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Le Brexit : début de la fin de l’Union européenne ?
©NIKLAS HALLE'N / AFP

Bilan des années 2010

A l'occasion de la fin de l'année 2019, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de dresser un bilan de la décennie, des années 2010. Bruno Alomar revient sur le Brexit.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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La décision des britanniques de sortir de l’Union européenne (UE) a été l’un des évènements majeurs depuis le début du siècle, au même titre que le 11 septembre 2001 ou la Grande crise financière de 2008.

Evidemment, cet événement, qui plus qu’inattendu restera surtout comme un profond impensé, est porteur de significations profondes, que personne, ou si peu, ont su percevoir. La fin de la mondialisation heureuse, entendue comme la dissolution progressive des frontières et des identités, et, parallèlement, comme l’accroissement des responsabilités confiées aux organisations supranationales, en est une. Le retour du tragique, c’est-à-dire de la politique, avant l’économie, pour lequel Etienne Mantoux plaidait déjà en vain dans sa lumineuse critique d’un JM Keynes (La paix carthaginoise : les conséquences économiques de Monsieur Keynes – 1946) ne regardant le Traité de Versailles qu’au prisme de l’économie, en est une autre.

Il est cependant une réalité à laquelle le Brexit porte un coup particulièrement sévère, et peut être fatal : l’intégration européenne au travers de l’UE.

Disons-le tout net : le Brexit, de prime abord, est une gifle pour l’UE. Cette dernière n’a pas seulement été incapable de le prévoir. Elle n’a eu de cesse d’en nier la réalité, se raccrochant de manière puérile à l’idée selon laquelle les britanniques changeraient d’avis, de sorte que le Brexit n’aurait pas lieu. C’est le contraire qui s’est passé : en dépit des difficultés considérables, de la morgue de l’auto-proclamé « parti de la raison », les britanniques n’ont eu de cesse, quand la parole leur a été rendue (élections européennes et nationales de 2019), de confirmer nettement leur souhait de sortir de l’UE.

Mais le Brexit est sans doute plus que cela : il est peut-être la première étape de la fin de l’UE, pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que le risque est grand que le Brexit réussisse. Par « réussir », faisant fi du fait majeur que la question économique est secondaire par rapport à la question politique, nous n’entendons même pas que le Royaume-Uni ait au cours des années qui viennent des performances économiques significativement meilleures que l’UE, même s’il ne faut pas l’exclure. Il suffirait que le Royaume-Uni ait des performances qui soient comparables à celles de l’eurozone. Car enfin, quel intérêt y aurait-il à poursuivre la construction européenne, s’il ne peut être établi clairement qu’elle apporte un plus à ses membres, de nature à compenser les pertes de souveraineté qu’ils consentent ?

Ensuite, parce que l’UE a montré à l’occasion du Brexit son incapacité à se repenser. C’est un point essentiel insuffisamment relevé. Non seulement les élites européennes n’ont pas cru le Brexit possible en 2016. Elles se sont, de manière assez puérile, devant les difficultés techniques, convaincues que le Brexit n’aurait jamais lieu jusqu’à récemment.  Pire, l’UE n’a à aucun moment procédé à un examen de ses faiblesses pour se demander ce qu’elle avait pu rater. Le Brexit, pour les européens, reste fondamentalement un impensé. Ce faisant, l’UE a largement prouvé qu’elle était un astre mort, c’est-à-dire une organisation sans ressort intellectuel et moral, ne tenant plus que par les procédures juridiques qui sont son squelette.

Enfin, et peut-être surtout, parce que le peuple britannique, l’un des plus intelligents qui soit, a, par cette décision, montré le chemin au pays qui lui ressemble le plus : la France. Ces deux pays, malgré tout ce que les oppose, partagent en effet des traits essentiels. Au-delà de leur population, de leur économie de tailles comparables, ce sont deux puissances culturelles, diplomatiques, nucléaires. Le vrai message du Brexit est le suivant : le Royaume-Uni a trop de génie hérité des siècles pour se dissoudre dans une moyenne européenne qui, fatalement, le rabaisserait. Cette leçon fondamentale est vraie pour la France. Dans ce contexte, si le relèvement de la France doit intervenir, il ne pourra se faire que par la subversion d’élites qui n’en ont plus que le nom mais dont l’une des caractéristiques principales est une fascination puérile car fondée en idéologie et non en raison pour l’UE.

Au total, le Brexit marque sans doute une étape essentielle vers le glissement de l’UE, en tant qu’organisation internationale, vers l’insignifiance, comme l’ONU ou le Conseil de l’Europe avant elle.

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