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Les Français et la décroissance : une histoire d’incompréhension et d’hypocrisie
©Reuters

SOS culture économique

D'après un récent sondage Aviva Assurance, BFM Business et Challenges, 54% des Français interrogés indiquent qu'ils seraient favorables à la décroissance. Ces résultats reflètent-ils une incompréhension de la croissance et de son réel impact ?

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari est journaliste et analyste indépendant spécialisé dans les politiques publiques. Il est membre du réseau European students for Liberty et Young Voices, et collabore régulièrement avec divers médias et think tanks libéraux français et américains.

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Atlantico.fr : Selon un sondage Aviva Assurance, BFM Business et Challenges, 54% des Français seraient favorables à la décroissance.  Ce point de vue radical ne dénote-t-il pas une incompréhension de ce qu'est véritablement la croissance et de son impact ?  

Ferghane Azihari : Tout d'abord, permettez-moi de tempérer ce genre de sondages. Entre ce que les gens disent vouloir et ce qu'ils font effectivement, il y a un gouffre. Les Français se disent hostiles à la mondialisation. Et pourtant celle-ci prospère sur le fait que le consommateur se fiche éperdument de la nationalité des produits qu'il achète lorsqu'il se rend au supermarché. Le Français se dit en faveur d'une réduction de sa consommation. Mais lorsque son pouvoir d'achat est dégradé, il enfile son gilet jaune et proteste contre les impôts qui frappent son portefeuille. Je croirai en la popularité de la décroissance lorsque les Français se convertiront spontanément à la vie monacale ou s'exileront dans des pays pauvres. Pour l'instant, c'est l'inverse que je constate. Les pauvres migrent vers les pays riches. Pas l'inverse. La nature humaine est ainsi conçue qu'elle cherche continuellement à améliorer son sort. C'est la raison pour laquelle de plus en plus de théoriciens de la décroissance sont décomplexés à l'idée d'instaurer une bonne vielle dictature, conscients que les gens ne renonceront pas spontanément à leur confort. 

Quelles seraient véritablement les conséquences de la décroissance notamment pour les catégories populaires ?

Pour comprendre les effets de la décroissance, il faut déjà comprendre ce qu'est la croissance économique. Celle-ci résulte de la faculté d'une société à se montrer toujours plus productive dans l'emploi de ses facteurs de production. La croissance perpétuelle de la productivité conditionne notre aisance matérielle et notre faculté à consommer les biens et les services qui améliorent perpétuellement notre condition. La croissance conditionne aussi notre capacité à lutter contre les fléaux humanitaires qui ont longtemps gangréné notre espèce. Si nous n'avons jamais été aussi bien nourris qu'aujourd'hui, c'est grâce à la croissance. Si notre espérance de vie a plus que doublé en deux siècles, c'est grâce à la croissance. Si nous nous soignons facilement au moindre coût, c'est encore grâce à elle. On peut dire la même chose de l'éducation, de la mortalité infantile et de plein d'autres indicateurs humanitaires. La croissance n'est donc pas un caprice comptable et mercantile. C'est le processus qui a toujours accompagné une certaine forme d'épanouissement de l'homme. Les décroissants sont-ils prêts à regarder l'humanité droit dans les yeux en lui ôtant tous ces avantages ? 

N'est-ce pas là une incohérence totale puisque, qu'entre autres, la crise des Gilets jaune a montré combien le pouvoir d'achat restait une préoccupation centrale chez les Français ? Comment expliquer cette incohérence chez les Français ? 

Les Français sont en proie à une tension très forte. Chacun veut améliorer sa situation. Mais, d'un autre côté, nous sommes quotidiennement envahis par une propagande bien huilée qui nous explique que notre confort s'obtient en contrepartie de la destruction des conditions de vie sur terre. On se demande comment la population humaine fait pour continuer de croître! Cette eschatologie verte est toutefois démentie par la littérature économique. Celle-ci montre une réduction spectaculaire du nombre de victimes de catastrophes naturelles au rythme où les sociétés se développent. Elle met en évidence le fait que les pays riches ont un environnement de meilleure qualité que les pays pauvres. Elle suggère que les coûts du changement climatique anthropique restent largement maîtrisables et que la problématique climatique est in fine une problématique de développement (puisque les pays développés peuvent libérer plus de moyens pour investir dans la protection contre les risques du futur). Mais pour adhérer à ce constat, encore faut-il se débarrasser du fantasme fondamentaliste d'une nature sauvage et affranchie de toute emprunte humaine. Or c'est ce fantasme, non dénué d'arrières-pensées anti-capitalistes, qui gouverne la pensée des adeptes de l'écologie profonde et de leurs discours déclinistes qui envahissent les ondes. Nous sortirons de l'hystérie climatique lorsque nous croirons de nouveau en la primauté de l'espèce humaine d'une nature anthropisée en lieu et place d'une nature sauvage prétendument bienveillante qu'il faudrait protéger à tout prix d'une emprunte humaine viciée par essence. 

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