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Poussée de fièvre (non) acheteuse : tempête politique sur le Black Friday
©Sameer Al-Doumy / AFP

Atlantico Business

Pour les écologistes, le Black Friday a des effets catastrophiques sur le climat et pour certains responsables politiques, il faudrait même le supprimer. Tout se passe comme si le consommateur était irresponsable. Surréaliste !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Surréaliste et incompréhensible. Delphine Batho demande l’interdiction du Black Friday et les députés sont prêts à la suivre. En cette période de Black Friday qui va durer tout le week-end, la consommation est donc devenue honteuse moralement et pernicieuse pour l’environnement et le climat. Les politiques, dont certains membres du gouvernement voudraient interdire ce type d’initiatives qui poussent à la « surconsommation » et les écologistes radicaux dénoncent cette course au gaspillage et à la dégradation de l’environnement.

D’autres y voient la preuve de la nécessité de revenir à une décroissance, seul moyen de vivre mieux et plus longtemps. Il faudrait donc interdire, freiner et se priver. Haro sur la liberté de consommer.

Le Black Friday n‘est rien d’autre qu’une grande opération de publicité et de communication pour encourager les achats dans les magasins et sur internet lors du prochain week-end. Et ça marche.

Depuis quelques années maintenant, les consommateurs se ruent dans les centres commerciaux ou sur leurs tablettes pour profiter des rabais et les soldes (promotions plus ou moins vraies d’ailleurs). 

Importée des Etats-Unis, cette pratique, qui a pour but de booster la consommation un mois avant les fêtes de fin d’année, s’est imposée très vite dans le monde entier. En France, des millions de consommateurs devraient dépenser près de 10 milliards d’euros dans les magasins et sur internet. Tous les secteurs sont entrés dans la course : l’alimentaire, le textile, les biens d’équipement, les voyagistes et même les constructeurs automobiles qui proposent des conditions spéciales et avantageuses.

La fièvre va sans doute monter particulièrement dans le e-commerce et la vente à distance qui déploient des trésors d’imagination pour attirer et séduire les acheteurs. Sans surprise, Amazon va capter la plus grosse part de marché (70% des achats en ligne), suivi de Cdiscount ( 35%), mais tous les autres sites de ventes en ligne s’attendent à faire de beaux cartons et notamment la Fnac, Darty, Veepee ou Boulanger.

Ce qui est extraordinaire cette année, c’est que cette initiative commerciale a provoqué une levée de boucliers pour dénoncer un encouragement à la surconsommation et au gaspillage, néfastes pour tout le monde.

La palme du ridicule revient sans doute à Elisabeth Borne, ministre en charge de l’écologie et des transports, qui a expliqué que ces Black Friday « déclenchaient une frénésie de consommation à coups de remise et de publicités » et qu’ « il fallait consommer mieux.» En d’autres termes, le consommateur est stupide, il faudrait le guider dans ses choix et ses décisions comme un enfant irresponsable. Brune Poirson, l’année dernière, avait déjà essayé de lancer un débat du même type. Mais sans aucun succès. Delphine Batho en a eu davantage puisque sa proposition d’interdire le Black Friday a été adoptée en commission par les députés.

Elisabeth Borne n’a fait que reprendre les éléments de langage des écologistes qui prônent la moindre consommation, avec des choix différents, des produits plus durables etc... Comme si le consommateur n’était pas capable « d’intelligence ou de liberté».

Ce qui est incroyable dans ces propos, c’est qu‘ils aient été tenus par un ministre du gouvernement qui a pourtant compris que la consommation était le moteur principal de la croissance de l’économie française. Un gouvernement qui a d’ailleurs dégagé 17 milliards d’euros pour répondre à la demande de pouvoir d’achat qui montait de la France profonde. A quoi bon donner du pouvoir d’achat, si c’est pour inciter les bénéficiaires à épargner ?

Ce qui est encore plus incroyable, c’est que dans la foulée, des ONG viennent nous expliquer que ces Black Friday sont des catastrophes pour la planète et l’environnement, parce qu’ils encouragent une consommation inutile et concentre cette consommation sur quelques jours, ce qui accroît les émissions de CO2.

Les ONG, militantes de la non-consommation, n’apportent évidemment aucune preuve au procès.

D’abord, la majorité des commerçants, y compris ceux qui se déclarent éco-responsables participent à cette fête de la consommation. On attend encore « la liste des 500 grandes marques qui auraient décidé de boycotter le Black Friday et de fermer leurs boutiques.

Ensuite, toutes les organisations commerciales affirment que le Black Friday ne fait que lisser les dépenses de consommation qui se concentraient autrefois à partir du 20 décembre. Enfin, l’empreinte carbone du Black Friday ne sera pas plus lourde que celle laissée par l’ensemble des dépenses de consommation de décembre. Les acteurs du e-commerce expliquent même que le poids grandissant du commerce digital accroît l’importance des livraisons certes, mais l’organisation de ces livraisons émet moins de CO2 que la mobilité individuelle des consommateurs qui se déplacent vers les magasins. Un seul camion va livrer 10 ou 20 clients dans sa journée, ce qui représente 10 ou 20 déplacements individuels.

La Poste, qui avait du mal à gérer la période de pointe de Noël, considère que le Black Friday étale beaucoup ses charges de livraisons.

Ce qui est absolument insupportable dans la polémique, c’est qu’elle se nourrit aussi de Fake news sur les réseaux sociaux qui sont parfois odieux. La dernière en date serait que le Black Friday aurait un rapport avec l’esclavage puisqu’il tire son nom de la vente d’esclaves au rabais à l’époque de l’esclavage.

Ce débat est ancien mais il est contraire à la vérité historique. La vérité est beaucoup plus simple. Le vendredi noir remonte au début de septembre 1869. A cette époque, l’économie américaine est tombée et les marchés ont failli s’effondrer sous l’action des spéculateurs en or. Ce jour-là, un vendredi, tout était à vendre.

Même phénomène en 1929. Le krach a démarré le jeudi 24 octobre. Ce jeudi restera le jeudi noir (ou Black Thursday), un jeudi où toutes les valeurs vont s’effondrer en provoquant une panique quasi mondiale.

Les commerçants ont préféré s’organiser un vendredi plutôt qu’un jeudi pour proposer les soldes. Ils ont eu raison, le jeudi noir était historiquement trop noir.

Ce qui est incompréhensible dans cette polémique, c’est qu‘elle se nourrit de l’idée que le consommateur est irresponsable ou manipule. C’est parfois vrai. Il y a des commerçants malins et malhonnêtes, il y a des publicités addictives. Mais tous les consommateurs ne peuvent pas être tous abusés ensemble et au même moment. Il y a des réglementations, des régulations. Il y a aussi des organisations de consommateurs pas assez puissantes surement, mais elles existent.

Il y a surtout des consommateurs libres et responsables. L’exercice de cette liberté est sans doute le bien le plus précieux. Les consommateurs peuvent d’ailleurs l’exercer beaucoup plus souvent que le droit de vote. Et c’est peut-être ce qui gène certains responsables politiques.

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