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PLF 2020 : la fiscalité environnementale ne sauvera pas la planète
©GREG WOOD / AFP

Ecologisme

L’environnement est désormais au cœur des préoccupations politiques. La nouvelle Présidente de la Commission européenne en a fait le fil rouge de son mandat.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Les partis écologistes ont le vent en poupe dans beaucoup de pays, en particulier, mais pas seulement, en Allemagne. Que les changements climatiques aient des impacts modérés ou majeurs, une meilleure préservation de l’environnement sera l’un des thèmes puissants des années à venir. 

Disons-le tout net : la discussion et le vote du Projet de Loi de Finances (PLF) déposé par le Gouvernement le 26 septembre ne doivent pas être, une fois de plus, l’occasion de traiter la question environnementale au travers de la facilité qui consiste à sans cesse accentuer le niveau et la complexité de la législation fiscale en créant de nouvelles taxes (sur les imprimés non sollicités 2003, sur les carburants 2005, sur les éoliennes 2005, eco pastilles 2007 etc.) ou en alourdissant les taxes existantes. C’est le contraire qui est vrai : ce que réclame la préservation de l’environnement, c’est plus d’efficacité et moins de pesanteur.

Plusieurs éléments devraient en effet nous prémunir de ce mantra « je taxe, donc j’existe ». Evidemment la crise des gilets jaunes, qui a rappelé que le budget des ménages modestes est sensible aux prix – et donc à la fiscalité - de l’énergie. Plus largement, championne du monde de la pression fiscale, et sans doute bien placée sur le podium en matière d’instabilité et de complexité fiscale, la France, à l’occasion du vote du PLF 2020, a certainement mieux à faire que d’inventer de nouveaux impôts et/ ou bâtir de nouvelles usines à gaz fiscales.

Le rôle de la fiscalité ne doit donc pas être surestimé en matière de protection de l’environnement, de lutte contre le réchauffement, d’épuisement des ressources. A cet égard, on peut, hélas, faire confiance au Gouvernement pour étendre à l’occasion du PLF 2020 le champ des produits couverts par la « responsabilité élargie du producteur », dans le cadre du projet de loi économie circulaire proposé par Brune Poirson. En français, à créer de nouveaux impôts sur les fabricants de jouets, de cigarettes, d’articles de sport, de bricolage, via une écocontribution.

Heureusement, la panoplie des outils dont disposent les politiques publiques est plus large, au moins dans deux sens.

D’abord, plutôt que d’accroître la pression fiscale, le gouvernement pourrait se demander comment réorienter les dépenses et améliorer leur efficience. Depuis de nombreuses décennies, malgré les intitulés successifs du ministère chargé de l’environnement (MEDDE, MTES, etc.), il n’existe pas de vraie politique économique et fiscale cohérente sur cette question. Les aides, subventions et taxes liées au logement (isolation, rénovation, installation de sources de production énergétique individuelles), au transport (fiscalité sur les véhicules personnels, l’essence, organisation de la logistique multimodale route-fer-fleuve, etc.), à l’agriculture et à l’énergie en général, sont désharmonisées. Les multiples niches forment tout sauf une politique nationale structurée et cohérente. Ce manque d’efficience et de rationalité dans la dépense et dans la taxation induit une surpression pour des résultats somme toute très modestes, pour lesquels la solution avancée par l’administration est toujours la même : plus de taxes ! 

Ensuite, et plus fondamentalement, l’Etat, dont chacun comprend qu’il ne peut pas tout, ne doit pas systématiquement être en première ligne. Naturellement, il lui revient de fixer le cap, d’inscrire les objectifs, y compris dans la norme. Mais, sauf à sans cesse céder à son jacobinisme pavlovien, il doit aussi laisser la société civile, entreprises et citoyens, prendre leur part à un meilleur respect de l’environnement. Montesquieu ne soulignait-il pas que « les mœurs font de meilleurs citoyens que les lois » ? Exemple parmi tant d’autres, la lutte contre la prolifération des mégots de cigarettes.  Plutôt que d’instaurer une taxe sur les mégots, comme ceci a été envisagé, l’Etat pourrait faire le pari de la responsabilité de la société civile, et laisser fabricants de tabac et de filtres proposer et déployer les actions nécessaires. 

A charge pour l’Etat, in fine, de conserver un pouvoir d’action fort, y compris de sanction, si les entreprises et les citoyens ne parvenaient pas aux résultats souhaités. De la même manière dans l’encouragement aux nouvelles énergies et à l’investissement dans les nouvelles technologies, plutôt que de vouloir tout financer – avec des moyens très limités qui aboutissent à ne rien financer convenablement, le rôle de l’Etat ne devrait-il pas plutôt être de choisir ? Choisir une ou deux véritables priorités stratégiques qui l’engagent et, dans les autres cas, créer le cadre (fiscal, règlementaire, technique, etc.) nécessaire à l’épanouissement de l’action du privé. L’Etat ne peut ainsi plus se permettre d’être à tous les avant-postes et doit offrir au privé et aux citoyens les moyens ainsi que les garde-fous pour leur développement et leur bien-être. Ce n’est qu’à ces conditions qu’il pourra pleinement remplir son rôle.

En définitive, la question de l’environnement est trop sérieuse pour prétendre être traitée, comme ceci est trop souvent le cas, par la course à l’échalote de la fiscalité la plus lourde, et souvent la plus kafkaïenne dans sa complexité. 


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