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Guillaume Peltier : "Même s’il fait parfois des constats justes, Emmanuel Macron est le prince de l’immobile"
©BERTRAND GUAY / AFP

"Milieu de cordée"

Le député du Loir-et-Cher et vice-président délégué des Républicains, Guillaume Peltier, vient de publier "Milieu de cordée" aux éditions Plon. Pour Atlantico, il évoque son engagement politique, dévoile certaines de ses propositions contenues dans son ouvrage et expose sa vision pour la droite et pour la France.

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier est député de Loir-et-Cher et vice-président délégué des Républicains. Il a été professeur d'histoire-géographie, chef d'entreprise et porte-parole de Nicolas Sarkozy.

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Atlantico.fr : A l’automne 2012, vous créez avec Geoffroy Didier la Droite forte, et vous obtenez, lors du congrès de l’UMP du 18 novembre de cette année-là, 28% des suffrages lors d’un décompte des courants majoritaires au sein du parti. Aujourd’hui, vous invitez les Républicains, dans votre livre Milieu de cordée, à se tourner vers les classes moyennes et certains évoquent une forme de travaillisme. N’y a-t-il pas une incohérence à passer du sarkozysme à cette nouvelle formule ?

Guillaume Peltier : Cela est cohérent, au contraire, car l'ADN profond de la droite française est d'être populaire, c'est-à-dire forte sur les questions régaliennes d'autorité de l'Etat, sur la promotion de la laïcité mais aussi une droite juste sur les questions économiques, c'est-à-dire de mettre à l'honneur la valeur du travail, de l'effort et de la méritocratie. Notre filiation politique  est celle du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy. Notre conviction commune avec Christian Jacob, Aurélien Pradié, Annie Genevard et toute la nouvelle équipe dirigeante, est celle de retrouver les fondamentaux de la droite qui savait conquérir la majorité des Français, une droite qui parle à la majorité silencieuse, à la France des classes moyennes, à ceux que j'appelle les "milieux de cordée".  

Vous évoquez dans votre livre la nécessité de protéger les classes moyennes et de rétablir l’ascenseur social. Vos idées ont un indéniable accent chiraquien. Ces idées ont-elles vraiment de l’avenir ? Le chiraquisme, n’était-ce pas aussi une forme d’immobilisme dans une société et une économie où les choses allaient plutôt bien ?

Vous avez raison, je veux renouer avec l'esprit du chiraquisme et du sarkozysme. Jacques Chirac, et tout particulièrement sa campagne présidentielle de 1995 à laquelle avait participé Christian Jacob, dénonçait avec force la mainmise de la haute administration parisienne, le pouvoir des experts, des sachants, des financiers et tentait de réconcilier la France avec elle-même, en particulier la France d'en bas et des classes moyennes. Depuis, le monde a changé et nous oblige à protéger les Français dans cette mondialisation où tout semble réservé à une petite élite et à ceux que le Président Macron appelle "les gens qui vont très bien". Nous n'avons aucun problème avec les gens qui vont très bien, et c'est heureux qu'il y en ait dans notre pays. Je n'ai pour ma part aucun problème envers les Français fortunés ou privilégiés, lorsque ces fortunes sont le produit d'un travail ou d'un effort. En revanche, ce qui est certain, c'est que la France est à la vieille d'une grande explosion sociale et ne pas le voir ou le dire est une faute politique. Avec les Républicains, face au capitalisme financier et technocratique incarné par Emmanuel Macron, nous avons la conviction qu'il existe une autre voie pouvant faire office de premier choix et qui doit reposer sur quatre valeurs essentielles. D'abord le travail, valeur qui promeut l'émancipation, le mérite, l'égalité des chances, c'est-à-dire une vision économique très gaullienne et gaulliste qui retrouve l'équilibre entre la liberté d'entreprendre, le soutien de nos entreprises et la récompense du travail pour nos travailleurs. La laïcité ensuite, dans le prolongement de ce qu'incarnèrent avec beaucoup de courage Jacques Chirac et François Baroin en 2003 et 2004 avec les premières lois sur la laïcité. Aujourd'hui, nous devons défendre, face au modèle libéral communautariste d'Emmanuel Macron qui voit la France comme un nouveau pays anglo-saxon, le modèle de laïcité républicain, celui qui rappelle, qu'au-dessus des droits individuels, existent la citoyenneté et le bien commun. Puis, la France des territoires, celle qui dit que Paris n'est pas la France dans son ensemble, qui dit qu'il existe dans nos provinces et dans nos métropoles, des talents, des savoir-faire, des réussites qu'il faut réconcilier avec la France d'aujourd'hui. Enfin, nous voulons redevenir le grand parti de l'écologie, non pas punitive et fiscale, mais sociale et réconciliée avec le pouvoir d'achat comme l'incarnaientt Georges Pompidou, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avec le Grenelle de l'environnement par exemple.

