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Derrière les feux en Amazonie, la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis
©CARL DE SOUZA / AFP

Bras de fer

La séquence des incendies en Amazonie révèle des similitudes et des liens avec l'opposition farouche entre la Chine et les Etats-Unis sur le front de la guerre commerciale.

Leslie  Varenne

Leslie Varenne

Leslie Varenne est co-fondatrice et directrice de l’IVERIS. Leslie Varenne a été journaliste d’investigation pendant 20 ans, elle est une spécialiste reconnue de l’Afrique. 

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Pendant la séquence médiatique sur les incendies en Amazonie, qui n’aura duré que le temps d’un G7, aucun commentateur n’a fait de lien direct entre ces feux et la guerre commerciale sino-américaine. Pourtant, il existe une étroite corrélation entre ces deux événements qui sont, certes, aggravés par la politique de JairBolsonaro et de certaines ONG qui récoltent ce qu’elles ont semé. 

Du tac au tac…

La guerre commerciale décrétée par le président américain a commencé en janvier 2018. A chaque sanction prise par les autorités américaines, Pékin a riposté. Ainsi, au printemps 2018, 800 produits chinois jugés d’importance stratégique par les USA ont été soumis à un droit de douane de 25%. Dans la foulée, la Chine a répliqué en imposant le même taux à 659 produits américains, dont le soja. XI Jinping n’a pas choisi de mettre la pression sur ce produit au hasard. D’une part, son pays en est le premier importateur mondial et fait donc la pluie et le beau temps sur ce marché ; d’autre part, les producteurs de soja américain sont des électeurs de Donald Trump, ils ont compté en 2016 et compteront en 2020. 

Mutation économique et géopolitique

Dans le même temps, la Chine a décidé de diversifier ses approvisionnements. Cela a eu pour conséquence de bouleverser la carte de la culture du soja.  En mai 2018, Pékin a signé un accord d’approvisionnement avec le Kazakhstan, ce pays d’Asie centrale profite de cette réorganisation économique, le malheur des uns faisant le bonheur des autres... Mais c’est le Brésil qui a vu cette culture exploser. En 2018, les exportations de soja brésilien vers la Chine ont fait un bond de 30%, représentant ainsi 82,3% des exportations totales.

L’Union européenne importe aussi du soja brésilien mais elle s’approvisionne surtout chez son allié américain. Pour venir à la rescousse de Donald Trump et rasséréner ses électeurs inquiets, en neuf mois, entre juillet 2018 et avril 2019, l’UE a augmenté ses importations de soja en provenance des Etats-Unis de 121% !

Pour répondre à la demande chinoise, l’Amérique latine, principalement le Brésil, mais aussi l’Argentine, le Paraguay, la Bolivie, augmente sans cesse sa surface de production et donc de déforestation. Sur l’étendue de celle-ci,dans la partie de l’Amazonie située en territoire brésilien, des chiffres forts différents les uns des autres circulent. Selon l’Agence spatiale brésilienne, la déforestation aurait augmenté de 88% en juin 2019, par rapport au même mois de l’année précédente. Un pourcentage qui paraît astronomique… Mais quelle que soit la réalité des chiffres, il est néanmoins certain que les déboisements augmentent au moins dans les mêmes proportions que l’augmentation de la demande chinoise, la culture du soja étant la principale cause de déforestation. 

Les pyromanes

Les grands propriétaires terriens brésiliens n’ont aucun scrupule à incendier des pans entiers de forêt amazonienne. Ils ont, d’ailleurs, revendiqué certains feux.Au mois d’août dernier, ils se seraient même coordonnés via l’application WhatsApp pour organiser un « dia de fogo », un jour du feu.

La pratique des brûlis pour défricher et transformer les zones forestières en terrain cultivable est très ancienne et utilisée couramment, mais avant l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro elle était contenue. Sous les présidences de Lula et de Dilma Roussef, la forêt était surveillée et les pyromanes qui se faisaient prendre recevaient des amendes.Le nouveau président brésilien a désorganisé cette lutte en limogeant le directeur de l’Institut national de recherche spatiale, l’organisme chargé de mesurer la déforestation et de débusquer les coupables, et en diminuant les subventions aux organismes environnementaux. Les grands propriétaires terriens, qui sont des soutiens inconditionnels de Bolsonaro, se sentent décomplexés et soutenus par leurs autorités.

Les idiots utiles de l’écologie

Il y a d’autres responsables de cette situation, d’une façon moins directe, certes. Pendant des décennies, de nombreuses ONG ont diabolisé l’huile de palme et rendu responsable des pires maux de la planète : appauvrissement des sols, déforestation, disparition des espèces et en prime elle était aussi toxique pour la santé. 

Au fil des ans, cette stigmatisation a poussé l’industrie agroalimentaire, les éleveurs, mais aussi les consommateurs à ne plus utiliser cette huile et à se tourner vers d’autres telles que le colza, le soja, le tournesol. Sauf que des études scientifiques sérieuses prouvent que l’huile de palme est infiniment moins nocive pour l’environnement que les autres oléagineux.

Le palmier à huile a le plus grand rendement à l’hectare et ce, dans des proportions importantes : 3,8 tonnes à l’hectare, contre 0,5 pour le soja. Il a donc moins besoin de terres cultivables et par conséquent moins besoin de déforestation. Idem pour l’appauvrissement et la toxicité des sols, le palmier à huile nécessite moins d’engrais et de pesticide. En diabolisant l’huile de palme, les ONG ont contribué à promouvoir les autres oléagineux, dont le soja si destructeur pour l’environnement.

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