dit, comment les donations, notamment précoces, sont-elles utilisées ?

Nos propres travaux empiriques (Arrondel, Garbinti et Masson, 2014) montrent que la probabilité de créer ou reprendre une entreprise est plus élevée lorsqu’une donation a été reçue. Par ailleurs, la probabilité d’acheter sa résidence principale augmente lorsqu’on a reçu une transmission intergénérationnelle. L’intensité de ces liens entre transmissions et investissements varie avec certains facteurs : ces derniers sont plus forts lorsque le bénéficiaire du transfert est plus jeune.

Cette étude se base sur la population mondiale en général. Qu'en est-il en France ? 

En France, le flux annuel des transmissions patrimoniales (donations et héritages) a vu son pourcentage par rapport au PIB doubler sur les trente dernières années pour atteindre maintenant près de 11 %. La mesure de la part h du patrimoine hérité dans le patrimoine global est difficile à évaluer en niveau absolu. Mais, ses variations dans le temps ou dans l’espace peuvent être approchées, de manière relativement fiable, par celles du rapport B/S du flux des transmissions de l’année considérée au flux d’épargne (Alvaredo, Garbinti et Piketty, « On the Share of Inheritance in Aggregate Wealth: Europeand the USA, 1900–2010 », Economica, 2017). Intuitivement, la part héritée h aura augmenté si les héritages et donations ont augmenté plus vite encore que le patrimoine (accumulé en propre). On peut ainsi mesurer l’évolution historique de la part héritée en France et en Europe.

En France, ce rapport B/S augmente après 1970 comme le montre la figure 2. La hausse depuis 1980 reste importante, de l’ordre de 28 %. Le poids de l’héritage dans l’accumulation globale est plus élevé aujourd’hui qu’à la fin des Trente Glorieuses mais néanmoins plus faible qu’avant 1914.

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