Emmanuel Macron est le nouveau prince immobile. Il parle, il commente, il bavarde, mais qu'a-t-il fait pour augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs ? Qu'a-t-il fait pour défendre avec force la laïcité ? Lorsqu'il dit que le voile dans l'espace public n'est pas le problème du chef de l'Etat, les bras nous en tombent. Qu'a-t-il fait pour l'écologie mise à part multiplier les taxes sur les ruraux, les automobilistes ? Il fait parfois des constats justes, mais n'a pas de réponses. Nous voulons présenter avec Christian Jacob ces réponses-là. Des solutions novatrices et concrètes.

Emmanuel Macron a répondu aux questions de Valeurs Actuelles sur le sujet du communautarisme et de l’islamisme. A-t-il selon vous pris la mesure du danger pour la société française ?

La lecture de ce grand entretien confirme hélas tout ce que je viens de vous dire, c'est-à-dire un Président bavard, mais qui n'agit pas. Que propose-t-il de concret ? Nous, nous avons des propositions très solides, nous agissons. En 2003, François Baroin et notre famille politique ont créé une loi pour préserver et protéger l'école de la République sur les questions liées à la laïcité. En 2010, notre famille politique vote la loi sur la burqa, la loi contre la dissimulation du visage qui vise à défendre le droit des femmes. Dans mon livre, je propose un électrochoc pour défendre la laïcité et le modèle républicain en voulant inscrire la valeur de "laïcité" dans la devise républicaine afin de lui donner une valeur constitutionnelle. Je propose également l'extension des lois de laïcité à tous les services publics et aux entreprises privées. Nous essayons d'être le grand parti de l'alternative républicaine au macronisme. 

Notre vraie originalité, entre le macronisme qui dévitalise et méprise la laïcité avec des interventions ambiguë et sans cohérence de la part du Président de la République et les extrêmes qui instrumentalisent la laïcité, réside dans le fait que nous en faisons une valeur profondément républicaine. Notre laïcité respecte les religions autour d'une idée simple: la loi doit protéger la foi, mais la foi ne peut pas dicter la loi. Au-dessus de la foi de chacun, il y a la loi commune, le modèle républicain. Nous fondons la laïcité sur la défense de valeurs comme la liberté de culte, la liberté de conscience ou encore l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous fondons la laïcité sur le modèle républicain d'assimilation, qui est devenu un gros mot aujourd'hui. Nous voulons en faire un grand mot : l'assimilation qui figure encore dans notre Code civil. C'est un modèle exigeant, qui demande à ceux qui arrivent d'avoir la force d'abandonner une partie de leurs croyances, de leur culture, de leurs traditions, afin d'adhérer et d'entrer pleinement dans la communauté nationale. La force de notre pays est que nous ne sommes pas une juxtaposition de communautés et on ne transige pas avec cette valeur. La France, c'est avant tout une communauté nationale.

Emmanuel Macron n'incarne pas cela car il est rapidement devenu le Président des premiers de cordée, faisant sienne la théorie dangereuse et farfelue du ruissellement. Nous pensons le contraire. Pour réconcilier la cordée toute entière, il faut s'occuper du milieu de la cordée. Les milieux de cordée, ce sont les 70% de Français qui considèrent que le travail ne paye plus, que l'islam politique est une menace, que la France des provinces et des territoires n'est plus représentée et que l'écologie est devenue une valeur secondaire.

