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Après le ratage des Gilets jaunes, la droite impuissante sur la réforme des retraites
©Thomas SAMSON / AFP

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L'électorat des Républicains, favorable à la réforme des retraites, rend difficile la posture du parti, qui s'oppose à une réforme ressemblant fortement à celle que proposait François Fillon en 2017.

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

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Atlantico : Au-delà d'une critique sur la méthode du gouvernement depuis le début des consultations sur la réforme des retraites, début juillet, y-a-t-il chez Les Républicains une ligne qui se dégage concernant cette réforme ?

Olivier Gracia : Ce n'est pas tant le sujet de la réforme que celui de la légitimité actuelles des Républicains. Le parti, depuis la campagne présidentielle, avec le choix de François Fillon, souffre d'une fracture - amplifiée par la victoire d'Emmanuel Macron – entre le besoin de s'affirmer contre une ligne indépendante et de l'autre de voir que les réformes que propose Emmanuel Macron sont finalement proches de ce que proposait le candidat François Fillon. Il est intéressant de voir qu'en 2016, François Fillon justifiait déjà la retraite par points, de manière plus cynique que le président, en rappelant le fait que la retraite par points est motivée par la baisse des pensions et la baisse du point.

Le défi des Républicains, c'est comment être en opposition avec la ligne politique du gouvernement alors que sa politique s'inspire clairement de choses qui sont en ébullition dans leur programme depuis assez longtemps. On l'a vu aussi avec l'interview d'Emmanuel Macron à Valeurs actuelles, où il y a une reprise de thématiques plus liées au champs des Républicains : l'identité, l'immigration... Emmanuel Macron marche sur leurs plate-bandes et les Républicains sont décontenancés par cette crise de conquête électorale.

Les Républicains et Emmanuel Macron partagent le même électorat aujourd'hui. Il faut voir aussi que le centre-gauche macronien, qui a fait une grande partie de son élection en 2017, est aujourd'hui considérablement fragilisé par les prises de position récentes du président, qui s'apparentent d'avantage à des positions de droite. L'électorat d'Emmanuel Macron, comme l'ont confirmé les Européennes, est aujourd'hui de centre-droit. On peut donc comprendre le malaise que peut avoir un Christian Jacob, de soutenir la grève et de s'opposer frontalement au gouvernement, alors que ses électeurs, pour la plupart, soutiennent la réforme.

Les Républicains arrivent-ils, sur ce sujet des retraites, à faire des propositions différentes de celles du président ? Des lignes divergent-elles ?

Ce que proposent les Républicains est, en fait, peut-être le résultat qui va sortir de la réforme proposée par le gouvernement, dans le sens où nous sommes partis dans l'idée d'une réforme avec une retraite à points absolue. Au fur et à mesure, il y a eu une détente du gouvernement, avec une volonté affichée de ne pas pénaliser tout le monde. S'il est question de supprimer les régimes spéciaux, il va être question aussi pour le gouvernement d'apporter des garanties sur les petites pensions. C'est aussi ce que proposent les Républicains : se pencher sur les petites pensions mais aussi sur le cas très particulier des caisses libérales. Les contre-propositions des Républicains pourraient être possiblement – et je dis bien possiblement – incluses dans le rapport final du gouvernement. Ce qui est certain, c'est qu'on aurait pas un résultat de réforme similaire au projet initial.

Vous évoquez une ligne un peu sociale au sein des Républicains, incarnée par exemple par Guillaume Peltier, Christian Jacob ou Xavier Bertrand. Arrivent-ils à créer cette ligne, ou il y-a-t-il toujours une défense au sein du parti d'un libéralisme plus important ? Y-a-t-il des divergences au sein du parti lui-même ?

Les Républicains, à l'origine, c'est l'UMP – c'est-à-dire une convergence d'intérêts, parfois complémentaires, mais qui rassemblait des sensibilités de droite parfois très différentes. Une partie gaulliste-sociale, une partie beaucoup plus libérale, une partie très européiste, une partie souverainiste plus minoritaire... Depuis le début du mouvement, des différences existent. La chance de la droite républicaine, c'est qu'elle a su trouver en Nicolas Sarkozy un candidat qui rassemblait à la fois les dimensions sociales et libérales, lors de l'élection de 2007. Aujourd'hui, il y a un problème d'incarnation de la droite. Tant qu'elle ne sera pas en mesure de trouver un porte-parole digne et capable de rassembler ces différentes sensibilités, ces dissensions seront exacerbées au sein du mouvement et chacun aura envie de créer sa petite chapelle et de s'arroger une forme de légitimité sur ses idées. C'est cela la grande difficulté. Et c'est pour cela que se pose dès aujourd'hui la question du "qui ?" pour la droite. On pense à tort que l'on trouvera l'alternative au président de la République aux extrémités du spectre macronien. Mais quand celui-ci va du centre-gauche au centre-droit, voire parfois à une droite plus dure, un candidat peut émerger pour battre Emmanuel Macron sur son champ de bataille et pas nécessairement avec des idées qui ne sont pas les siennes. La droite doit trouver cette personne.

Y-a-t-il vraiment un enjeu pour les Républicains à être entendu par la France "des Gilets jaunes", alors que leur électorat est favorable à la réforme ?

La grande question est plutôt "quel parti, de droite ou de gauche, peut aujourd'hui répondre aux revendications des Gilets jaunes ?". On est partis avec le postulat, suite aux évolutions récentes des Gilets jaunes, qu'ils avaient des revendications assez proches de celles qu'avait formulé Jean-Luc Mélenchon sur la démocratie directe, etc. Malgré tout, il existe dans les Gilets jaunes une fracture à ce sujet et une grande défiance de leur part à l'encontre des partis politiques et en particulier de la France insoumise. On ne peut pas dire que les Gilets jaunes aient favorisé la France insoumise. Les sondages montrent l'inverse : la France insoumise s'est effondrée lors des Européennes, alors qu'elle serait à ce jour la formation politique qui se rapprocherait le plus des revendications Gilets jaunes.

Comment la droite, qui est, elle, éloignée de beaucoup de leurs revendications, pourrait arriver à les convaincre ? Ca paraît impossible. La question des retraites est fondamentale, mais n'oublions pas qu'initialement, le sujet des Gilets jaunes n'est pas les retraites, mais la fiscalité. On a un peu oublié ce sujet et le président lui-même a écarté ce sujet. Les Gilets jaunes attendent une véritable révolution fiscale. Je pense même que certains seraient prêts à accepter une réforme des retraites si à côté il y avait une révolution fiscale, une revalorisation des revenus, par exemple une baisse drastique des charges patronales ou salariales ou de l'impôt sur le revenu. La fiscalité est à l'origine du sentiment d'injustice des Français. Cela explique que la position un peu marginale de Guillaume Peltier sur la question de la fiscalité – il a bien compris qu'elle est au cœur du sujet – existe aussi au sein des Républicains. L'enjeu serait peut-être pour les Républicains d'affirmer une ligne claire sur la fiscalité.

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