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Macron, Hollande, Sarkozy : le match des bilans économiques à mi-mandat… Avantage à…
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Succès ?

La première moitié du quinquennat d'Emmanuel Macron a été marquée par un calme relatif sur le plan économique par rapport à celle de ses prédécesseurs. A-t-il su en bénéficier ? Rien n'est moins sûr.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Si Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont dû composer avec des contextes macroéconomiques différents, comment faire le bilan comparé entre les résultats économiques obtenus au cours de la première moitié des quinquennats des trois derniers présidents ?

Philippe Crevel : Nicolas Sarkozy a été rapidement confronté à la crise la plus importante depuis celle de 1929. François Hollande a dû gérer la fin de la crise des dettes souveraines. Emmanuel Macron a bénéficié d’une reprise qui s’est étiolée assez rapidement avec la multiplication des tensions commerciales et la fin du cycle industriel sur fond de l’ardente nécessité d’opérer la transition énergétique. Nicolas Sarkozy a mené une politique libérale au début de son mandat qu’il a dû abandonner pour limiter les effets de la récession avec comme conséquence une forte progression des déficits publics et de la dette. François Hollande a mené de 2012 à 2013 une politique de rétablissement des comptes publics en décidant de fortes hausses des prélèvements visant les entreprises, les familles et les cadres. Sa politique orientée à gauche a laissé place à une politique plus favorable à l’offre avec le pacte de compétitivité engagé à la fin de l’année 2013. Cette politique relevant du donnant / donnant commença à donner quelques résultats à compter de 2017. La dégradation de la compétitivité de la France qui se traduit par un déficit commercial important et récurrent s’est arrêtée entre 2017 et 2018. Dans les faits, la France souffre d’une accumulation de mauvais héritages laissés par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 20 ans. Les 35 heures ont eu un impact massif sur la compétitivité. Leur mise en place coïncide avec l’apparition du déficit commercial. Malgré les assouplissements adoptés, elles restent un véritable boulet qui a accentué la désindustrialisation. La non-réduction des effectifs de la fonction publique depuis l’arrivée de François Hollande, le non-report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans pèsent sur l’économie française. Depuis 10 ans, les gouvernements pratiquent la godille en matière de politique économique, un coup à droite, un coup à gauche, un coup pour l’offre, un coup pour la demande avec la conséquence que malgré l’agitation de l’eau, le pays avance à petit pas. Les décennies perdues s’ajoutent les unes aux autres. Les « trente piteuses » de Christian Saint Etienne sont devenues « les quarante piteuses ».

Mathieu Mucherie : C’est bien compliqué : il faut tenir compte (entre autres choses) des promesses initiales, du contexte économique en effet, mais aussi des marges de manœuvre politiques, etc. Parce qu’il a beaucoup promis, parce qu’il bénéficie d’un contexte bien plus favorable que celui des deux premières années de ses deux prédécesseurs, et parce qu’il a un Parlement et des médias à sa botte, Macron doit être évalué sur des bases plus sévères que Hollande ou Sarkozy : la barre est plus haute, comparativement à un Sarkozy en pleine crise du siècle ou à un Hollande qui n’avait pas été élu (Sarkozy avait été anti-élu) et dont le « travail » a été saboté d’emblée par la déflation concoctée par Trichet en 2011. Quand on promet le nouveau monde, la fin des SDF et une « start up nation », il faut être à la hauteur… or ce n’est pas le cas, on n’a rien obtenu en deux ans et demi, ni simplification administrative, ni nominations judicieuses, ni amorce de réforme structurelle, ni rien de bien consistant sur la scène européenne (relisez le discours de la Sorbonne, les évocations d’une Europe fédérale en 2024, etc.).

On retrouve chez ces 3 dirigeants des travers communs, en particulier un budgétarisme forcené (rien n’est monétaire, tout est fiscal), une tendance à très mal s’entourer, des illusions bien naïves sur l’Allemagne, et un optimisme pathétique sur leur capacité à changer les structures économiques à l’aide de réformettes. Au fond c’est plutôt la continuité qui prévaut, des énarques de centre-droit ayant été remplacés par des énarques de centre-gauche, avant que le Kid ne mette tout le monde d’accord avec des énarques de centre gauche ET de centre droite en même temps.

