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Les raisons du recul des inégalités de revenus dans le monde
©Reuters

Bonnes feuilles

Jean-Philippe Delsol publie "Eloge de l’inégalité" aux éditions Manitoba. L’auteur s insurge contre la doxa contemporaine qui voudrait que l’égalité soit la mesure de toute chose. L’égalité est devenue l’obsession maladive de notre monde tandis que la jalousie ordinaire le taraude pour faire de l’inégalité son bouc émissaire préféré. Extrait 1/2.

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’IREF, l'Institut de Recherches Economiques et Fiscale. Il est l'auteur de Civilisation et libre arbitre, (Desclée de Brouwer, 2022).

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Les études les plus sérieuses montrent que la pauvreté régresse dans le monde en même temps que la liberté y progresse, et vice versa le cas échéant. C’est notamment ce qu’a mis en relief l’économiste d’origine catalane Xavier Sala-i-Martin en recueillant de nombreuses données pour évaluer la distribution des revenus des individus et son évolution. Il utilise le coefficient de Gini pour comparer le niveau et la dispersion des revenus dans 191 pays sur les trente-cinq années précédant la crise de 2007-2008, soit la période 1970-2006. Et selon cet indicateur, il constate que les inégalités mondiales en termes de revenus sont passées de 0,676 en 1970 à 0,616 en 2006. Selon son analyse, l’extrême pauvreté, celle de ceux qui gagnent moins de 1 $ par jour (selon le critère alors en vigueur) a baissé de 80 % sur la période concernée. 

La liberté fondée sur l’égalité de tous en droit crée inéluctablement de l’inégalité au profit de quelques-uns et, en même temps, plus d’égalité au profit de tous car elle éradique progressivement la misère. Le progrès économique, favorisé par la liberté d’initiative laissée aux entrepreneurs et l’ouverture de la société à la concurrence, a permis d’augmenter progressivement le niveau de vie des populations les plus modestes. Jean Fourastié a montré qu’il fallait encore 40 salaires horaires de référence (s.h.) pour acheter une paire de bas de soie en 1910 quand un tiers d’heure suffisait en 1976 pour payer un bas en nylon, que le kilogramme de sucre valait encore 7,10 s.h. en 1874 et seulement 0,23 en 1974, que le rendement du blé par hectare a plus que décuplé en deux cents ans et que le prix du blé a été divisé par 67. Ainsi, tandis que les bonnes années, vers 1700, un kilogramme de blé coûtait 3 s.h., en 2013, un kilogramme de pain baguette représentait environ 14 minutes de travail. « Le volume physique des biens et services consommés par le Français moyen, écrit-il, a augmenté, depuis 1800, au minimum, dans les proportions suivantes : pour les biens alimentaires (primaires), de 1 à 4 ; pour les objets manufacturés (secondaires), de 1 à 100 ; pour les biens et services tertiaires de 1 à 6.» 

Ce mouvement de convergence des situations s’est accéléré au cours des dernières décennies. Depuis que les pays sous-développés sont plus ou moins sortis de la mouvance communiste, après que le Mur lui-même est tombé entre l’Est et l’Ouest en permettant à de nombreux pays de redécouvrir les chemins de l’initiative individuelle et du libre choix, la pauvreté s’estompe. Malgré des entraves récurrentes à la libération des sociétés de leur assujettissement à de fausses élites prévariquées, la misère recule partout, ou presque, dans le monde. De 1981 à 2012, le taux de pauvreté mesuré en dessous de 1,90 US$ (en parité de pouvoir d’achat 2011) par jour est passé de 80 % à 8 % en Asie du Sud, de 57 à 18 % en Amérique latine (Caraïbes incluses), de 23 à 5 % en Europe de l’Est et Asie centrale. Il est resté élevé en Afrique subsaharienne où il ne s’est réduit sur la période que de plus de 50 % à plus de 40 %. Le rapport 2015 de l’UNESCO sur son programme Éducation pour tous montre que le taux brut de scolarisation est passé de 33 à 54 % entre 1999 et 2012. Certes, le niveau de pauvreté mesuré pays par pays n’est pas toujours comparable. En établissant généralement le seuil de pauvreté par rapport au revenu médian du pays, les pauvres de certains pays seraient les riches d’autres pays. Ces dernières décennies, les inégalités de revenus ont augmenté entre les individus de certains États, comme en Chine ou en Inde par exemple, mais ont régressé dans d’autres et se sont réduites largement au niveau mondial comme entre nations. 

