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Pesticides : le gouvernement résiste sur les principes et lâche sur les symboles
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Epandage politique

Le gouvernement a ouvert un cycle de consultation autour d'un décret qui sera appliqué en 2020 et qui établira des distances minimales entre champs et habitations pour l'épandage de produits pesticides.

André Heitz

André Heitz

André Heitz est ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

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Atlantico : Ces mesures contraignantes vous semblent-elles justifiées au regard d'autres pratiques de nos concitoyens dans leur quotidien ?

André Heitz : Je vais prendre notre cas personnel. Quand nos deux grands chiens, de ceux qu'on peut caresser sans avoir à se baisser, étaient traités contre les puces et tiques, c'étaient un (1) gramme de fipronil (le produit, interdit en agriculture, qui fut à la base d'un « scandale » d'œufs contaminés en 2017) qui se baladaient dans le jardin et dans la maison. Avec un autre produit, ce sont maintenant 16 millilitres et 7 grammes de substances non autorisées en agriculture en tout. Pour rappel, un litre de glyphosate épandu sur un hectare, c'est 0,1 millilitre (deux gouttes) par mètre carré.

Situation particulière ? Les diffuseurs d'anti-moustiques sont largement répandus. Personne ou presque ne lit les modes d'emploi. Pour les nôtres, il est précisé qu'il ne faut pas les utiliser dans des pièces où se trouvent des personnes âgées ou des enfants en bas âge.

Quand nous ouvrons une armoire, nous inhalons une bonne bouffée d'huile de lavande. C'est « naturel » donc, dans l'opinion publique, sans danger. Quant au placard sous l'évier, 60 Millions vient d'alerter à juste titre sur les produits ménagers et de proposer un « ménag'score ». 

Il est difficile de se prononcer sur le caractère justifié ou non des mesures envisagées ; mais force est de constater que grâce à l'impéritie politique et administrative aux niveaux européen et français, un activisme anti-pesticides (de synthèse) sans scrupules et fortement aidé par ses relais médiatiques a réussi à créer une psychose sur un problème certes pas anodin mais sans commune mesure avec celui que nous créons de bon gré dans nos intérieurs.

Et il va de soi que ces mesures contraignantes ne s'appliqueront pas quand il faudra lutter contre des vecteurs de maladies graves comme le moustique tigre.

Le gouvernement a expliqué qu'il respecterait les situations locales plutôt qu'une réglementation nationale. Quels sont les facteurs qui entrent en jeu et qui font qu'effectivement, les situations ne se ressemblent pas selon les régions ? 

Dans cette affaire, le gouvernement essaie de se sortir d'un guêpier. Le grand public retiendra les distances minimales de 5 et 10 mètres. Elles le sont par défaut et sont modulables ; on peut les réduire à 3 mètres, par exemple en cas d'utilisation de matériel de pulvérisation performant.

Ce seront des chartes établies au niveau départemental après vaste consultation de toutes les parties prenantes et après validation par le préfet qui définiront les conditions dans lesquelles un agriculteur pourra traiter sa culture – lire : produire notre alimentation – « à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments ».

On s'imagine bien que les activistes et les maires qui ont pris des arrêtés avec une distance « de sécurité » de 150 mètres (1.000 mètres à La Roque-Sainte-Marguerite dans l'Aveyron...) ne vont pas lâcher prise et se déjuger. Ce seront les pressions et manœuvres de toutes sortes qui définiront l'issue plutôt que les faits objectifs de toute manière difficiles à établir à l'échelle d'un département. Pour prendre un exemple, une école construite en plein milieu des vignes et ceinte par un simple grillage n'est pas dans la même situation qu'une école entourée par une haie haute et épaisse.

Sans qu'il soit question d'agriculture biologique dans cette consultation, le ministère de l'agriculture a parlé de transition agro-écologique. Pourtant, les produits phytosanitaires utilisés dans le bio sont-ils exempts de tout risque sanitaire ?

Les activistes du biobusiness ont évidemment mis une sourdine sur le fait que l'agriculture biologique utilise aussi, par nécessité, des produits phytosanitaires. Ils ne sont pas exempts de tout risque sanitaire et certains sont même préoccupants. N'eût été l'agriculture biologique fortement dépendante du cuivre pour des productions comme la vigne ou la pomme de terre, celui-ci aurait été interdit au niveau européen, en partie pour des raisons de santé publique.

Le projet d'arrêté exclut de son champ d'application les « produits de biocontrôle [et] produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque ». Pour une fois, le gouvernement a été cohérent : selon ma lecture du texte, les produits utilisables en agriculture biologique seront aussi bannis des bandes de 5 ou 10 mètres (ou plus)... mais ils ne le sont pas des jardins des riverains.

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