Mais il faut aussi tenir compte de la contre-factualité. Sans ToutanMakron, nous aurions Marine Le Pen, brouillonne, seule et protectionniste. Voilà qui réhabilitera un peu le bilan de notre grand Chef que le monde entier nous envie (sauf les Italiens) (et les Allemands) (et les Américains) (et les Polonais) (et les Latinos) (et les Asiatiques). De même que les anti-sarkozystes devraient tout de même se souvenir que nous risquions le Royalisme vers 2007, ce qui permet presque à mon avis d’effacer la grosse commission Attali, et autres bêtises. 

Si les périodes ne sont pas directement comparables entre elles, on a pu constater, en termes de croissance et de chômage, une sur-performance française relativement à nos pairs européens entre 2007 et 2009, une sous performance entre 2012 et 2014, et un mix entre 2017-2019, montrant une France sous performant ses pairs jusqu'à la fin 2018, puis une relative meilleure performance depuis lors, notamment sous l'impulsion des mesures de soutien aux Gilets jaunes. Dans quelle mesure ces résultats peuvent-ils être attribués aux actions de nos dirigeants ? 

Philippe Crevel : Au-delà des politiques économiques mises en œuvre par les différents gouvernements, la France du fait de certaines spécificités réagit différemment de ses partenaires face aux aléas de la conjoncture. La France se caractérise par le poids élevé de ses dépenses publiques qui jouent le rôle d’amortisseur en période de ralentissement économique. Par ailleurs, notre économie est très tertiarisée ce qui la rend plus insensible aux variations du commerce international. Cette double caractéristique explique la résilience de la France vis-à-vis des crises impactant l’industrie. En période d’expansion, la France, en revanche, une tendance à sous-performer du fait que son économie est plus administrée et moins réactive que celle des partenaires. Par ailleurs, la France a une tradition de politiques contracycliques qui limitent les impacts de la récession mais qui peuvent constituer des boulets quand la croissance revient. Les gouvernements n’arrivent pas en période de croissance à réellement assainir les finances publiques. Depuis près de quarante ans, la dette s’accroît du fait d’accumulation de déficits, ce qui constitue également un frein à l’épanouissement à la croissance même si aujourd’hui les faibles taux d’intérêt masquent la dérive des comptes publics.

Mathieu Mucherie : Tout cela est assez peu significatif. Et doit beaucoup aux structures, non aux politiques : quand vous avez la moitié de votre PIB qui est soviétisé comme en France, vous entrez en récession plus tard, et vous en sortez plus tard. A fortiori quand vous n’avez plus beaucoup d’industrie (les services sont plus résilients, moins cycliques).

Le ralentissement eurolandais qui a commencé vers février-mars 2018 (comme par hasard : 8 mois après que Draghi ait programmé la fin de ses achats d’actifs, ce qui a occasionné un euro trop cher…) n’affecte la France que progressivement, comparativement à une nation plus industrielle comme l’Allemagne ; de plus, les gilets jaunes ont fait paniquer Macron qui a été obligé de lâcher du lest budgétaire (au moment même où il faisait la leçon aux italiens ; passons).

Demain la France verra sa faible croissance fondre comme peau de chagrin, d’autant que les « bonnes années » n’ont été utilisées que pour acheter de la pierre surcotée (et ce n’est pas tant la faute des taux négatifs que celle des restrictions foncières et autres blocages à la construction) ; mais tout cela dépasse un peu l’administration Macron, était déjà en place avant et devrait lui survivre.

La première moitié du quinquennat d'Emmanuel Macron est marqué par un calme relatif quand on la compare avec ses prédécesseurs. A-t-il assez profité de cette accalmie économique ? En cas de crise majeure, a-t-il les ressources pour faire face à des forces contraires ? 

