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Et après l’alliance entre Conservateurs et Verts en Autriche, quelles alliances en France ? Petit tour des scénarios envisageables
©BERTRAND GUAY / AFP

Inconcevable ?

Pour former un gouvernement, impossible sans majorité, la droite autrichienne s'est alliée avec les verts. Si une telle alliance est inconcevable en France, dans un régime présidentiel, à l'heure où il est si difficile pour un parti d'asseoir une majorité sociologique, on peut essayer d'imaginer à quoi pourrait ressembler des alliances partisanes en France.

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Christophe Boutin : Deux remarques préalables avant de jouer à ce jeu des alliances possibles. La première est qu’il ne s’agit pas ici de se poser la question de manière précise, et ce alors que les alliances dépendent des enjeux spécifiques pour lesquels on les envisage. Des enjeux qui ne sont pas les mêmes pour des élections locales ou nationales par exemple, qui dépendent aussi de critères comme le mode de scrutin – le fait par exemple de permettre la recomposition des listes entre les deux tours des municipales -, ou la personnalité des candidats. On restera donc sur les questions idéologiques et de tactique électorale. La seconde remarque est que les électeurs ont leur propre approche, assez éloignée parfois des choix idéologiques ou tactiques des appareils, et, alliance ou pas, sont devenus assez mobiles.

Les alliances à gauche

  • Verts/PS

Christophe Boutin : C’est l’alliance la plus probable, celle qui pourrait remettre sur pied une gauche laminée par Emmanuel Macron en 2017, mais ressourcée ensuite par la politique menée, avec, en 2019, un net retour dans ses rangs d'électeurs macronistes de 2017, déçus. Mais ce retour s’est fait de manière déséquilibrée, et profite beaucoup plus à EELV qu’à des socialistes qui pourraient craindre de n’être plus qu’un courant dans une telle alliance. 

Si elle se faisait, EELV pourrait en tout cas apparaître comme le noyau central de la nouvelle gauche, à même d’attirer à la fois d’anciens socialistes radicalisés par la politique de LREM comme ces électeurs de LFI avec lesquels le parti écologiste partage un discours diversitaire. Et les électeurs de gauche pourraient trouver ici un exutoire au macronisme, tant du moins qu'il ne s'agirait pas de faire barrage à la droite ou à l’extrême droite. 

Probabilité : 3/5 , Efficacité : 4/5

Maxime Tandonnet : Les deux courants ont souvent été alliés dans l’histoire, notamment à l’occasion de la gauche plurielle au gouvernement de 1997 à 2002. Ils restent très proches sur de nombreux points, notamment les sujets sociaux. Le tournant pro-écologique du PS les rapproche encore davantage.  Leur alliance électorale est possible, sinon probable dans les années à venir.

Probabilité : 4/5 , Efficacité 4/5

  • PS/LFI

Christophe Boutin : L'alliance entre les sociaux-traîtres et les révolutionnaires est toujours délicate, les uns appartenant ici  camp progressiste, les autres au camp populiste. Sous la direction de son leader maximo, LFI, sur le plan institutionnel par exemple, semble envisager d’introduire des éléments de démocratie directe, notamment un recours à l'instrument référendaire, quand le PS reste lui dans une logique classique de démocratie représentative. 

Reste pour les cadres des deux partis, plus apparatchiks peut-être dans un PS qui a vécu comme parti de gouvernement, mais aussi à LFI, la nécessité de trouver des débouchés en termes de postes et de mandats. Mais l’alliance est-elle la meilleure solution pour cela, et si des points de convergence existent, leur caractère général en terme de programme ne conduirait-il pas à devoir y inviter EELV et donc à en modifier l’équilibre ?

