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Entre petits calculs et clash partisan, que reste-t-il des promesses du nouveau monde ?
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Et en même temps

Une des promesses d'Emmanuel Macron consistait à abolir l'ancien monde. Pourtant le gouvernement n'a pas changé dans sa manière de gérer l'opposition et des petites négociations en interne subsistent toujours.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Atlantico.fr : Une des grandes promesses d'Emmanuel Macron en 2017 était d'"abolir" l'ancien monde, celui des petits calculs politiques et du sectarisme. Deux ans et demi après, où en sont les promesses du Président ? 

Une petite lutte politique oppose Marlène Schiappa (LREM) et Aurélien Pradé (LR) autour du retrait de l'autorité parentale aux pères accusés de violences envers leurs compagnes. Cet événement est-il révélateur de ce qui se passe depuis deux ans et demi ? 

Gilles Gaetner : Le candidat Macron nous avait promis une république bienveillante, apaisée. Il nous avait promis que c'en serait fini des combines politiques et des partis qui veulent tout régenter. Or, à quoi a-t-on assisté dès le début du quinquennat ? On a assisté à une recrudescence des affaires. Un certain nombre de personnalités politiques du MODEM sont encore dans l’œil de la justice (François Bayrou ou Marielle de Sarnez). La loi de la moralisation de la vie publique a été concomitante de ces affaires. Cela nous a rappelé les grands moments du PS et du RPR des années 1980-1990.

Le nouveau monde ressemble fort à l'ancien : un hyper-président, encore peut-être plus fortement que Sarkozy, et un parti, comme je l'ai montré dans Les Arrogants, qui souhaite être hégémonique, et tout diriger. LREM ressemble au PS de 1981 ! La république n'est donc pas apaisée contrairement à ce que le candidat Macron avait promis. 

Un bon exemple est l'espèce de petite concurrence entre partis qui continue d'exister et qui n'est pas très saine quand elle touche des détails. Le cas que vous présentez est assez exemplaire. Marlène Schiappa, Secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, n'apprécie pas de se faire couper l'herbe sous le pied par le député LR Aurélien Pradié (dont on parle beaucoup en ce moment, l'homme qui monte au sein des Républicains) qui veut ajouter à sa proposition de loi une des mesures qu'elle avait prévue pour clore le Grenelle contre les violences conjugales : la suspension de l'autorité parentale du père accusé de violences ou de féminicide. Cela me rappelle un autre évènement du même genre. En octobre 2018, Aurélien Pradié avait annoncé sa proposition de loi sur le statut des aidants pour les jeunes handicapés ; immédiatement, cette proposition avait été approuvée par l'ensemble des partis politiques, sauf par la République En Marche. Pourquoi ? Parce qu'il y avait une sorte de jalousie : certains au sein de LREM préparaient un texte sur le statut des aidants. C'est à cette occasion que le député Ruffin s'était invité dans la polémique en disant en somme : j'espère qu'on ne vous le pardonnera pas, en s'adressant à ses collègues de LREM. C'est à la fois dérisoire et significatif, parce que l'opinion publique attend autre chose de ses parlementaires. Pour le retrait de l'autorité parentale, on est dans le même cas : Marlène Schiappa se sent offusquée de la proposition d'Aurélien Pradié. "Tu m'a pris mon joujou" semble-t-elle dire. 

Le dossier des retraites a-t-il été géré en accord avec les principes du nouveau monde ? 

Lorsque le candidat Macron a annoncé qu'il ferait une réforme des retraites et qu'il supprimerait les quarante-deux régimes spéciaux, on a applaudi des deux mains. Maintenant, c'est l'inverse. La raison est simple : la concertation avec Jean-Paul Delevoye a duré de longs mois, on a parlé d'âge pivot, on a parlé de la clause du grand-père. On nous a ensuite parlé de la réforme par points... L'opinion ne sait plus où la réforme en est. Emmanuel Macron avait annoncé que le texte serait voté après les municipales et maintenant on nous dit que cela arriverait avant. Chaque ministre et chaque conseiller tient un discours différent. C'est loin d'être conforme à la promesse d'efficacité et de clarté du nouveau monde !

Sincérité politique sans calculs, ouverture à l'opposition : au total, le nouveau monde est-il pire que l'ancien monde qu'il prétendait remplacer ? Pourquoi ? 

Non, il est simplement semblable. Ce qui a surtout participé à l'impression qu'il est pire, c'est que certains membres de LREM ont surtout fait preuve à la fois d'amateurisme et d'arrogance. On peut penser à cette phrase de Gilles Le Gendre qui expliquait que si les réformes proposées par Emmanuel Macron rencontraient de l'opposition, c'est que les gens n'étaient pas assez subtils pour les comprendre... Quand un représentant du peuple dit cela, il y a de quoi être un petit peu échaudé ! Un autre exemple de la survie de l'ancien monde, c'est le fait qu'à chaque fois qu'il y a un problème, il faut envisager un nouveau texte législatif.

Ce qui ne ressemble peut-être pas à l'ancien monde, c'est la manière de gérer les relations avec les syndicats. Emmanuel Macron avait été très choqué de ce qui s'était passé chez Air France pendant le quinquennat Hollande. Il a rompu les relations que François Hollande avait avec la CFDT. A ce niveau-là, la République n'est pas très consensuelle. 

Le dernier livre de Gilles Gaetner, "Les Arrogants, Ambitions, affaires et aveuglements" a été publié aux éditions de L'Artilleur. 

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