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Crédit d’impôt à la transition énergétique : ces éléments qui suggèrent un gaspillage massif d’argent public
©Shutterstock

Rénovations

La rénovation énergétique est l'un des piliers de l'action publique en faveur de la transition énergétique. Selon une étude économique du Cerna Mines ParisTech le temps pour récupérer le coût de l'investissement pour les travaux serait de 120 ans.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico.fr : Une étude économétrique réalisée par Matthieu Glachant et Gaël Blaise, respectivement professeur et étudiant aux Mines, montre que les gains énergétiques des travaux de rénovation énergétique des logements sont plus que limités. Quelles sont leurs conclusions ? 

Philippe Charlez : Publiée en Octobre 2019 (G. Blaise & Matthieu Glachant (2019) « Quel impact des travaux de rénovation énergétique des logements sur la consommation d’énergie » La revue de l’Energie N° 646 Septembre Octobre 2019), cette étude mentionne en effet que « pour 1000 euros investis la diminution de facture énergétique serait en moyenne de seulement 8,29 €/an ». Calculé sans taux d’actualisation, le retour sur investissement serait alors de…120 ans. Autrement dit, les investissements énergétiques dans le bâtiment seraient purement et simplement des investissements de confort alors que l’habitat, comme le mentionne l’étude, représente 45%  de l’énergie finale consommée en France. Ce résultat est en complète dissonance avec de nombreuses études montrant au contraire que la rénovation de l’habitat est avec les transports le premier levier d’économies d’énergie. Ainsi un rapport très complet publié récemment par la Fédération Belge des Associations d’Ingénieurs  montre que chez nos voisins belges l’habitat est le premier levier de réduction de la consommation d’énergie et, par voie de conséquence la première source de réduction de gaz à effet de serre. 

Pourquoi une telle inefficacité énergétique selon vous ? Quelles sont les principaux travaux de rénovations et pourquoi ont-ils ces limites ?

Philippe Charlez : L’efficacité énergétique d’un logement dépend avant tout de sa catégorie énergétique (grille de A à G). Mais, une fois le logement rénové, les économies d’énergie procèdent au final du comportement des occupants. Ouvrir la fenêtre quand il fait trop chaud dans votre logement anéantira vos efforts de rénovation! Or l’étude se base sur des données socio-économiques (factures d’énergie) et travaille sur des moyennes indépendamment des catégories énergétiques ce qui, à mon avis, est une erreur. On mélange alors qualité de l’habitat et comportement des occupants. L’explication se trouve d’ailleurs dans le texte : « la première motivation n’est pas l’économie d’énergie, mais le confort ce qui en pratique se traduit après rénovation par une augmentation de la température intérieure du logement ». Si ce constat d’effet rebond est intéressant, l’étude comporte incontestablement un biais : il faut impérativement discriminer travaux et comportement sous peine d’aboutir à des conclusions erronées.

Le rapport de la FABI montre que c’est la rénovation des logements les plus dégradés (et donc les plus énergétivores) qui permet de réaliser les économies les plus significatives. Ainsi le retour sur investissement de travaux d’isolation dans des logements E, F & G est de seulement 7 ans contre plus de 20 ans dans des logements de type ABC. La FABI montre que la rénovation de 100000 logements par an coûterait sur 30 ans environ 40 milliards d’euros et en rapporterait 220. On est donc très loin des 120 ans mentionnés dans l’étude. Sans considérer les comportements les travaux de rénovation sont tout à fait pertinents et même économiquement très rentables.

Ces travaux sont largement subventionnés par l'Etat. Quels dispositifs incitatifs existent et combien coûtent-ils ? 

Eric Verhaeghe : Les aides sont de deux sortes, comme souvent dans ce genre de dispositif. D'une part, il existe des interventions directes qui sont des subventions déguisées aux acteurs de la transition énergétique. C'est par exemple le cas des aides de l'ANAH dans le cadre du programme "Habiter Mieux". D'autre part, il existe des incitations fiscales fortes, avec des mesures foisonnantes comme le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui permet de faire financer par le contribuable une partie des dépenses de travaux liés à la transition énergétique. Mais on peut aussi citer le taux réduit de TVA (à 5,5%) ou les éco-prêts à taux zéro pour tout ce qui touche aux travaux destinés à pratiquer cette "transition énergétique". 

Cette énumération est partielle. Tout montre aujourd'hui que la transition énergétique est éparpillée entre une multitude de dispositifs compliqués, coûteux à mettre en place, et qui manquent de lisibilité. D'ailleurs, le gouvernement ne produit pas de coût clair pour cet ensemble. On peut estimer qu'il coûte environ 15 milliards d'euros. Il faut attendre une évaluation par la Cour des Comptes pour bien faire le tour de la question. D'ici là, on peut noter que, au budget 2020, on trouve des chiffres qui donnent le tournis : plus de 6 milliards pour la politique de soutien aux énergies renouvelables, près de 2 milliards pour les certificats d'économie d'énergie, environ 2 milliards pour le CITE, 1,5 milliard pour la contribution française au Fonds Vert, 500 millions pour les chèques énergie. Plusieurs mesures (comme la transformation du CITE en prime pour les plus modestes) ne sont d'ailleurs pas chiffrées. 

