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Y a-t-il un pilote politique dans l’avion de la police nationale ?
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

sécurité nationale

Un paradoxe se fait sentir en France. D'un côté, la police n'est pas assez soutenue dans son action quotidienne mais de l'autre lorsqu'un policier faute gravement, la sanction n'est souvent pas assez sévère.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Alain Bauer

Alain Bauer

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai. Il est responsable du pôle Sécurité Défense Renseignement Criminologie Cybermenaces et Crises (PSDR3C).
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Atlantico : La police, instrumentalisée lors de la crise des gilets jaunes, souffre aujourd'hui d'une image déficitaire auprès de certains Français. Quelle est la responsabilité politique de cette image ?

Philippe Bilger : L'image de la police en France n'est pas détériorée au niveau général. En France la police n'est véritablement applaudie qu'au lendemain de catastrophes, d'actes terroristes où elle devient une sorte d'idole démocratique. Si elle possède une mauvaise image auprès de certains Français c'est surtout parce que les Français détestent les forces d'ordre et d'autorité, sauf lorsqu'ils ont besoin d'elles. Tout ce qui est officiel, du domaine de l'ordre et de l'injonction, tout ce qui permet de pacifier la vie collective n'a parfois pas une bonne image auprès de la population, ce qui est assez regrettable. 

J'ajouterais que les politiques ne font rien pour améliorer cette image de la police au sein de la société. Chaque fois que la police a à se battre contre la délinquance, la criminalité, je ne suis pas loin de penser qu'on la considère comme présumée coupable, au lieu de la présumer innocente. 

Alain Bauer : Il est rare quel que soit le pays qu’une force de l’ordre face l’unanimité. Mais il est vrai que la culture de la confrontation en France ne facilite guère les relations quel que soit la couleur politique du gouvernement.

On a pu observer, au moins au niveau médiatique, une multiplication d'interventions policières où l'usage de la force peut sembler disproportionnée...

Philippe Bilger : Oui, le métier de policier est très difficile et la crise durable des Gilets jaunes a créé une tension et un énervement considérables. Je n'excuse absolument pas les violences réellement illégitimes commises par les fonctionnaires de police mais les derniers mois ont été particulièrement difficiles pour les fonctionnaires de police épuisés, surchargés et parfois mal orientés et mal dirigés. Il faut accepter l'idée que la police exerce un métier extrêmement difficile, éprouvant et pourtant totalement nécessaire à la démocratie, on l'oublie trop souvent. 

L'image de la police renvoie directement à celle de la force de l'Etat. Comment comprendre le lynchage dont elle est victime dans certains quartiers et de la part des groupuscules d'extrême gauche, et la faible réponse pénale qui suit les interpellations ? 

Alain Bauer : C’est un peu plus compliqué et le phénomène est souvent cumulatif entre contrôle d’identité récurrents et supposés humiliants, contrôle social en recul pour l’ensemble des services publics, trafics et provocations .

Le problème principal relève surtout de la cohérence de l’action publique entre prévention, dissuasion et répression ciblée. On est encore loin du sur mesure adapté aux situations.

Vous parlez de mauvaise direction pour la police. Par quoi se traduit-elle ?

Philippe Bilger : Je ne suis pas allé dans les manifestations des Gilets jaunes mais j'ai pu constater durant ces nombreuses manifestations qu'il y a eu plusieurs changements de cap de la part de la direction policière, ce qui explique d'ailleurs certains remplacements. Il n'est pas nécessaire d'être un expert pour avoir constaté durant ces mois troubles quelques changements de pied. Où l'on est proche des manifestants, où on les laisse faire, ça n'a jamais été très cohérent et limpide comme stratégie. Cela peut expliquer pourquoi de nombreux policiers ont été très désorientés pendant quelque temps.

Cette stratégie qui existe de faible sanction envers les policiers en cas d'excès, et de faible soutien d'autre part ?

Philippe Bilger : La police est tout de même sanctionnée même si on ne connaît pas toutes les sanctions. Ce que l'on appelle indulgence à l'écart de la police, je pense qu'elle peut venir du fait que c'est parfois au moment disciplinaire qu'on prend conscience des difficultés qu'on à affronter les policiers en permanence. 

Mais il y a effectivement ce paradoxe en France. La police n'est pas assez soutenue dans son action quotidienne et lorsque certains ont fauté, ils ne sont peut-être pas assez sanctionnés. 

La défiance policière entretenue par les médias cantonne-t-elle les forces de l'ordre à un rôle de "méchants" qu'elles ont peu à peu accepté et qui les portent à manquer de mesure en certaines occasions ?

Alain Bauer : Les médias rapportent. La communication policière est souvent déficiente. Et l’équilibre entre défense des policiers et protection des citoyens reste à construire.
Ainsi la mise en place d’unités d’enquête communes entre IGPN et Défenseur des droits permettrait sans doute, dès lors qu’il y a un contentieux avec des citoyens de redonner une certaine confiance et d’éviter le désastre de Nantes.

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