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Congrès des maires : Emmanuel Macron surestime l’impact de la politique de simplification mise en œuvre  à destination des élus locaux
©LUDOVIC MARIN / AFP

"J'ai besoin de vous"'

Emmanuel Macron s'est exprimé devant plusieurs milliers de maires réunis mardi Porte de Versailles pour l’ouverture du congrès des maires de France. Le chef de l'Etat peine à convaincre les élus à quelques mois de la bataille des municipales.

Pascal Leprêtre

Pascal Leprêtre

Pascal Leprête est juriste, auteur de "collectivités territoriales, tout ce qu’il faut savoir et comprendre" éditions Gualino 2018, sécrétaire général de  l’Association des Directeurs Territoriaux de France et élu municipal. 

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Atlantico.fr : Le Président de la République s'est exprimé pendant plus d'une heure à la tribune du congrès des Maires de France 2020. Alors qu'il est visiblement tenté de se rapprocher des maires pour la suite de son mandat, Emmanuel Macron a vanté le parcours accompli en terme de déconcentration du pouvoir, de décentralisation et de simplification administrative à l'échelon local.

Le Président a évoqué les normes qui enserrent les maires, et l'intercommunalité imposée qui les brident. Les éléments qu'il a avancé (réduction du nombre de décrets, circulaires, rescrit administratif, procédures administratives validées localement) vous paraissent-ils pouvoir satisfaire les maires de ce point de vue ?  

Pascal Leprêtre : Les collectivités territoriales sont soumises à de nombreuses contraintes réglementaires dont la mise en œuvre peut se révéler complexe, voire couteuse surtout pour les petites communes qui ne disposent pas de moyens humains et qui financièrement sont très contraintes. La réduction de cette inflation normative annoncée par le président de la République, avec la diminution du nombre de décrets, l'abrogation de nombreuses circulaires existantes qui seraient devenues inutiles, va à l'évidence dans le bon sens et devrait satisfaire de nombreux maires. 

Il a par ailleurs évoqué la mise en place d'un rescrit normatif dans les préfectures, qui devrait permettre d'assister les petites collectivités dans l'application des textes et normes qui leurs sont imposées, leur assurant ainsi une action  juridiquement  plus sécurisée.  

Le Président a également parlé de l'assouplissement de l'intercommunalité. La simplification du mille-feuilles  administratif est-elle vraiment engagée ?  

La simplification du mille-feuilles a été profondément engagée avec la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015 et la loi MAPTAM (de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles)  de 2014, ce qu'on a appelé la "réforme territoriale". Avec la loi NOTRe une clarification des compétences des collectivités territoriales a été opérée avec un principe selon lequel à chaque compétence correspond un seul niveau d'intervention : le développement économique pour les régions, l'action sociale pour les départements...Par ailleurs ces textes ont supprimé la clause générale de compétencedont disposaient jusqu'alors les régions et départements, à savoir la possibilité d'intervenir dans tout domaine qui présentait un intérêt local. Seule aujourd'hui la commune continue de bénéficier de cette liberté. En revanche la structuration territoriale de la France demeure complexe car aucun échelon n'a été supprimé. Danscertains territoires comme en Ile-de-France l'organisation territoriale s'est même complexifiée au fil des années avec la création de la Métropole du Grand Paris qui n'a pas réussi à s'imposer et à se substituer aux départements de petite couronnecomme il en avait été question il y a deux ans.   

Au total, le Président de la République a expliqué que tout était mis en place "pour mieux s'organiser et respecter les libertés locales". Quelles réformes vous paraîtraient plus significatives pour y parvenir ?

Mieux s'organiser c'est sans doute permettre aux collectivités de pouvoir s'organiser plus librement en fonction des spécificités du territoire. Le président de la République a réaffirmé son attachement à l'expérimentation et au principe de "différenciation des territoires" consistant à avoir des collectivités protéiformes aux organisations et compétences prenant en compte les particularités locales. Cette approche pragmatique est intéressante et permettra vraisemblablement de simplifier peu à peu le problème du mille-feuilles territorial. La Métropole du Grand Lyon créée le 1er janvier 2015, est à ce titre un exemple intéressant puisque cette collectivité sui generis, est le produit de la fusion de l'ex communauté urbaine et du département du Rhône. La collectivité territoriale de Corse qui regroupe aujourd'hui la région Corse et les deux anciennes collectivités départementales qui la composaient, ou la future collectivité européenne d'Alsace qui sera créée le 1er janvier 2021 sont autant de projets qui vont aussi dans le sens d'une simplification. 

S’agissant de l'intercommunalité, elle demeure un échelon imparfait qui a du fait de l'étendue des périmètres des  communautés de communes et d'agglomération, éloigné la décision politique locale du citoyen. C'est un échelon, sans doute efficient pour l’exercice de compétence, mais peu perceptible par les habitants et dont l'action et la coordination avec les communes mérite d'être améliorées. Beaucoup de maires estiment avoir perdu beaucoup de leur pouvoir, c'est parfois une réalité très forte puisqu'ils n'ont plus la charge de compétences importantes comme la voirie, les équipements sportifs et culturel, l'action sociale mais continuent à être interpellés par leurs administrés sur ces sujets sur lesquels ils n’ont plus vraiment prise. 

Enfin, le nombre de communes demeure très élevé en France avec la particularité qu'une commune sur deux a moins de 500 habitants et que 10% d'entre-elles ont moins de 100 habitants. Le regroupement des communes engagé avec le processus de création de communes nouvelles doit être amplifié. Ce système a permis de faire passer le nombre de communes de 39 658 en 2015 à 34 968 en 2019.

Mais respecter les libertés locales c'est évidemment aussi donner des ressources aux collectivités autres que des dotations de l'Etat. Le maintien d'uneautonomie fiscale est primordiale pour ce faire.

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