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Comment l’épidémie d’éco-anxiété de nos enfants transforme dangereusement leur vision du monde et de la politique
©STEPHANIE KEITH / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Craintes pour la planète

De plus en plus d’enfants sont traités pour des problèmes liés à l’éco-anxiété, une crise d’angoisse face à la peur de la fin du monde du fait du réchauffement climatique.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico.fr : En quoi la peur de la fin du monde liée au réchauffement climatique modifie-t-elle le rapport au monde ? 

Bertrand Vergely : On parle de réchauffement climatique au niveau physique et matériel. On oublie de parler du réchauffement climatique mental. Constatons le : mentalement  ce climat est brûlant. Tellement brûlant que la catastrophe tant redoutée ne va pas avoir lieu. Mentalement elle est en train d’avoir lieu. La montée des eux de la surexcitation écologique est telle que nous sommes déjà noyés par elle. 

Nous vivons un incendie psychologique et mental. Il faut dire que tout a été fait pour. À force de parle d’écologie matin, midi et soir en multipliant les nouvelles alarmistes  on a créé une confusion collective.

Dernièrement des scientifiques ont lancé une alerte : si on ne fait rien la planète risque de voir sa température augmenter de 7 degrés d’ici 2100. Il s’agissait de 2100. Tout le monde a cru que c’était sinon pour 2020. À force de dire 2100 c’est demain, on y est, à force de dire que, non seulement la planète va se réchauffer, mais qu’étant douze milliards il va y avoir six milliards de réfugiés climatiques, comment voulez vous que le monde ne panique pas et que les enfants ne soient pas malades.

Aujourd’hui, les politiques n’ayant aucune idée, tous parlent de la planète, du réchauffement climatique, de la nécessité d’agir. Tous sont écologistes. De leur côté les médias n’ayant rien à se mettre sous la dent, eux aussi se mettent cherchant des sujets qui intéressent tous parlent, devinez de quoi ?  Du réchauffement climatique et de sauver la planète. Vous prenez les politiques, vous ajoutez les médias et vous rajoutez les réseaux sociaux et notamment les réseaux sociaux des jeunes : vous assistez à ce à quoi nous avons affaire. Nous ne sommes pas dans l’écologie. Nous sommes dans l’hystérie écologiste. Si bien que l’écologie qui est une cause essentielle devient inaudible. Comme si il n’y avait pas assez de problèmes comme cela, en créant un climat d’incendie mental on rajoute un problème à un autre. Paradoxe dans cette affaire. Ceux qui disent qu’il faut changer les mentalités sont ceux qui en criant sans cesse qu’il faut changer les mentalités créent le climat mental le plus détestable, le plus régressif et le plus néfaste qui soit. 

On se demande si cela change le rapport au monde des enfants. Cela ne le change pas. Cela l’interdit. La notion de rapport au monde est un concept qui a été forgé par la phénoménologie. L’homme étant une conscience intentionnelle et l’intention étant le fait d’aller de l’intérieur vers l’extérieur, le mouvement naturel de l’enfant consiste à s’ouvrir à l’existence. On le constate : la vie sociale est tellement surexcitée et de ce fait tellement anxiogène que l’on assiste à une montée de l’autisme. Dans ce « climat » général, le climat à propos de la question du climat n’arrange pas les choses. 

Les enfants sont certes des éponges qui absorbent l’angoisse collective. Mais il est frappant d’apercevoir que nombre d’entre eux sont d’une sagesse et d’un bon sens assez étonnants. Tout comme il y a des adultes qui ne sont nullement hystériques en ce qui concerne le climat il y a des enfants qui ne sont nullement malades. Le monde connaît des tribulations, ô combien. Mais il faut savoir que les hommes possèdent toujours en eux les moyens de faire face aux situations auxquelles ils sont confrontés. Il existe quantité de savants et de spécialistes dans tous les domaines qui tiennent à propos de la nature des discours passionnants et créateurs. Ils sont en train d’élaborer des réponses et parfois des réponses assez géniales à propos de ce qui se passe. C’est eux qu’il faut écouter. C’est à eux qu’il convient de confier la parole. 

À cout terme quel impact  cela peut-il avoir sur le rapport des jeunes à la politique ? Les discours comme ceux de Greta Thunberg n’attisent-ils pas une certaine colère Comment cette colèe pourrait-elle se manifester ? Va-t-on vers une défiance à l’égard de la politique ?

Le président de la République a récemment reproché à Greta Thunberg d’attiser les antagonismes de la société. Il y a quelque temps de cela il la recevait à l’Élysée. Quand, pour être en phase avec l’actualité et les mouvements de sensibilité,  les plus hautes instances de la planète reçoivent Greta Thunberg il ne faut pas s’étonner que celle-ci qui était une Jeanne d’Arc de l’écologie se mue en une prophétesse de l’humanité à venir en passant de la croisade contre le réchauffement climatique à une croisade pour le changement mondial des mentalités. On ne peut pas à la fois tout faire pour transformer une jeune fille en égérie planétaire de la lutte des jeunes contre le réchauffement climatique et en même temps se plaindre des postures guerrières qu’elle est amenée à emprunter. Quand on reçoit une jeune fille comme un chef d’État il n’est pas surprenant  que celle-ci devienne une leader politique. 

