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Tests de Biocheck : une fraude à grande échelle dans l’affaire des "pisseurs" de glyphosate ?
©INA FASSBENDER / AFP

Fiabilité

Des Français ont fait des tests de glyphosate dans leurs urines. Afin de vérifier la fiabilité du laboratoire BioCheck qui réalise ces tests, des agriculteurs du Morbihan ont réalisé un test d'urine à l'hôpital de Vannes avec la méthode de la chromatographie.

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico.fr : Depuis quelques mois, des milliers de Français font des tests de glyphosate dans les urines. Ces "pisseurs volontaires" portent ensuite plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui, tromperie aggravée et atteinte à l'environnement". Afin de vérifier la fiabilité du laboratoire allemand BioCheck, qui effectue la totalité de ces tests débouchant tous sur un résultat alarmiste (100% de contamination, même dans le lait maternel), une vingtaine d'agriculteurs du Morbihan ont choisi de faire le test d'urine à l'hôpital de Vannes. Celui-ci propose la méthode de la chromatographie, une méthode séparative qui permet l'identification et le dosage des différents composants d'un mélange. Le résultat est sans appel : négatif pour tous les tests. Qu'est-ce que cela révèle de la fiabilité des tests de glyphosate ?

Marcel Kuntz : Réaliser des tests de détection, quelle que soit la molécule recherchée, nécessite de la rigueur scientifique. Le test détecte-t-il la molécule recherchée ? Détecte-t-il aussi d’autres molécules, donc produit-ildes faux-positifs ? En l’occurrence le test BioCheck repose sur l’utilisation d’anticorps produits pour se fixer sur le glyphosate. Le test, dans son ensemble, est donc capable de détecter et doser cette molécule. En revanche, concernant la seconde question, tous les spécialistes savent qu’il existe un risque non-négligeable qu’un anticorps se fixe également sur d’autres molécules. Même si cette détection n’a pas la même « efficacité » (scientifiquement on parle d’affinité), le signal produit peut être important si les autres molécules sont présententes en concentration élevée.

Un premier suspect susceptible d’entrainer des faux positifs était l’AMPA, un métabolite du glyphosate et aussi de détergents courants. Le fait que cela ne semble pas le cas a amené certains à conclure, un peu hâtivement, que le test détecte bien le glyphosate dans les urines. C’est ignorer qu’il peut y avoir d’autres sources de faux positifs sans lien avec le glyphosate. Notamment dans un liquide complexe comme l’urine. Il faut savoir que le test en question a été mis au point pour détecter le glyphosate dans l’eau, notamment pour les captages d’eau potable, ce qu’il fait bien, à faible coût. Mais il n’a pas été validé pour l’urine !

Le test utilisé suite à la démarche de ces agricultures du Morbihan, qui repose sur une séparation des molécules par chromatographie, est plus fiable et … plus cher !

Cette question est désormais éminemment politique. Qu'en sera-t-il des démarches judiciaires mises en œuvre à la suite des tests de BioCheck ?

Le scientifique que je suis est tenté de recommander à la justice de classer ces plaintes sans suite. Mais je vais résister à cette tentation, car je n’ai aucune légitimité à dire ce que la justice doit faire… Elle pourra, seule, constater que ces plaintes sont une tentative d’instrumentaliser l’autorité judiciaire dans le cadre d’une entreprise politique. En effet la question du glyphosate a toujours été politique. Si des activistes anti-pesticides ont procédé à ces « détections » du glyphosate, cela participeà la longue campagne visant à faire interdire cet herbicide et tous les « pesticides » (sont uniquement visés, par idéologie, ceux de « synthèse », en ignorant les pesticides utilisés en agriculture biologique). Ces activistes tentent d’imposer par la peur leur vision politique de l’agriculture, essentiellement anti-capitaliste et anti-moderne. Certes l’agriculture a généré des pollutions, mais il ne faut pas nier la capacité des agriculteurs à réduire leur impact environnemental, ce qu’ils font depuis des décennies.

Il est consternant que le gouvernement se soit aligné sur les désinformations anti-glyphosate, dans le sillage du seul avis du Centre International de Recherche sur le Cancer, en méconnaissant que ce dernier est décrédibilisé par son noyautage par des anti-pesticides (dont certains en cheville avec les cabinets d’avocats qui espèrent de juteux honoraires suite aux plaintes contre Monsanto), et en ignorant qu’une douzaine d’agences scientifiques dans le monde, en Europe et même en France ont réfuté la dangerosité du glyphosate lorsque utilisé selon les pratiques recommandées.

Quel est l'impact de ces recherches sur notre connaissance actuelle des effets du glyphosate ?

Il est difficile d’émettre un avis définitif sur la seule expérience induite par ces agricultures du Morbihan. Scientifiquement, il serait intéressant d’avoir accès aux échantillons d’urine qui ont été soumis au test BioCheck, et de les soumettre au test chromatographique.

Ce que l’on peut dire, c’est que l’opération des anti-pesticides a réussi à imposer, dans la plupart des médias, que la présence du glyphosate dans l’environnement et les aliments est massive, au point de « contaminer » tout le monde. Ce test du Morbihan montre que cela n’est pas aussi simple.

Il faut également mentionner que la seule détection d’une molécule n’est pas synonyme de risque. Scientifiquement, le risque prend en compte la quantité à laquelle on est exposé. Si l’exposition est faible (par rapport aux niveaux toxiques), le risque est faible. Je ne discuterai pas ici d’éventuelles exceptions à cette règle de « la dose fait le poison ». Ce qui doit être souligné, c’est que les lobbies écologistes tentent d’imposer l’idée que la seule détection d’une molécule (de synthèse, en ignorant toujours la toxicité des molécules naturelles) est synonyme de toxicité. Cela est scientifiquement fallacieux. Si le gouvernement, et plus généralement l’Union européenne, cèdent à ces pressions ce sera une immense régression pour la gestion des risques.

Propos recueillis par Aliénor Barrière

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