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Boris Johnson, l’homme qui voulait rendre une fibre sociale aux Conservateurs
©Reuters

Fibre sociale ?

Jeudi, à l'issu des élections parlementaires britanniques le parti conservateur a acquis une très large majorité à la Chambre des communes. Un résultat qui est une victoire pour Boris Johnson et sa ligne très pro Brexit.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Alors que Boris Johnson conserve son poste de Premier ministre et trouve son pouvoir renforcer, comment pourrait évoluer la politique économique de la Grande-Bretagne ? S'attend-on à ce qu'il rompe avec la politique d'austérité jusque-là menée par le parti conservateur ?

Rémi Bourgeot : Au-delà de l’enjeu central de la réalisation du Brexit, la rupture avec la logique de l’austérité a été un élément crucial de la campagne. On savait déjà qu’une partie de l’électorat populaire travailliste, dans le nord de l’Angleterre en particulier, avait voté Brexit en 2016. Ce vote Brexit était lié à des raisons relevant à la fois de la question de l’appartenance à l’UE stricto sensu et de la contestation sociale après six années d’une austérité sans discernement sous David Cameron. Le Labour de Corbyn, en s’enlisant dans des débats interminables et illisibles sur la possible organisation d’un second referendum aux contours encore plus abstraits, a acté sa rupture avec cet électorat. Au contraire, Boris Johnson, bénéficiant déjà d’une sympathie populaire certaine pour son style bonhomme, a réussi a suscité un véritable engouement en annonçant sans détour la fin de la politique d’austérité et, au contraire, un ensemble de dépenses sociales et de sécurité, ainsi qu’un programme d’investissements dans les infrastructures. Dans un certain nombre de cas, comme par exemple pour le recrutement de policiers, il s’est tout simplement s’agit d’annuler les mesures brutales qu’avaient alors prises les Tories sous Cameron en faisant peu de cas de l’impact local de leurs décisions, en particulier dans les localités fragilisées par la désindustrialisation.

Alors qu'il a raflé plusieurs bastions du Labour peut-il donner une orientation plus sociale à la politique économique britannique ? En a-t-il l'intention malgré ses liens avec la City ? 

Effectivement la question n’est pas que celle de la dépense sociale, mais du développement économique du territoire britannique dans son ensemble. La politique d’investissement va dans le sens d’une revitalisation. Cependant, bien que l’activité financière et le redéploiement industriel ne soit pas contradictoire dans l’absolu, il ne faut pas nier les lourds arbitrages en la matière et les intérêts souvent divergents des divers territoires et groupes sociaux. La réaction de certains médias à la victoire de Boris Johnson l’a encore une fois illustré. Jeudi soir, le site du Telegraph présentait une illustration qui mêlait graphiquement le rebond de la livre sterling à la marche victorieuse du premier ministre. Mais le taux de change adapté à une City au cœur des flux financiers mondiaux n’est en aucun cas celui adapté au redéploiement industriel du pays. L’idée d’une livre forte, qui retrouverait sa « dignité », thème lancinant de nombreux éditorialistes et politiciens conservateurs par-delà les décennies, affirme la primauté des intérêts de Londres sur le reste du pays. L’inversion de la logique de l’austérité constitue un élément majeur de la dynamique politique britannique et un considérable signal d’apaisement social de la part des Tories face à un Labour en décomposition sur de nombreux plans, mais le positionnement sur la seule question de la dépense publique ne fait pas tout à terme pour les régions désindustrialisées et leurs électeurs.

A-t-il réellement la possibilité -vis à vis de son parti notamment- de satisfaire l'espérance d'une politique économique qui serait plus sociale notamment alors que les conséquences financières du Brexit ne sont pas encore déterminées ? 

Il existe effectivement des courants très variés parmi les Tories ainsi que parmi les Brexiters. Une partie significative de la campagne du Brexit a été menée par des gens proches du secteur financier, favorables à l’inclusion de la machine financière londonienne dans une mondialisation financière qui ferait dépasser à la City les limites de son positionnement européen, en capitalisant notamment sur les avancées à vocation mondiale de leur place financière dans la fintech. La question de la relative insularité de Londres, ville à l’électorat très anti-Brexit, par rapport au reste du royaume, dépasse donc les clivages entre pro et anti Brexit en réalité. La nouvelle donne « BoJo » en la matière repose dans la prise de conscience du gigantesque relai électoral au sein des classes populaires. Cela change largement les termes du débat au sein du parti, pour des raisons encore renforcées, de toute évidence, par le triomphe électoral de la semaine dernière. Pour l’heure il s’agit de mettre en œuvre le Brexit et de panser les plaies de l’austérité cameronienne. Au-delà des intérêts contraires qu’on aurait tort de minimiser, en particulier sur la question du change et de la réindustrialisation, on assiste au début d’un débat (d’une « conversation » comme disent poliment les journalistes de la BBC) plus équilibré et pouvant faciliter une réconciliation entre groupes sociaux.

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