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Rencontre Macron-Conte en Italie : mais à quoi peuvent aboutir les discussions entre partis attrape-tout ?
©NICHOLAS KAMM / AFP

unification des forces ?

On peut observer des points de ressemblance entre la constellation politique italienne actuelle et la situation française.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico :  Emmanuel Macron rencontre Giuseppe Conte et Sergio Mattarella demain. Dans quelle mesure le parti du président et la coalition nouvellement formée se ressemblent-elles ? 

Edouard Husson : Les systèmes politiques français et italien sont très opposés structurellement. La Vème République concentre le pouvoir entre les mains d’un président élu au suffrage universel. Dans la République italienne, il est très difficile pour un homme fort d’émerger durablement, Matteo Salvini vient de l’apprendre à ses dépens. Et Matteo Renzi, qui a servi de modèle aussi bien à Bruno Le Maire se lançant dans la primaire de la droite qu’à Emmanuel Macron, que certains qualifient de « Renzi français », vient de faire une vraie fausse rentrée politique, en incitant son parti d’origine à entrer en coalition avec le mouvement Cinq Etoiles puis en décidant de se retirer du parti Démocrate et de former un nouveau parti. On peut voir malgré tout deux points de ressemblance entre la constellation politique italienne actuelle et la situation française. Premièrement le mouvement macroniste est un curieux mélange de chevaux socialistes sur le retour et d’amateurs surgis lors du grand coup de balai à gauche des élections présidentielles de 2017; cela fait penser à l’alliance de Cinque Stelle et du Parti Démocrate. Ensuite, la coalition actuelle, comme Macron et sa majorité se sont fixé pour objectif de maintenir coûte que coûte le statu quo européiste et mondialiste. 

Les sujets qui vont être abordés exigent des prises de position tranchées. Les coalitions et les partis attrape-tout peuvent-ils résoudre la crise politique européenne ? 

Il va y avoir beaucoup d’encensement mutuel, demain, sur un ton qui fera penser aux rencontres entre « partis frères » dans l’ancien bloc soviétique. Et puis, comme dans l’ancienne sphère soviétique, une fois la propagande déployée, les rapports de force et les désaccords vont reprendre en coulisse. Emmanuel Macron va-t-il refuser d’accueillir des immigrés débarqués en Italie pour se mettre en conformité avec son nouveau discours anti-immigrationniste? Ou bien négligera-t-il une fois de plus les intérêts de la France pour jouer la carte de la réconciliation italienne? Le président français acceptera-t-il d’écouter l’expérience qu’ont les Italiens de la Libye pour les aider à y stabiliser la situation? Emmanuel Macron est-il prêt à tirer les leçons de la crise des Gilets jaunes: pour s’en sortir, il a dû dépenser au-dessus des 3% de déficit; il serait logique et décent qu’il appuie le gouvernement italien sur cette question. Le grand écueil de la rencontre de demain, c’est la tension profonde entre la coalition des progressistes pour maintenir les privilèges des nomades profiteurs de la mondialisation, les « anywheres » de D. Goodhart, d’une part, et la pression que chaque gouvernement national subit désormais de ses propres sédentaires laissés pour compte, les « somewheres » du même auteur britannique. 

A la réduction des majorités électorales faut-il répondre par un élargissement? Les alliances contre-nature ne constituent-elles pas un risque pour la démocratie européenne ? 

Emmanuel Macron a tiré la leçon du rétrécissement de la base électorale du centre: il a réuni le centre-droit et le centre-gauche pour sauver le système européiste et mondialiste. Avec 23-24% des suffrages au premier tour de la présidentielle, il a réalisé, à peu de choses près, le potentiel centriste que François Bayrou avait déjà révélé à la présidentielle de 2017. La grande différence, c’est qu’en dix ans, autour de ce centre, les deux grands partis classiques se sont effondrés: Nicolas Sarkozy avait obtenu 31% des suffrages en 2007 au premier tour, François Fillon est onze points en-dessous; et aux européennes, LR fait moins de 9%. Quant au PS, son effondrement est encore plus spectaculaire: une chute de 20 points entre la candidature de Ségolène Royal, en 2007, et  celle de Benoît Hamon en 2017.  Le cas de l’Italie est différent: les sondages donnent un score remarquable à la Ligue, environ un tiers des suffrages, s’il y avait une élection. Mais, comme aurait dit de Gaulle, les « cartel des partis » s’est entendu pour bloquer un potentiel retour devant les électeurs. De la même façon que le cartel des partis, au Parlement britannique, bloque la possibilité de nouvelles élections. Il faut insister sur le fait que les conservateurs britanniques ou italiens existent, sont forts, se battent, à la différence de ce qui se passe en France. Le plus grand risque pour la démocratie se trouve en France. En Italie ou en Grande-Bretagne, tôt ou tard, les partis reviendront devant les électeurs. 

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