Certains estiment que le Président de la République a cédé à une forme d’économisme en ramenant le problème du communautarisme à un problème socio-économique. Votre position ne risque-t-elle pas d’avoir les mêmes défauts ?

Depuis plusieurs décennies, la classe politique française commet l'erreur de dissocier le déclassement social et la dépossession culturelle. Au fond, une certaine droite a commis l'erreur, à une certaine époque, de croire que le problème français n'était qu'identitaire ou culturel et une certaine gauche a commis l'erreur de croire que les enjeux n'étaient que sociaux et économiques. Je crois, au contraire, que les deux sont intimement liés et que les Français nous demandent des solutions fortes sur ces deux grands enjeux, à égalité. Comment retrouver la fierté de ce que nous sommes ? Comment ne pas céder d'un pouce à la fierté que nous sommes ? La France doit permettre à chacun de ses enfants de pouvoir devenir quelqu'un. Si demain nous disons que notre histoire, notre culture, notre patrimoine ne sont plus négociables, que le modèle français républicain d'assimilation est un modèle auquel nous croyons d'une part ; et si nous sommes capables de réinventer le pays de l'égalité des chances, de l'ascenseur social d'autre part, je pense que nous pourrons relever notre pays : affirmer la fierté de notre identité et rétablir la justice sociale, voila nos deux priorités.

Les Républicains semblent aujourd’hui difficilement audibles dans le débat public. A quoi attribuez-vous ce passage dans une sorte de trappe d’invisibilité ?

Nous subissons depuis 2012 les conséquences de divisions et d'un manque de travail collectif qui a conduit les Français à ne plus voir ou savoir ce que nous avions à proposer et à leur dire. Avec Christian Jacob, nous voulons incarner trois ruptures. La première concerne le fait que la droite s'est parfois uniquement concentrée sur des questions identitaires et comptables, oubliant les grands enjeux économiques et sociaux que nous allons remettre au goût du jour. La deuxième rupture avec le passé, c'est que nous avons créé une équipe de réconciliation pour tourner la page des divisions. Nous avons mis autour de la table des proches de Xavier Bertrand comme Julien Dive et Sophie Gaugain, François Baroin, des maires qui s'étaient éloignés comme Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne. Enfin, c'est une équipe ouverte à tous les territoires, aux élus de nos provinces et ils sont de grand talent. Dans les six mois qui viennent, sous l'impulsion de Christian Jacob, c'est d'être en capacité de présenter des idées nouvelles et d'aboutir à un grand Congrès des idées à l'été prochain. Qu'avons-nous à dire aux Français ? Nous partons d'un constat simple qui consiste à dire que nous ne voulons pas vivre en Mai 2022 ce que nous avons vécu en Mai 2017. Nous ne voulons plus du duel mortifère entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Dans mon livre, j'essaie de contribuer à ce débat avec neuf idées novatrices pour la droite et pour les Français sur le pouvoir d'achat, l'école, la laïcité, l'écologie, les territoires, l'immigration, les entreprises, la dépendance ou encore la santé.  

Vous qui êtes spécialiste de l’opinion et des sondages, quel serait selon vous le portrait-robot d’un candidat pour 2022 qui pourrait perturber le duel annoncé entre RN et LREM ?

Ce sera aux Français de se prononcer. Ce que je sais c'est qu'ils attendent une alternative. Cela passe par des idées nouvelles. Une fois ce travail effectué, qui sera la  locomotive ? Personne n'en sait rien pour le moment. Nous avons beaucoup de talents dans notre famille politique. En attendant, soyons humbles, travaillons collectivement, présentons nos idées pour redevenir le parti du travail, de la laïcité, des provinces et de l'écologie, et nous pourrons alors retrouver la confiance des Français.

Guillaume Peltier publie "Milieu de cordée", aux éditions Plon 

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