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La politique est un sport à 28. Et à la fin, c’est la Grande-Bretagne qui gagne
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Brexit

Boris Johnson va tenter de convaincre les députés britanniques ce vendredi 18 octobre, après l’accord obtenu jeudi entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur le Brexit. Le Premier ministre britannique vient de remporter une manche décisive.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Depuis hier après-midi, il y a de quoi s’amuser de la plupart des commentaires français sur ce qui se passe entre Bruxelles, Berlin, Dublin et Londres. Beaucoup de « scepticisme » ou de « on n’y comprend pas grand chose! ». Alors qu’il faudrait commencer par dire « Respect, Boris! ».  Rappelez-vous, c’était la semaine dernière, ou même hier, on nous disait que Boris Johnson n’y arriverait pas. La courageuse Theresa May (c’est dit sans ironie) n’y était pas parvenue, pourquoi cet homme apparemment si fantaisiste y arriverait-il? Eh bien, précisément, les grands politiques sont ceux qui savent emprunter « la diagonale du fou ». Etre soudain là où on ne les attendait pas. Tous les européistes blasés nous disaient que Johnson jouait la carte d’un « No Deal », il provoquait, il n’arriverait à rien ! Voilà que Michel Barnier vient, sérieux comme un fonctionnaire européen, expliquer sans ciller qu’un accord a été trouvé. Donald Tusk a été obligé de ravaler son habituelle assurance vis-à-vis de ces « pauvres Britanniques ». Et Jean-Claude Juncker esquisse un petit sourire de contentement personnel qu’on lui pardonnera: il pourrait quitter la Commission européenne sur un succès. Tant pis pour Ursula, tant pis pour Emmanuel. Angela et Jean-Claude ont repris la main. 

Certes, rien n’est fait définitivement. Il faut encore que le Parlement britannique vote le texte. Le résultat sera serré. Les unionistes irlandais du DUP, pour l’instant, ne veulent pas voter le texte. On n’est pas sûr que tous les membres du European Research Group, Tory et très eurosceptique, se rallieront. Mais il y aura au moins 19 députés travaillistes à voter le texte. Et puis, surtout, Boris Johnson a créé un momentum. On ne prête qu’aux riches. Le succès appelle le succès. On peut donc raisonnablement parier que que le texte sera voté. 

Peut-on résumer ce qui s’est passé? Au risque de simplifier, il faut retenir trois points : 

1. L’Union Européenne, dont on nous assurait qu’elle ne bougerait plus, le Withdrawal Agreement étant gravé dans le marbre, a fait des concessions essentielles. C’est largement sous l’impulsion de l’Allemagne, menacée de récession, voyant le marché chinois se rétrécir, incertaine sur les débouchés américains. Angela Merkel avait beau s’être emportée dans un coup de téléphone à Boris Johnson, le pragmatisme l’a emporté. 

2. Boris Johnson a obtenu gain de cause sur le fait que la Grande-Bretagne sortait de l’union douanière dans son entier. Elle aura les mains libres pour négocier des accords de libre-échange avec des tiers. Elle négociera un nouvel accord de libre-échange avec l’Union Européenne. Une période d’un an permettra d’y arriver. 

3. Le cas de l’Irlande du Nord n’est qu’apparemment compliqué: L’Irlande du Nord est bien dans le Royaume-Uni. Une distinction est effectuée, lorsque des marchandises transiteront du reste du Royaume-Uni vers l’Ulster, entre des biens à destinations de la seule Irlande du Nord (marché intérieur) et des biens destinés à l’exportation. Entre 2024 et 2026, le parlement d’Iralnde du Nord pourra choisir de garder le régime douanier de l’UE ou de se rallier au régime britannique. 

Theresa May n’avait pas réussi à obtenir que le Royaume-Uni sorte de l’union douanière tant qu’un nouvel arrangement ne serait pas trouvé. Elle avait signé un texte dans lequel le backstop irlandais était un piège qui risquait de garder toute la Grande-Bretagne dans cette même union douanière si les négociations avec l’UE échouaient. Les jusqu’-au-boutistes auront beau expliquer qu’il n’est pas normal que l’Union Européenne garde son mot à dire sur le commerce entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni dans la période de transition, l’important est que la démocratie nord-irlandaise décide au bout du compte. 

La politique est un sport à 28. Et à la fin, c’est la Grande-Bretagne pourrait-on dire en parodiant une célèbre formule sur le football trouvée un jour par un supporter britannique dégoûté de voir l’Allemagne toujours gagner dans ce sport (« Le foot se joue à 22 et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne »). En politique, c’est l’inverse, apparemment: Boris n’avait pas été effrayé par le « Nein » d’Angela Merkel le 8 octobre dernier. Là encore, cela fait un bien fou à l’Europe: un gouvernement britannique apporte la preuve que l’on peut tenir tête à Londres et trouver un accord équilibré pour toutes les parties, où l’on fait prévaloir sans agressivité l’intérêt national. Cela pourra donner à réfléchir à Paris. 

Alors, oui, il reste beaucoup à faire, en deux jours et Boris Johnson n’a pas gagné son vote au moment où nous écrivons. Mais le Premier ministre s’apprête à dire aux députés britanniques que c’est « son deal ou aucun deal ». Effectivement, on ne voit pas ce qui pourrait être renégocié. On voit mal les Remainers hystériques du Parlement, pris à contrepied par cette UE sur laquelle ils avaient tant misé, se remettre sérieusement à négocier. Surtout, un sondage fait sur un échantillon de 26 000 personnes, publié hier 17 octobre, donne 54% en faveur du Brexit en cas de nouveau référendum. La question avait été posée avant le succès de Boris. Les jeux sont (presque) faits. 

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