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Et si l’univers était une sphère fermée ? C’est ce que pourraient suggérer des observations de l’Agence spatiale européenne
©Reuters

Immensité ?

Selon une étude publiée dans Nature Astronomy, l'univers serait sphérique et fermé. L'étude revient notamment sur une anomalie dans les données collectées en 2018 sur la question du fond diffus cosmologique.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico.fr : D'après une étude publiée cette semaine dans Nature Astronomy, l'Univers serait sphérique et fermé. Ces résultats vont à l'encontre d'autres éléments portant à penser que l'Univers serait plat, une théorie plus largement partagée. L'étude exploite une anomalie dans les données collectées en 2018 par l'observatoire spatial Planck concernant le fond diffus cosmologique.

Qu'est ce que le fond diffus cosmologique, et pourquoi cette anomalie porte-t-elle certains chercheurs à penser que l'Univers est sphérique?

Olivier Sanguy : Le fond diffus cosmologique est une lumière émise 380000 ans après le Big Bang et qui nous parvient, du fait de l'expansion de l'Univers, décalée dans le domaine des micro-ondes. L'observatoire spatial européen Planck a été spécifiquement conçu pour étudier ce fond diffus cosmologique avec une précision inégalée. C'est au passage l'une des grandes réussites de l'Agence Spatiale Européenne et des industriels européens impliqués dans cette mission. Ce fond diffus trahit les infimes différences de températures qui régnaient alors. On les appelle anisotropies et elles sont, pour simplifier, les "grumeaux" de densité à partir desquels les grandes structures du cosmos vont se former (étoiles, galaxies, etc.). Les données récoltées par Planck sont complexes et en les analysant on peut en déduire ce que certains théoriciens interprètent comme une anomalie. C'est le cas de l'étude menée par une équipe dirigée par Eleonara Di Valentino de l'Université de Manchester et qui a fait l'objet de la publication dans Nature que vous évoquez. Pour cette équipe, l'anomalie trahit le fait que notre Univers est "sphérique". Comprenez qu'on parle là d'un univers en 3 dimensions qui a une courbure spatiale positive, donc un univers fermé. Le terme sphérique est en fait une analogie à un univers en 2 dimensions repliée en sphère dans une troisième dimension.

Cette anomalie pourrait-elle être due seulement à une fluctuation statistique?

En tout cas, les auteurs du papier publié dans Nature ne le pensent pas ! Comme je vous disais, les données de Planck sont très complexes à interpréter et c'est là qu'est le problème. Il ne faut pas croire que Planck a obtenu directement une mesure parfaite du fond diffus cosmologique. En effet, entre lui et ce fond, il y a tout un univers avec des signaux parasites pour ainsi dire. Et un énorme travail consiste justement à supprimer tout ce qui peut venir perturber la mesure du fond diffus cosmologique. Et en le faisant, par des modèles mathématiques alliés à d'autres mesures faites pour repérer les perturbations, il faut veiller à ne pas générer de faux résultats. Donc, cette étude est très probablement extrêmement intéressante, mais il faut aussi garder à l'esprit que d'autres groupes de chercheurs estiment que l'anomalie est bien une fluctuation statistique.

Les résultats de cette étude viennent contredire le modèle cosmologique standard, y compris deux ensembles d'interprétations majeures: la mesure de la constante de Hubble et certaines données sur l'énergie noire. À quoi correspondent ces interprétations, et quelle est la probabilité qu'elles soient fausses et nécessitent d'être révisée à la lumière de l'anomalie Alens étudiée dans la publication parue cette semaine?

La constante de Hubble (d'après l'astronome Edwin Hubble et non d'après le célèbre télescope spatial qui porte son nom !) est liée à l'expansion de l'univers, mais sa valeur varie en fonction du mode de mesure. Par exemple, si on la dérive des données de Planck, on n'obtient pas le même chiffre qu'en observant un type précis de supernovae qui servent classiquement d'étalons de référence. Pour la matière noire, cette matière invisible aux observations dans toutes les longueurs d'onde, mais dont on constate les effets gravitationnels, on identifie un problème théorique avec le modèle de l'univers plat. On voit donc que l'équipe d'Eleonara Di Valentino avance qu'un univers sphérique serait une solution à ces problèmes. Qui a raison ? Difficile de le dire, même si pour le moment le modèle de l'univers plat est celui qui semble le plus conforme aux observations.

La théorie d'un Univers plat est-elle donc plus convaincante dans l'ensemble aux vues des données dont la communauté scientifique dispose et de la cohérence du modèle cosmologique standard?

La validité d'un modèle se fait toujours en fonction des mesures observationnelles dont on dispose. C'est pourquoi les progrès techniques qui autorisent des mesures plus poussées permettent de progresser dans notre compréhension de l'univers. Il faut comprendre que la science intègre dans son fonctionnement la nécessité de la remise en cause permanente, car les dogmes sont exclus. Mais on ne peut pas non plus détruire totalement un édifice théorique qui a largement fait ses preuves à chaque étude qui semble contradictoire. Les grandes révolutions sont extrêmement rares en science et nos connaissances progressent plutôt par petites touches, notamment en ce qui concerne la cosmologie. On s'approche probablement du moment où, pour arbitrer le débat théorique, il faut disposer de mesures plus précises que ce qui est possible actuellement.

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