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L'impact social de la flexibilité des horaires de travail
©Reuters

Conséquences bénéfiques ?

La flexibilité des horaires de travail est souvent prônée comme une vertu moderne pour une entreprise ou un employeur public.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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En France, cette flexibilité est-elle réellement bénéfique pour les travailleurs, ou observe-t-on plutôt un mal-être social lié aux impacts négatifs d'une flexibilité subie ?

Xavier Camby : Sans doute est-il nécessaire de bien contextualiser le propos : la flexibilité du travail est naturelle ! Lié aux saisons et aux climats, le travail humain, qui consiste à créer une valeur ajoutée, une richesse à partager, a toujours été variable au gré des cycles saisonniers et/ou des journées. Il le demeure encore pour l’immense majorité de la population mondiale.

C’est tellement vrai que même notre biologie s’est adaptée : notre corps aspire au repos lorsque les journées sont brèves et nous donne plein d’énergie quand les jours s’allongent, afin de pouvoir procéder aux récoltes, moissons et vendanges. C’est l’urbanisation de la révolution industrielle qui a décorélée le travail des rythmes naturels : nous travaillons désormais intensément l’hiver et nous nous reposons l’été. Contrarier ainsi constamment notre biologie, de la prime enfance jusqu’à la retraite, est un vrai problème de santé publique, bien plus grave que les horaires variables d’été ou d’hiver.

La flexibilité, saisonnière ou horaire, était jadis la règle. L’organisation rationnelle et réputée scientifique du travail salarié, réduisant celui-ci à des tâches -et non plus un résultat à obtenir, comme autrefois dans les manufactures- l’a aussi très étroitement encapsulé dans des horaires. Qui sont devenus péremptoires et contraignants.

Notre monde a depuis merveilleusement changé : la sirène de l’usine n’a plus besoin de retenir pour que celles et ceux qui le veulent commencent à créer une richesse à partager.

Malgré l’automatisation croissante des tâches, il demeure quelques travaux qui nécessite la mise en place de « piquets » ou de vigilance permanente (à base humaine ; les hôpitaux, la sécurité, qu’il s’agisse des stations d’épuration ou de raffinage de carburants).

Il n’existe pas en France, ni ailleurs en Europe, à ma connaissance, de massif isolement social involontaire et subi qui viendrait d’une flexibilité imposée… Je redoute là une rhétorique datant d’un monde laborieux très déshumanisant, lequel, fort heureusement, n’existe plus en occident, depuis des années.

Certains soulignent que la flexibilité horaire est bénéfique à l'économie d'un pays. Mais l'isolement des individus créé par la flexibilité horaire nuit-elle à notre société ? Avoir du temps de repos en commun est-il important au-delà du cercle familial, pour le lien social et le temps d'investissement politique, associatif ?

Relativisons un peu. Il y a 168 heures dans une semaine. 35 sont consacrées au travail en France, c’est-à-dire qu’il en reste 133 pour la vie personnelle et sociale ! Enlevons 42 heures pour le sommeil. Il nous reste donc, quelle que soit la flexibilité choisie ou imposée, 91 heures libres ! Presque 4 jours complets sur 7...

Soit bien assez pour contribuer très activement à la vie familiale, amicale, sociale, sportive, associative, culturelle, caritative, politique….

Dans d’autres pays européens, comme en Suisse par exemple, on travaille 42,5 heures par semaine (soit 7,5 heures de plus qu’en France) sans aucun préjudice de l’engagement social ! Bien au contraire ! Il y existe un « esprit citoyen », qu’on appelle un esprit de milice – j’imagine certains lecteurs frémir d’horreur, tout embrumés des dogmatismes du siècle dernier – qui est simplement la responsabilité sociale de chacun, s’engageant avec respect des autres et très librement pour les causes qu’il choisit de servir.

Oui, la flexibilité du travail, favorisant le home-office ou le travail distant, l’adaptation aux besoins des clients et de l’entreprise est devenue nécessaire. Indispensable même. Imaginez un boulanger adoptant les horaires d’une administration ou d’une banque, ouvrant de 9 à 12 et de 14 à 17h30 ! La faillite ne tarderait pas. Imaginez aussi ces organisations tétanisées, se mettant vraiment au service de ses clients : leurs horaires deviendraient adaptés, sans aucun doute flexible, au bénéfice de tous !

Certaines entreprises recherchent des solutions pour réduire les impacts négatifs de la flexibilité horaire sur la vie de leurs employés. Ikea, Gap notifient par exemple leurs salariés de leur emploi du temps au minimum deux semaines à l'avance. La prévisibilité horaire peut-elle permettre de mieux implémenter la flexibilité horaire ?

Oui, bien sûr. Certaines entreprises ou organisations offrent même du temps à leurs collaborateurs pour exercer, sur le temps de travail, leurs responsabilités diverses… Mais la prochaine étape sera l’auto-détermination collective, l’auto-organisation collaborative, pour la détermination et l’organisation du travail. Pas seulement des horaires ! Toutes les expériences menées actuellement dans des organisations audacieuses – et donc innovantes – convergent : la flexibilité, collectivement auto-déclarée, est une source étonnante de vraie performance durable (c’est-à-dire sans casse humaine).

Quels autres axes sont pertinents pour amoindrir les impacts négatifs de la flexibilité horaire ?

Principalement et dans tous les domaines, faire que les personnes concernées par la flexibilité co-décident entre-elles des résultats à obtenir et donc de l’organisation à mettre en œuvre (y compris horaire). Le caporalisme tayloriste, contrôlant chaque seconde, est désormais bien trop obsolète et contre-humain !

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