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Bonne ou mauvaise nouvelle ? Ce que les dividendes record du CAC40 révèlent vraiment de l’état de l’économie (et non, ça ne dit rien sur le capitalisme en tant que tel)
©Reuters

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Selon les Echos, en 2019 les dividendes du CAC 40 ont fortement augmenté en 2019 pour atteindre de nouveaux records.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Selon les Echos, en 2019 les dividendes du CAC 40 ont fortement augmenté en 2019 pour atteindre de nouveaux records. La gauche et les milieux altermondialistes diront que c'est une nouvelle catastrophique pointant du doigt la pauvreté d'un côté et l'enrichissement des actionnaires de l'autres. Si cette vision est faussée, est-ce néanmoins une bonne nouvelle ? 

Mathieu Mucherie : Cette vision est doublement faussée. Elle est faussée parce que cette sensibilité là -on va dire la gauche au sens générique, mais en réalité c'est aussi la droite- lorsqu’elle adresse ces critiques est loin d’être objective. En outre, elle est biaisée puisqu’elle passe son temps à nous dire que les actions sont très dangereuses. Pour ces individus, le monde des actions est dangereux, volatile. D’ailleurs à les écouter il faudrait absolument éviter tout régime par capitalisation, par exemple pour les retraites, puisqu’il ferait lierait en partie le sort des retraites versées à la bonne tenue des marchés financiers. Selon eux, ce choix serait donc dangereux. Or, vous ne pouvez pas dire, d’un côté, que c’est dangereux et de l'autre côté dire qu’il ne faut donc pas rémunérer les actionnaires. Si vous considérez que les marchés financiers c'est un petit peu comme un lac aux crocodiles et qu’il y a beaucoup de volatilité et beaucoup de l'irrationalité, alors au contraire c'est un argument en faveur des actionnaires. Il faut que l'actionne touche une somme surtout qu'en plus ces gains sont fiscalisés à hauteur de 30%. Donc il faut bien effectivement le chouchouter, l'attirer et ensuite ne pas trop fiscaliser ces dividendes. 

Voici donc le premier point, vient ensuite un deuxième point un peu plus technique. Votre question porte uniquement sur les dividendes or elles ne constituent pas le gros du morceau. En effet, dans la théorie économique et financière il n’y a rien qui permet réellement de justifier l'existence des dividendes. On ne sait donc pas vraiment pourquoi on paye des dividendes, il n’y a aucun argument théorique qui justifie le fait de payer des dividendes. Il faut donc prendre en compte à la fois les dividendes et les rachats d'actions. Ceci montre qu'il y a un certain malthusianisme de la part des entreprises : non seulement elles payent beaucoup de dividendes -ce qui n'est pas forcément bon signe, on peut suspecter qu’elle rémunère l’actionnaire parce qu’elles n’ont guère d’idées d’investissements- mais parallèlement aux dividendes versés il y a également les rachats d'actions. Et si vous faites la somme des dividendes, des rachats d'actions et autres mesures néo-malthusiannistes -notamment le fait que de moins en moins d'entreprises sont cotées en bourse- vous obtenez effectivement un tableau qui est assez noir mais qui n'a rien à voir avec les préconisations de la gauche.

La situation n'est pas à proprement parler risquée mais c’est l'un des signes, avec les rachats d'actions, de l'atonie des perspectives de croissance nominale et donc en réalité ça cache l'idée qu’à l’heure actuelle investir n’est pas si attractif.

En revanche plutôt que de s’alarmer il faut comprendre les causes du problème : c’est-à-dire pourquoi les entreprises versent autant de dividendes plutôt que de privilégier l’investissement ou d’augmenter les salaires ? La réponse est peut -être celle d’un climat qui n’est pas pro-croissance ou d’un système monétaire qui n’est plus le bon.

Quelle répercussion peut avoir cette hausse des dividendes sur l'investissement privé ?

Il se trouve qu’en France, effectivement, l’investissement se porte plutôt bien. D’ailleurs c’est là le drame : les entreprises françaises investissent beaucoup et pourtant nous n’en voyons aucune trace et en particulier aucune trace sur les gains de productivité au contraire, elles s’endettent beaucoup.  Les entreprises s'endettent, elles investissent et le problème c'est qu'on ne le voit pas dans les actes et en particulier on ne le voit pas sur le territoire hexagonal en termes de développement des gains de productivité. C’est une spécificité française dans ce cycle actuel. C'est une bizarrerie et franchement ça n'augure rien de bon.

Concernant le versement de dividendes record en France en 2018, je le vois plutôt comme quelque chose de négatif surtout pour l’investissement. Dans l'environnement actuel il y a mieux à faire pour les entreprises que de verser des dividendes. Je vous donne un exemple concret : on dit qu'il faudrait passer à l'électrification de l'automobile et à l'autonomisation. Or, plutôt que d’investir des millions dans la révolution automobile à venir, certaines entreprises à l’instar de Peugeot et Fiat, préfèrent verser des dividendes astronomiques amputant ainsi considérablement les possibilités d’investissement de l’entreprise et l’empêchant par là même de se préparer pour le futur de l’automobile.

L'année 2018 avait déjà été une année record, de quoi l'augmentation continuelle des dividendes du CAC 40 est-elle le symptôme ? 

J’ai déjà plus ou moins répondu à cette question : on ne sait pas vraiment de quoi cette année record en termes de versement de dividendes est le symptôme. Mais il faut distinguer les bons versements de dividendes des mauvais, certains sont nécessaires d’autres non. Cependant, c’est loin d’être évident à faire et cela donne donc souvent lieu, côté fiscalité, à une fiscalité homogène qui ne convient guère et est regrettable.

Mais à mes yeux ce n’est pas le point le plus important, ce qui est très alarmant c’est le fait que de moins en moins d’entreprises soient cotée en bourse. C'est le fait qu'il y a de moins en moins d'entreprises qui rachètent leurs propres actions. On va se retrouver avec un capitalisme sans capitalistes ce qui serait un petit peu gênant et avec des marchés d’actions dominés par des gestions totalement passives et indicielles.

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