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 1/5

  • Verts/LFI

Christophe Boutin : Une alliance effectivement possible, car il y a de nombreux points communs, idéologiques (l'appétence pour le discours diversitaire) ou de sociologie électorale. Même si des divergences existent – il n'est pas certain par exemple qu'une partie des thèses d’EELV touchant à la décroissance plaise autant aux bobos des métropoles et des villes importantes qui sont les siens qu’à ces électeurs préoccupés de leur immédiat quotidien dans une France périphérique où LFI a parfois retrouvé des déçus de la gauche historique -, bâtir un programme commun ne serait pas trop difficile. Mais partager électorat et thématiques ne conduit pas nécessairement à un rassemblement, et mène parfois au contraire à une guerre entre les partis qui cherchent à attirer les mêmes électeurs.

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 3/5

L’alliance à droite

  • LR/RN

Christophe Boutin : Bien que nombre de thématiques soient communes à un Rassemblement national dont le discours de 2020 peut paraître modéré par rapport à ce que pouvait être celui du RPR dans les années 80, il reste deux problèmes majeurs. Le premier est la crainte du tollé médiatique que signerait cette fin du « cordon sanitaire » établi sous François Mitterrand. Le second est l’effet d’une telle alliance sur la structure même de LR, qui reste composite, partagée entre une ligne nationaliste, souverainiste, volontiers sécuritaire et autoritaire, pas très éloignée des fondamentaux du discours populiste, et une ligne libérale-centriste dont le progressisme est lui très proche des réformes d’Emmanuel Macron. Dans les faits, on voit mal comment une telle alliance ne conduirait pas à un éclatement des Républicains, ne profitant donc qu'au RN en grossissant les rangs de ce bloc populiste de droite. Se poserait alors la question du pourcentage non de cadres mais d’électeurs qui franchiraient le Rubicon.

Probabilité : 1/5 , Efficacité : 4/5

Maxime Tandonnet : Le scénario d’une alliance entre le RN et LR dit « l’union des droites » paraît inconcevable. Leurs visions sont incompatibles sur de nombreux points, notamment le domaine économique et social : le RN prône un retour à la retraite à 60 ans à l’inverse de LR. Mais aussi sur l’immigration. LR préconise une maîtrise rigoureuse des flux migratoires accompagnée de politiques d’intégration alors que le RN prône des mesures de différenciation entre populations de nationalités différentes vivant sur le territoire français. Même une alliance tactique le temps d’une élection est fortement improbable : elle signifierait à coup sûr l’explosion de LR écartelé entre LREM et le RN et la disparition du courant de la droite républicaine. 

Probabilité : 1/5 , Efficacité : 2/5

Les alliances au centre

  • LREM/Verts

Christophe Boutin : Si cette alliance était possible en 2017, elle ne l'est quasiment plus en 2020, pour des motifs idéologiques et de tactique politique. Idéologiquement d’abord, les réformes engagées par Emmanuel Macron, et ce malgré les concessions qu'il a pu faire dans certains domaines, ne correspondent pas aux attentes d’EELV : trop libérales et pas assez libertaires. Tactiquement ensuite, EELV a clairement conscience d’avoir bénéficié lors des élections européennes de 2019 d'un apport de voix venues d’un électorat de gauche rallié à Macron en 2017 avant de le quitter justement sur cette question idéologique, et le parti écologiste pense pouvoir accueillir encore de nouveaux déçus – notamment pour ces municipales de 2020.  

Cette alliance ne serait donc pas comprise par les électeurs d’EELV, et serait totalement inefficace politiquement. Elle ne pourrait se faire qu’après un virage très important, non du discours, mais de la pratique politique d'Emmanuel Macron, mais qu’aurait à y gagner ce dernier ?

Probabilité : 1/5 , Efficacité : 1/5

Maxime Tandonnet : Ce serait une alliance assez naturelle entre deux formations qui sont dans le vent, dans le courant de la mode idéologique, fondée sur un idéal post national et écologiste. Elles ont une clientèle commune, les populations « branchées ». Cependant, les verts sont probablement trop à gauche sur un sujet de société comme l’immigration pour que cette alliance se concrétise rapidement. LREM s’appuie de préférence sur le centre-droit libéral. L’obstacle est donc avant tout politique plus qu’idéologique : la frange conservatrice soutenant  LREM est peu compatible avec les Verts. On peut imaginer que si cet électorat venu de LR retourne au bercail LR, les macronistes seront tentés de se rapprocher de EELVE.