Philippe Crevel : La croissance a dépassé 2,2 % en 2017 ce qui n’était pas arrivé depuis 2007. En 2018, elle a été en retrait à 1,7 %. Pour cette année, elle devrait avoisiner 1,3 %. Le taux de chômage tout en restant parmi le plus élevé de la zone euro a baissé passant de 9,5 à 8,5 %. Il convient de rappeler qu'au sein de l’Union européenne, près de 10 Etats sont en situation de plein emploi. Le taux de chômage moyen de la zone euro est de 7,4 % et que celui de l’Allemagne est de 3,1 %. Malgré ce retour de la croissance, les finances publiques restent le point noir de l’économie française. Le déficit public moyen constaté au sein de la zone euro était de 0,9 % en 2018 quand celui de la France était de 2,5 % du PIB. En 2019, ce déficit redépassera 3 % du PIB. La dette publique française qui était à la fin de l’année 1980 de 20,8 % du PIB a atteint 98,4 % en 2018. Elle a franchi le seuil des 60 % en 1996. Depuis 1981, elle a constamment augmenté sauf durant les périodes de forte croissante (1988, de 1999 à 2001, de 2006 à 2007).

Comme François Hollande, Emmanuel Macron profite de la politique monétaire accommodante mise en œuvre par la BCE depuis 2015, politique qui lui offre d’importantes marges de manœuvre sur le plan budgétaire. Les bas taux sont la source quasi exclusive des économies budgétaires et rendent le déficit supportable à défaut d’être soutenable sur longue période. En pouvant emprunter à dix ans à taux négatif, la France n’a pas réellement réalisé le rééquilibrage de ses comptes publics à la différence de la quasi-totalité des autres États membres de la zone euro.

A la différence de ses partenaires, la France n’a pas assaini ses comptes ce qui la prive d’outils exploitables en cas de crise grave. Les structures administratives restent archaïques et à bout de souffle. Les hôpitaux, les EHPAD sont en difficulté comme l’éducation, la police ou la justice. La seule solution mise en avant est l’augmentation des dépenses publiques sachant que la France détient la première place en la matière (56 % du PIB).

Mathieu Mucherie : Nous avions dit dans ces colonnes : la théorie des « 100 jours » est assez valide ; s’il ne donne pas une impulsion majeure avant l’automne 2017, c’est foutu. Et nous nous doutions que rien de sérieux n’arriverait, et nous n’avons pas été déçus en bien, comme disent nos amis suisses : une loi très incomplète et archi-hypocrite sur la moralinisation de la vie politique (pour tacler encore Pénélope et faire plaisir aux extrémistes bayroutistes), des tours de passe-passe fiscaux assez classiques, et très vite l’enterrement des vrais axes possibles de changement.

De façon révélatrice, nous disons « il » : ce quinquennat est hyper-personnalisé, parce qu’il s’agit d’une domination charismatique sans aucune profondeur de banc. Non seulement on peut douter des ressources financières de notre grand Chef quand la bise se renforcera (étant donné que la BCE est la seule institution capable de mettre assez d’argent sur la table, et compte tenu de notre position très proche des 3% de déficits), mais on peut douter aussi de ses ressources humaines. Un ramassis de parvenus, de béni-oui-oui, et de néo-policiers à la Castaner : les députés européens ne s’y trompent pas, et les électeurs parisiens probablement non plus.

Donc nous en sommes toujours au même point : prier pour que rien de trop grave n’arrive entre les USA et la Chine, prier pour que Lagarde fasse au moins le service minimum, prier pour que Macron ne commette pas de nouvelles fautes économiques, constitutionnelles ou anthropologiques. Autant dire : une attitude de spectateur, de passager clandestin, de cou pelé. Nous n’avons nullement progressé, alors que l’euro était censé servir de « bouclier » face aux chocs externes, alors que la BCE était censée nous défendre whatever it takes (c’est l’essence du Traité, si on prend la peine de le lire…) et non faire du chantage ou de la demi-mesure, et alors que Macron devait par son hyper-compétence conjurer l’amateurisme des précédentes administrations. Mais il se pourrait bien que des élus assez médiocres fassent de meilleurs dirigeants que des technos arrogants et isolés.   

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