Tout ceci donne une vision du coût de cette politique foisonnante à laquelle plus personne ne comprend rien. 

La CNIL a par ailleurs infligé une amende de 500 000 euros à une société d'isolation pour démarchage téléphonique illégal. Les pratiques des spécialistes de la rénovation énergétique et de l'isolation thermique sont-elles toujours irréprochables ? 

Eric Verhaeghe : Comme tous les secteurs réglementés et subventionnés, les acteurs du marché tendent à maximiser les aides, les subventions et les interventions en poussant à la consommation, au mépris de leur devoir de conseil. L'affaire que vous évoquez concerne une société qui poussait des quidam à accepter de l'isolation à un euro. Elle disposait d'un fichier téléphonique et se livrait à un véritable harcèlement pour décrocher des marchés. Des particuliers se sont plaints de ce harcèlement et la CNIL a fini par découvrir que la société en question (Futura) avait mis en place un véritable mécanisme industriel pour consommer les crédits publics. 

Il faut évidemment être naïf pour croire à la belle mise en scène incarnée par Greta Thunberg en matière d'écologie et de lutte contre le réchauffement climatique. L'utilisation très émotionnelle de cette grande peur millénariste de la fin du monde, qui revient tous les cent cinquante ans en Europe, est une habile manipulation qui dissimule de très belles opérations commerciales, petites ou grandes. Le marché de l'éolienne l'a montré par ailleurs. Les subventions à la transition énergétique servent d'abord à engraisser des acteurs tout à fait intéressés et lucratifs qui profitent des aubaines consenties par le contribuable manipulé. Sur ce point, n'oublions pas que des mouvements comme Extinction Rébellion, qui nous la jouent écologie radicale et anti-capitaliste, sont directement financés par George Soros et quelques milliardaires américains. Le fonds qui leur apporte de l'argent est dirigé par l'ancien gestionnaire du family office de Bill Gates. 

Tous ces gens ne dépensent évidemment pas des fortunes pour financer l'idéologie de la transition écologique par simple philanthropie. Tout ceci cache des marchés juteux qui se développent grâce à l'incurie des Etat

Ne faudrait-il pas, compte tenu de ces éléments, abandonner les aides publiques des logements sur la consommation d’énergies et les subventions à la rénovation énergétique ? Le CITE en particulier est-il légitime ? 

Philippe Charlez : Les aides publiques sont indispensables pour aller de l’avant dans la rénovation de l’habitat et ne doivent en rien être abandonnées. Il faudrait même rediriger une partie des sommes publiques investies dans les renouvelables (150 milliards depuis le début du siècle !) qui se sont montrées décevantes vers l’habitat et les transports. Par contre il faut effectivement revoir la notion de crédit d’impôt. En effet, comme indiqué plus haut, les subventions doivent se concentrer sur les « passoires énergétiques » et non sur les logements déjà correctement isolés. Or, les français qui payent le plus d’impôts sont aussi ceux qui possèdent les logements en meilleur état. Aussi le crédit d’impôt est alors utilisé pour de la coûteuse rénovation de confort (i.e. domotique) sans grande efficacité énergétique. Ceci renforce d’ailleurs le biais de l’étude dont la base de données qui s’est concentrée sur la période 2000 et 2013 est largement influencés par l’effet de convenance du CITE. Le système de subventions doit dont être revu et décroitre quand on descend dans la grille. La dernière loi votée à l’Assemblée Nationale va dans le bon sens.    

Eric Verhaeghe : D'une manière générale, on peut s'inquiéter de constater que les pouvoirs publics ne se sont pas donnés les moyens de vérifier l'adéquation des mesures fiscales prises avec les objectifs poursuivis. La politique menée sur ce sujet est largement une politique d'affichage et d'auto-satisfaction, qui se préoccupe peu de savoir si elle profite à la planète ou à quelques marchands spécialisés dans les effets d'aubaine. On voit bien que l'Etat pilote ces opérations dans un joyeux désordre, coincé entre des arbitrages politiques peu éclairés, dictés par l'électoralisme, et des contraintes techniques imposées par un gouvernement profond, celui de la technostructure de l'Equipement peu enclines à opérer cette transition. 

D'où des arbitrages à la va-comme-je-te-pousse. Le CITE doit être transformé en prime pour les plus modestes en 2020. Chacun a pris conscience qu'il servait d'abord à engraisser des moissonneurs de subventions, et accessoirement à permettre à des ménages aisés de valoriser leur patrimoine aux frais de la collectivité. Le sujet de fonds est encore une fois d'admettre que toute intervention publique qui fausse la concurrence et modifie les termes du marché a des effets pervers redoutables. Elle pousse à des stratégies qui gaspillent l'argent prélevé auprès des contribuables, et qui serait mieux utiliser sans intervention de l'Etat. Pour dissimuler ces effets pervers, on utilise les épouvantails dressés par l'écologie radicale, et par des Greta Thunberg dont on peut dire aujourd'hui qu'elle est un magnifique succès de marketing. Ceux qui l'ont fabriquée ont très bien réussi leur opération commerciale. 

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