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Les Français surestiment le nombre d’immigrés dans le pays... Ou pas
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Sondage

Un sondage Elabe pour BFM établissait ce mercredi que 2/3 des Français se trompent au sujet du nombre d’immigrés installés en France. A moins que la définition qu’ils ont en tête ne correspondent pas à celle des statistiques officielles.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Ataltnico.fr : Un sondage Elabe pour BFMTV publié ce jour explique que "près de la moitié des Français surestime le pourcentage de la population immigrée en France". En cause, un chiffre : 47% des sondés auraient surestimé la part de population immigrée dans la population totale. Pour bien comprendre ce résultat, qu'est-ce que les institutions et les médias ont retenu comme définition d'un immigré ? 

Laurent Chalard : Il existe effectivement plusieurs définitions du terme « immigré ».Or, bien souvent, les instituts de sondage ne précisent pas celle qu’ils utilisent, qui n’est pas forcément la même que celle des personnes interrogées. 

Selon la définition de base du dictionnaire, un « immigré » est une personne née dans un pays étranger de celui dans lequel il réside actuellement. Selon cette définition, sont donc considérés comme « immigré » aussi bien des étrangers que des nationaux, qui, pour diverses raisons, sont nées à l’étranger (anciens colons, expatriés…). Par exemple, les rapatriés d’Algérie sont des immigrés comme beaucoup d’enfants de diplomates. Il s’en suit que deux personnalités politiques importantes des années 2000, l’ancien premier ministre, Dominique de Villepin, né au Maroc, et la candidate socialiste à l’élection présidentielle de 2007, Ségolène Royal, née au Sénégal, peuvent être considérées comme des immigrés ! 

Cependant, en France, l’Insee n’a pas retenu cette définition pour définir la population immigrée, mais utilise une définition plus restreinte, qui ne prend en compte que les personnes nées étrangères à l’étranger, qu’elles soient toujours de nationalité étrangère ou qu’elles soient naturalisées françaises depuis. Selon cette définition, Dominique de Villepin et Ségolène Royal ne sont plus des immigrés, tout comme les rapatriés d’Algérie, par contre, l’ancienne Ministre, Rama Yade, née à Dakar de parents sénégalais est une immigrée. A l’arrivée, selon l’Insee, au 1° janvier 2016, la France métropolitaine comptait 6 095 510 immigrés, soit 9,5 % de la population.

De leur côté, comment la population évalue ce nombre ? N'y ajoute-t-elle pas des critères ethniques et culturels ?

Pour la majorité de la population française, le terme « immigré » a une définition plus large que celle retenue par l’Insee, mais variable selon les individus car il n’existe pas de consensus général sur le sujet. 

Pour certains, cela relève avant tout de l’apparence physique, c’est à dire plutôt d’un critère ethnique. Est alors perçue comme « immigré » toute personne n’ayant pas un type ethnique européen, ce qui s’applique aux asiatiques, aux nord-africains ou aux personnes originaires d’Afrique subsaharienne, mais pas aux personnes originaires du reste de l’Europe ayant une apparence physique semblable. C’est ce l’on appelle les « minorités visibles ».

Pour d’autres, cela relève plus d’un critère culturel et/ou religieux, c’est-à-dire ne pas parler français, ne pas être issu d’une culture judéo-chrétienne, ne pas avoir les mêmes fêtes…

Il s’en suit que les statistiques dites « ethniques » n’existant pas en France, tout comme les statistiques religieuses, la détermination du nombre de personnes concernées est impossible à établir. Il n’apparaît donc guère surprenant que les évaluations soient très variables selon le ressenti de chacun. En outre, n’oublions pas que le sondage en question montre que les jeunes ont tendance à plus surestimer le pourcentage d’immigrés que les personnes âgées pour la simple raison que dans les faits, les « minorités visibles » sont beaucoup plus importantes parmi les jeunes générations que chez les plus anciennes.

Ce sondage et la manière d'en présenter le résultat pousse à considérer que les Français sont dans l'erreur, et cette erreur peut être interprétée comme du racisme. Est-ce aussi simple que cela ? 

Comme tout bon statisticien le sait, on peut faire dire ce que l’on veut aux statistiques ! En ne précisant pas la définition précise d’un « immigré » dans la question, l’institut de sondage en question était à peu près sûr d’avoir des réponses sur le pourcentage d’immigrés très au-dessus de la réalité, permettant de montrer que les français sont dans l’erreur. Dans les faits, il aurait été plus honnête de poser à nos concitoyens une question sur le pourcentage de personnes issues de l’immigration, c’est-à-dire les immigrés et leurs descendants, au nombre de 12 675 000 en 2013 selon l’Insee, dont le pourcentage dans la population totale, 19,9 %,est donc beaucoup moins éloigné des réponses données par une large partie des français à ce sondage, même si pour beaucoup de personnes interrogées les descendants des italiens ou des espagnols nesont plus perçus comme des « immigrés », dans le sens qu’ils se sont totalement fondus dans la population française.

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