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Quatre secondes d'une vidéo d'une violence inouïe pour libérer la parole
©BERTRAND GUAY / AFP

Est-ce que moi aussi je suis devenue #MeToo ?

Comment #MeToo s'instille dans la société civile

Marie Martin

Marie Martin

Marie Martin n'est pas un pseudonyme. Passée par des études de lettres puis de droit, elle travaille aujourd'hui dans le milieu de l'informatique et du droit fiscal. 

En parallèle, elle devient auteur, la passion des mots et de leurs images ayant toujours fait partie de sa vie.

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L'actualité des violences faites aux femmes est riche. Portée par le gouvernement, et plus particulièrement par le coup de communication incroyable de Marlène Schiappa et son Grenelle contre les violences faites aux femmes, il est fait un écho sociétal initié par les actrices glamour porteuses du #MeToo.

En vue de rédiger mon article sur Instagram (à lire absolument !), j'ai pris l'habitude de consulter des comptes d'influenceurs (des hommes et des femmes qui peuvent porter les « valeurs » d'une marque, moyennant contrat rémunéré).

Lundi matin, je consulte les stories Instagram de différentes personnes - ces suites de petites vidéos où le titulaire du compte Instagram se confie comme si nous étions en Facetime avec lui. Je tombe sur la story de @coucoulesgirls, au contenu le plus souvent humoristique et esthétique.

Mais ce matin, elle diffuse une vidéo où le premier plan présentant des jeunes sortant de soirée à Monaco, l'haleine chargée de chants paillards, est perturbé par un homme qui saisit le cou d'une jeune femme pour la jeter à terre. Il semble qu'il l'assène de coups de poing alors qu'elle est au sol et qu'elle hurle. Quatre secondes de vidéo suffisent à révéler l'ignominie de certains gestes.

Cette scène est d'une violence inouïe. Nous avons enfin un aperçu en vidéo de violences faites aux femmes : le sentiment d'une disproportion entre la force physique de l'homme et l'impuissance de la femme à s'y opposer. Le sentiment de surprise aussi : le coup de colère est soudain, il l'agrippe par la gorge comme pour marquer l'échec de toute communication entre eux.

Car ces violences sont le constat d'un échec. Échec du choix de la réflexion et du dialogue. Échec de la reconnaissance de l'autre comme interlocuteur, ami et semblable. L'homme de la vidéo est enivré de son propre pouvoir.

Le sociologue Norbert Élias (1887 – 1990) a démontré que le « processus de civilisation », thème essentiel de son œuvre, tend à atténuer le degré de violence acceptable. Plus la civilisation évolue, moins la violence devient acceptable. Est-ce ce que nous vivions actuellement avec la vague d'indignations envers les violences faites aux femmes ?

La violence reste profondément ancrée en nous : nous sommes des êtres par nature agressifs et cruels. Mais la vie en société réprime la violence et la canalise en rituels (sports de combats, sado-masochisme, compétitions sportives...)

Mais alors ce Grenelle, et plus largement l'initiative gouvernementale, tendraient-ils à faire évoluer la civilisation française ? Il est difficile d'y croire. Pour deux raisons : la première est que Marlène Schiappa aime passer à la télé auprès de Cyril Hanouna. Son initiative s'inscrit plus dans une mouvance que dans une réelle volonté de porter une parole juste.

La deuxième raison se trouve dans le comportement agressif des forces de l'ordre lors des différentes manifestations récentes. Ce qui m'a le plus marqué, c'est cette chaîne humaine non-violente sur le pont de Sully, en date du 28 juillet dernier. Les militants écologistes enchaînés entre eux ont reçu des jets de gaz lacrymogène, parfois à quelques centimètres de leurs visages. L'usage du gaz lacrymogène est pourtant encadré par les principes de nécessité et de proportionnalité. Les CRS auraient été légitimes à user du gaz lacrymogène en cas de faits de violence exercés à leur encontre. Cette chaîne humaine, à terre, ne représentait pas un fait de violence dirigé vers les CRS.

Deux poids, deux mesures pour le gouvernement : une campagne de communication contre les violences faites aux femmes, dont nous doutons de la bonne foi des instigateurs, et une campagne d'anéantissement des mouvements populaires par la violence policière.

J'ai été beaucoup plus sensibilisée à la nécessité de combattre les violences faites aux femmes par le biais de cette séquence de quatre secondes que par la campagne de communication de notre gouvernement, qui jalonne déjà un duel Macron – Marine Le Pen au deuxième tour des présidentielles de 2022. À quand le gouvernement qui sert les intérêts du peuple, dénué de tout appétit pur du pouvoir ? Car l’appât du pouvoir mène à l'orgueil et à la démesure : le terreau de la violence.

Pour rappel, seule la victime des violences peut porter plainte. Le plus souvent, la victime se sent d'abord coupable car honteuse de ce qu'elle a vécu, et se retranche d'abord dans le silence.

Donc si nous sommes choqués par une vidéo où une femme se fait mettre à terre par son amant, dans l'ère du Grenelle des violences faites aux femmes, rien ne change : la victime doit se débrouiller, trouver le soutien et faire les démarches.

Enfin si... quelque chose change. Les langues se délient, peu à peu. Pour l'instant, l'identité de l'homme de la vidéo n'est pas révélée et est même protégée car il serait un grand manager d'une société qui travaille avec les influenceurs. On ne veut pas d'un nouveau #MeToo et d'une nouvelle campagne de communication. On veut juste que ça cesse.

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