On s’interroge à propos du rapport des jeunes au politique. « Mon Dieu », entend on,« nous avons été tellement irresponsables et fait tellement d’erreurs que les jeunes vont nous en vouloir et ne plus vouloir de la démocratie. Les pauvres, ils vont être traumatisés à cause de nous. Ils vont délaisser la politique  et ouvrir ainsi des boulevards aux populismes ». Que l’on se détrompe. 

Les jeunes vont très bien et la question du climat est pour eux une aubaine. En France, ces cinquante dernières années, les jeunes ont adoré jouer à la révolution, un jeu dont les français sont très friands. Le communisme étant tombé (En novembre on va fêter les trente ans de la chute du mur de Berlin), que faire comme disait Lénine ? Quelle révolution se mettre sous la dent ? Bien sûr, il y a le sociétal,  le mariage pour tous, la théorie du genre, mais avec l’écologie il y a mieux. Là il y a une chance de changer vraiment le monde. D’où, grâce à l’écologie, un renouveau du rapport au politique chez les jeunes, ce renouveau étant soutenu par les parents qui se félicitent que les jeunes s’engagent. Cela donne le phénomène auquel nous assistons à savoir le phénomène Greta Thunberg. En l’espace de quelques mois,  celle-ci est devenue une icône  mondiale de la jeunesse. À son appel tous les Vendredis les jeunes ont décidé de manifester contre le réchauffement climatique. En termes de renouveau du lien des jeunes avec la politique et la démocratie que veut-on de mieux ?  Il y avait jusqu’à présent le Samedi et les Gilets Jaunes. Il y a désormais le Vendredi et les jeunes.  Certes, il y a des enfants et des jeunes qui ont peur de la fin du monde. Mais en s’identifiant à Greta Thunberg ils trouvent une réponse à leur angoisse en se donnant comme devise : « nous sommes tous des Greta Thunberg ». À cet égard les politiques peuvent la bénir et l’appeler quelque part « sainte Greta », celle-ci permettant par son engagement de créer un phénomène d’identification collective sur sa personne proprement providentiel en ces temps d’angoisse et d’éco-anxiété. La réalité propose toujours des éléments afin de répondre aux questions qu’elle pose. Le phénomène Greta Thunberg en est une illustration magistrale. 

Quelles peuvent être les autres conséquences ? Cela peut-il changer le rapport au passé, à l’économie, aux modes de pensée ? 

Nous étions dans un monde sans prophètes, sans énergie morale, sans idéal, sans destinée grandiose, en un mot sans religion. Ce temps est révolu et là se trouve le changement. 

Nous pensons à tort que nous étions dans la paix, l’insouciance, le bonheur et que désormais nous sommes dans la dépression, la peur, l’angoisse, le mal être, l’anxiété, l’éco-anxiété. C’est exactement l’inverse qui est en train de se produire. C’est hier que nous étions dans la tristesse, dans la dépression et dans le mal être. Aujourd’hui nous allons beaucoup mieux. Nous avons un but : sauver la planète. Nous avons une morale et une religion : la morale de la nature et la religion du salut de l’humanité. Nous ne sommes pas déprimés, tristes et dans le mal être. Nous sommes prêts à lutter farouchement pour faire fermer tous les aéroports, supprimer toutes les voitures, faire du vélo et manger bio. Ce phénomène il est vrai n’est pas perceptible immédiatement. Ce n’est pas étonnant. 

Quand il est question, d’écologie tout commence par la tristesse le mal-être et la dépression. On vous parle d’écologie. On vous montre des photos de glaciers qui fondent. On découvre l’image de ce pauvre  ours blanc tout seul à la drive sur un morceau d’iceberg sans rien avoir à manger. On a mal pour l’ours. On a mal pour la planète.  On est abattu comme quelqu’un peut l’être quand un médecin  annonce tout de go à son patient que ses analyses sanguines étant catastrophiques, il n’en a plus que pour trois mois. Toutefois, les choses ne s’arrêtent pas là. 

La vie étant vivante celle-ci est évolutive. Après une phase de dépression au cours de laquelle on fait connaissance avec l’éco-anxiété, brusquement on passe d’un extrême à l’autre. On était incapable de parle. On était au bord de l’aphasie. Tout d’un coup, on ne fait plus que parler. On n’est plus dans l’éco-anxiété mais dans l’écolo-frénésie. On ne savait rien sur la biodiversité et sa préservation. Maintenant on sait tout. Et comme on sait tout on a un programme pour sauver le monde. C’est là qu’intervient le phénomène Greta Thunberg. 

L’histoire suscite toujours les personnages qui la transcendent. Avec Greta Thunberg c’est le cas. Celle-ci n’est pas arrivée par hasard. Elle est la réponse normale à ce qui se passe toujours quand l’angoisse et l’hystérie se saisissent de la vie collective en incarnant  un sursaut prophétique, mythique et légendaire transfigurant le drame tragique en une épopée romantique. 

En un mot, dans notre incendie mental, au milieu de la cacophonie politico-médiatique, les jeunes ainsi que nous-mêmes nous allons bien moins mal que nous le pensons. Dans notre façon d’aller mal des signes montrent que nous nous défendons pas si mal que cela en recourant à des réflexes archaïques éco-protecteurs. Ne nous inquiétons donc pas trop de l’avenir. Nous avons les moyens de lui faire face. Ce qui se passe avec les jeunes le montre. Les ruses de la raison ont pus d’un tour dans leur sac. En attendant, quand il est question d’écologie écoutons ceux et celles qui savent de quoi ils parlent plutôt que ceux et celles qui prennent un malin plaisir à ameuter les foules.  

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