Probabilité : 3/5 , Efficacité : 3/5 

  • LREM/PS

Christophe Boutin : C’est l’autre possibilité d’alliance d’un PS moribond, après celle déjà vue avec EELV. L’ex-parti de gouvernement, totalement vidé de sa substance par LREM en 2017, passerait cette fois sous les fourches caudines du maître de l'Élysée, anticipant sa possible réélection en 2022, pour en tirer un bénéfice politique qui se traduirait par quelques sièges de parlementaires et, éventuellement, un ou deux maroquins. Mais les électeurs suivraient-ils ? Il semblerait plus adéquat pour les deux partis de se ménager, dans un jeu de rôle profitable à tous – une opposition modérée contre des circonscriptions garanties et des nominations bienvenues dans quelques-uns des fromages de la République.

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 2/5

Maxime Tandonnet : Cette alliance serait un retour aux sources dès lors que M. Macron est venu du PS et que LREM est pour l’essentiel issu d’une scission centriste et libérale du PS. Les deux partis gardent certains traits en commun, par exemple sur les sujets de société (la PMA) et peuvent se revendiquer d’une commune racine « progressiste ». De fait ce rapprochement est devenu improbable: LREM existe à travers le rejet de ce que fut le PS. Un retour aux sources signifierait l’échec de tous les efforts accomplis pour s’en différencier. Quant au PS, il condamne en LREM la dérive droitière, réelle ou supposée. L’incompatibilité entre les deux partis malgré les ressemblances est donc avérée.

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 2/5

  • LREM/LR

Christophe Boutin : C'est la grande inconnue des alliances, celle qui surplombe la vie politique française et répond en quelque sorte à la question de savoir comment, après avoir tué le PS, Emmanuel Macron pourrait tuer LR. Il est certain qu’une partie au moins des cadres des Républicains, lassés d’une opposition où ils auront passé 10 ans, regrettant de n’avoir pas osé se jeter à l’eau comme ces transfuges qui paradent aujourd’hui dans les palais de la République, et dont l’idéologie est profondément celle du libéralisme progressiste de LREM – à peine tempéré par un peu plus de réserve sur la question du communautarisme – peuvent l’envisager. Emmanuel Macron ne mène-t-il pas les réformes qu’ils n’ont pas eu le courage de lancer quand ils étaient aux affaires ?

Mais, outre que cette alliance conduirait à un éclatement du parti et à la fuite d’électeurs, comme pour le PS, il peut être plus rentable politiquement de rester dans l’opposition que de se fondre dans un gigantesque parti attrape-tout. L'impact des élections locales, municipales en 2020, régionales et départementales en 2021, sera certainement très important pour la réflexion menée sur ce point, autant chez les Républicains qu’à LREM.

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 1/5

Maxime Tandonnet : Là, c’est assez compliqué parce que LR est divisé sur le sujet. On peut imaginer que d’un point de vue tactique, cette alliance est plutôt désirée par l’ensemble LREM. En effet ce parti est soudé autour de l’objectif de réélection de M. Macron à l’Elysée. L’appui de LR dans ce but lui serait précieux. Une partie des dirigeants LR semblait jusqu’à présent compatible avec le macronisme. Une autre frange de LR, républicaine et nationale, ne s’est jamais reconnue dans l’idéologie « progressiste » et post nationale. Plus les difficultés s’accumulent pour l’Elysée, plus cette alliance devient improbable…

Probabilité : 2/5 , Efficacité 2/5 

  • LREM/ RN

Maxime Tandonnet : La relation entre les deux premiers partis de France depuis 2017, renforcée dans ce statut par les Européennes, est empreinte de non-dits et de paradoxes. Certes, adversaires attitrés l’un de l’autre, incarnant les idéologies opposées, globalisme post national contre nationalisme, quelques points communs les rapprochent : culte de la personnalité, goût de la provocation et des coups d’éclat médiatiques. Ils partagent un intérêt objectif à se répartir le monopole de la représentation politique. Certes toute alliance formelle est inconcevable entre les deux « contraires » mais là aussi, de discrets clin d’œil et renvois d’ascenseurs peuvent se révéler plus efficace qu’une alliance en bonne et due forme.

