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Sur le voile, Jean-Michel Blanquer a dix longueurs d’avance sur Emmanuel Macron
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Laïcité

En traitant le sujet du voile par le prisme de la laïcité, Emmanuel Macron prend un retard considérable sur son ministre Jean-Michel Blanquer, qui a bien compris que les problématiques autour du voile allaient bien au-delà de la laïcité, et concernaient les principes républicains les plus fondamentaux.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

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Les polémiques sur le voile n’en finissent plus depuis l’affaire des collégiennes de Creil en 1989. Le débat piétine depuis maintenant 30 ans, sans qu’aucune position claire sur le sujet n’ait pu être arrêtée par un pouvoir en place.
Ce flottement aurait pu prendre fin avec la position du ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer. Celui-ci considère qu’au nom de la liberté d’expression, au nom de l’égalité entre hommes et femmes, et au nom de la lutte contre le communautarisme, le voile, bien  qu’il ne soit pas interdit, n’est pas souhaitable en France.

Il se heurte au sein même de la majorité présidentielle à Aurélien Tâché, un député LREM qui s’était illustré l’an dernier en comparant le voile islamique au serre-tête des catholiques, face à Zineb El Rhazoui. Pour Aurélien Tâché, Jean-Michel Blanquer, par ses positions, fait le jeu du Rassemblement National.

Pour les départager, le médiateur de LREM a été appelé à la rescousse, et Emmanuel Macron a été interrogé sur le sujet lors de sa conférence de presse avec Angela Merkel. Visiblement agacé, il a écarté le sujet d’un revers de main, invitant les français à faire bloc, à ne pas faire d’amalgame, et à distinguer les sujets de la radicalisation, du communautarisme, et de la structuration de l’islam.

Emmanuel Macron, dans un « en même temps » qui sied mal à la polarisation de l’opinion sur le sujet, s’évite ainsi de trancher entre son député et son ministre. Il reste sur une ligne floue, s’abritant derrière une laïcité sans adjectifs, vue comme la liberté de croire ou de ne pas croire.

La position de Jean-Michel Blanquer a pourtant l’avantage d’être légale et de recourir non pas à la coercition d’Etat pour interdire, mais à la liberté d’expression pour affirmer des valeurs. Elle a surtout l’intérêt de s’appuyer sur les grands principes républicains que la laïcité, qui n’est jamais qu’un outil, a vocation à garantir.

Jean-Michel Blanquer comprend bien que la question du voile n’est pas qu’une simple question de laïcité. C’est un marqueur de l’inégalité entre hommes et femmes, qui fait porter à celles-ci une obligation que ceux-là ne s’imposent pas, malgré des principes de pudeur analogues leur incombant théoriquement, selon les textes islamiques. C’est également un jugement de valeur porté indirectement contre « l’impudeur » de celles qui ne le portent pas.

En cela, le voile pose des questions sur les principes de liberté et d’égalité en droits entre hommes et femmes. 

Le ministre de l’Education Nationale a également compris que le voile permettait aux islamistes de montrer ostensiblement un rapport de force aux élus dont ils attendent des mesures clientélistes. De même, le caractère d’uniforme que revêt le voile encourage le communautarisme au sein d’une Nation qui, de l’aveu même d’Emmanuel Macron, a besoin de faire bloc face à « l’hydre islamiste ».

En cela, le voile pose des questions en matière de lutte contre le clientélisme, de lutte contre l’islamisme, et de lutte contre le communautarisme, que le président distingue à mauvaise escient.

Les arguments de Jean-Michel Blanquer pourraient être complétés par ceux de Fatiha Boudjahlat, énoncés dans son livre « Combattre le voilement », qui ne critique pas celui-ci au nom de la laïcité, mais au nom de la dignité, de l’égalité femmes/hommes, et de la lutte contre le communautarisme. Elle y dénonce entre autres le faux choix imposé aux musulmanes, entre le paradis par le voilement, ou l’enfer par son refus. Elle y précise également que l’orthodoxie religieuse relève d’un choix personnel, et que la société entière n’a pas vocation à s’y adapter.

Fatiha Boudjahlat, comme Jean-Michel Blanquer, évitent ainsi le piège d’une laïcité mal comprise, prise en main par un conseil d’Etat et un observatoire de la laïcité qui ont systématiquement avancé dans le sens d’une laïcité ouverte, rendant possible la banalisation du voile.

Ce faisant, ils ont mis le doigt sur les problématiques que le voile pose, et qui vont bien au-delà de la seule laïcité.

Emmanuel Macron, lui, patauge toujours dans les méandres de cette laïcité où chacun met bien ce qu’il veut, depuis un principe juridique très ouvert, jusqu’à un athéisme militant. En cela, son « en même temps » lui fait prendre un retard considérable sur son ministre, sur un sujet du voile qui n’a plus rien d’anecdotique.

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