Selon Sala-i-Martin, ces résultats sont confirmés par d’autres études et notamment par d’autres indicateurs statistiques sur les inégalités, comme l’indice Theil et les indices Atkinson. Sur le plan mondial, le niveau de vie des habitants les plus pauvres de la planète converge vers le niveau de vie des pays développés, de même que l’espérance de vie, les conditions sanitaires, la scolarisation et l’accès au confort des technologies modernes. Des données plus récentes le confirment également. En retenant le taux de pauvreté monétaire évalué par la Banque mondiale désormais à moins de 1,90 $ par jour, il ressort qu’en 2011 il y avait encore 897 millions de personnes vivant en dessous de ce seuil de pauvreté, soit 12,7 % de la population mondiale. C’était évidemment 897 millions de trop. Mais cela représente une réduction de deux tiers de la pauvreté depuis 1990, ce qui est considérable. D’ailleurs, à peine deux ans plus tard, en 2013, il apparaît, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale rendu public le 2 octobre2016, que le nombre d’individus vivant avec moins de 1,90$ par jour avait encore baissé à 800 millions, soit 100 millions de moins en deux ans. Dans 60 des 83 pays couverts par ce nouveau rapport pour suivre l’évolution de la prospérité partagée, le revenu moyen des 40 % les plus pauvres de la population a augmenté entre 2008 et 2013, malgré la crise financière. Un résultat significatif puisque ces pays représentent 67 % de la population mondiale. « Contrairement à une idée répandue, les inégalités dans le monde sont en recul constant depuis 1990 et, bien souvent, les inégalités au sein de la population d’un même pays refluent depuis 2008 », écrivent les auteurs du rapport. Ils observent également que les pays où les inégalités ont baissé le plusentre2008 et2013sontsouventceux qui ont le plus libéralisé leur économie dans cette période, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne. 

Les conclusions de la Banque mondiale sont confirmées par les derniers chiffres du Census Bureau (l’équivalent de l’INSEE aux États-Unis)qui montrent une hausse du revenu médian aux États-Unis de 5,2 % en termes réels, tenant compte de l’inflation, entre 2014 et 2015, un record depuis 1967, date à laquelle le Census Bureau a commencé à publier cette statistique. À ce rythme-là, le revenu médian doublerait en seulement quatorze ans. De même, aux États-Unis on comptait, en 2015, 3,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de moins qu’en 2014, soit une baisse de 1,2 point. Depuis, la richesse a continué d’augmenter pour tous sous cette présidence que tous décrient mais qui accroît la prospérité des États-Unis. En 2018, le PIB augmente de 4,2% en rythme annuel et le taux de chômage tombe à son plus bas niveau depuis 1969 : 3,7 % ! Celui des Noirs (afro-américains), est à 6 %, soit un record aussi. Sur les neuf premiers mois de l’année, 211 000 emplois ont été créés en moyenne, plus que les 182 000 en moyenne de 2017. Ceux qui accusaient le milliardaire Trump de faire des« cadeaux aux riches » se font beaucoup plus discrets : en réalité, les salaires du premier quintile de revenus – les plus pauvres – augmentent plus qu’ils ne le faisaient à la fin des années 1990. Les salaires les plus bas ont augmenté de 5 % en moyenne au deuxième trimestre 2018 et ceux des salariés non-diplômés de 6 % tandis que le salaire moyen ne gagnait « que » 2,8 % par rapport à l’année précédente (septembre 2017).

Extrait du livre de Jean-Philippe Delsol, "Eloge de l’inégalité", publié aux éditions Manitoba

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