Probabilité : 2/5 , Efficacité : 3/5,

L’alliance populiste

  • RN/LFI

Christophe Boutin : C'est l'alliance des populistes contre les oligarchies, populisme de droite et populisme de gauche réunis pour « renverser la table » et redonner la parole et le pouvoir au peuple. On retrouve ce mythe de refaire l'unité de cette fameuse « France du non », cet électorat qui avait repoussé le traité constitutionnel lors du référendum de 2005. Et il est vrai qu'en dehors de ce fonds commun populiste, on pourrait trouver chez les électeurs de gauche comme chez les électeurs de droite, dans cette « France périphérique » de Christophe Guilluy, ou chez ces « Somewhere » de David Goodhart, un même refus de tous ces bouleversements majeurs de leur cadre de vie imposés dans les dernières décennies.

Pour autant, en dehors des conflits d’appareil, cette alliance est impossible car elle bute sur la question du rapport à l'immigration, au communautarisme et à l'idéologie diversitaire. Entre les thèses d’un Jean-Luc Mélenchon - qui ont conduit d'ailleurs des souverainistes de gauche à quitter son parti -, et celle du Rassemblement national - quand bien même y a-t-il eu une notable évolution dans le discours de ce dernier -, il n'y a aucune possibilité de trouver les éléments qui permettraient de formuler des réponses communes.

Probabilité : 1/5 , Efficacité : 2/5

Maxime Tandonnet : Sur certains points, le rejet du libéralisme, des élites planétaires et du capitalisme, le discours européen, les thèses des deux courants qui se nourrissent du rejet viscéral du macronisme peuvent comporter des ressemblances. Des clins d’œil discrets sont envisageables dans la lutte contre LREM Cependant, il est utopique d’imaginer que cela puisse se traduire par une alliance formelle voire même un rapprochement électoral. LFI n’acceptera jamais une forme de compromission à ciel ouvert avec un parti qui pour lui reste marqué par son image de droite radicale.

Probabilité : 1/5 , Efficacité : 2/5,

L’encerclement du centre

  • LR/Verts

Christophe Boutin : Plutôt que de voir le centre croître de manière permanente, il pourrait être tentant de l'enfermer dans double cercle, avec, entre le centre et le cercle des extrêmes, droite et gauche réunis dans un même populisme, un cercle intermédiaire. On retrouverait alors, autour d’un centre hypertrophié depuis, une gauche et une droite datant d’avant 2017 et unis par la volonté de ne pas disparaître. Mais on ne voit pas ce qui idéologiquement pourrait conduire à un quelconque accord ici, entre par exemple le libéralisme, tout aussi affiché chez LR qu’à LREM, et cette critique du libéralisme qui prévaut à gauche chez EELV - et l’on pourrait relever aussi bien d’autres points de désaccord, sur le nationalisme, les frontières, l'énergie, l'impôt… Une telle alliance n'a guère de chance de voir le jour, et si les thèses écologiques, qui ont effectivement un lien profond avec la pensée de droite, autour des valeurs de patrimoine commun, de transmission ou de durée, sont réinvesties par celle-ci, cela ne se fera pas au sein d’un parti libéral-progressiste comme l’est aujourd’hui partiellement au moins LR, mais au sein d'un parti populiste-conservateur comme ce que pourrait être le RN.

Probabilité : 0/5 , Efficacité : 0/5

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