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Commission européenne, cru 2019 : pourquoi le renouvellement des commissaires ne changera pas grand-chose à l’avenir de l’Europe
©FREDERICK FLORIN / AFP

Cartes rebattues ?

Depuis le 26 août dernier, les gouvernements ont désigné leurs candidats pour représenter chaque Etat membre à la Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen. L'occasion de se pencher sur les critères qui permettent le bon fonctionnement d'une Commission.

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat est professeur à l'Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam.

Il est l'auteur de Histoire de l'Union européenne : Fondations, élargissements, avenir (Belin, 2009) et co-auteur du Dictionnaire historique de l'Europe unie (André Versaille, 2009).

 

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Atlantico : Au vu de la liste des candidats à la Commission et en tirant des leçons des précédentes, la Commission actuelle sera-t-elle en mesure de répondre aux besoins actuels de l'Union européenne ?

Gérard Bossuat : La liste des candidat-e-s est encore incomplète. Il y a beaucoup d’anciens comme si la participation à la Commission allait de soi pour ces anciens. Sur quels critères les gouvernements ont-ils proposé des noms ? Difficile à dire. Est-ce la compétence ou la parenté politique avec les pouvoirs en place ?

On observera avec attention les nominations des  commissaires hongrois et Polonais. Le candidat hongrois est un ancien ministre de la Justice et actuel député européen, László Trócsányi . Quel crédit accorder à un tel homme, étant donné les positions de la Hongrie sur l’état de Droit, en guerre ouverte avec les institutions communautaires. La question peut aussi se poser pour d’autres pays et en général, je remarque que désormais du fait d’une ignorance sans doute volontaire des règles fondatrices dans les traités de Rome et dans celui de Maastricht, la Commission, qui devait être indépendante des gouvernements ainsi que les commissaires se réfère aux Etats d’abords. Regardez comment Mme Von der Leyen a été nommé présidente de la Commission, à la suite de tractations entre les gouvernements et singulièrement les gouvernements allemand et français.


Dans son fonctionnement actuel, la Commission a-t-elle des marges de manœuvre et une vraie autonomie politique ? Quelles améliorations pourraient être faites qui éviteraient les dérives de toutes sortes ?

Sûrement pas, en raison de ce qui a été dit précédemment. Mais autonomie politique signifierait simplement  mettre en place une institution exécutive, autrement dit un gouvernement européen d’un ensemble fédéral. Certains prétendent que le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement est ce gouvernement européen. Monnet lui-même y a cru entre 1972 et 1974. Ce furent des illusions. Regardons simplement le rôle que se donne ce Conseil : prendre des décisions à l’unanimité concernant l’Union européenne. Mais que se passe-t-il quand l’unanimité manque ? Un blocage de l’Union, un retard apporté à la solution de grands dossiers : la contribution des GAFAM aux budgets nationaux, la lutte pour l’environnement et une législation hardie contre les pesticides (glyphosate par exemple), une législation commune à propos des migrants, la protection commune aux frontières de l’Union, la défense commune. La Commission, une sorte de gouvernement de l’Union, est alors considérée comme un organe technique qui appliquera les décisions ou les souhaits du Conseil européen.

La dérive concernant le fonctionnement de l’Union en termes institutionnels sera stoppées quand la Commission deviendra un vrai gouvernement européen, un exécutif dans des domaines à préciser, responsable devant le Parlement européen. Je veux prendre deux exemples. La Commission Hallstein (1958-1967) a fonctionné en essayant d’appliquer les dispositions des traités de Rome. Elle a tenté, en pleine indépendance, un glissement vers la Fédération. Elle s’est heurtée au général de Gaulle peu disposé à aller sur cette voie, mais elle a fonctionné selon l’esprit des traités. La Commission Delors,(1985-1994) a approfondi l’Union, élargi les compétences de l’Union, préparé une monnaie unique. Elle a fait des propositions en prenant le temps de négocier avec les chefs d’Etats, y compris avec Mme Thatcher. Elle a pris des initiatives réussies parce que les limites des institutions communautaires ont été dépassées grâce à la personnalité de Jacques Delors , président de la Commission.

Aujourd’hui y-a-t-il un leader européen ? Junker en était-il un ? Merkel et Macron souhaitent le devenir mais ne savent pas trop comment dépasser les contraintes des institutions. Le marasme actuel cessera quand le Brexit aura enfin clarifié la situation et quand l’Union aura un gouvernement véritable et un Parlement doté de pouvoirs législatifs dans des domaines précis définis par les Etats.


En 2019, dans une Europe fragmentée et en crise, que peut-on attendre de la Commission européenne ? Peut-elle être davantage qu'un organe technique ?

La Commission n’est pas juridiquement un organe technique. Elle est la gardienne des institutions. Ce n’est pas rien !  Elle peut néanmoins, comme l’a montré Delors, exercer son droit d’initiative pour le bien commun des Européens. Tout dépend de la personnalité de son ou de sa président-e, de son introduction réelle auprès des Etats. Pour l’instant, Ursula von der Leyen, a mis en avant, lors de son premier discours un attachement aux thèmes de « l’environnement et du climat, des questions sociales et des femmes, tout en se montrant sévère à l’égard de l’extrême-droite ».  Elle a parlé aussi de l’armée des Européens. Mais des éléments essentiels sont ignorés : Les pays de l’Union peuvent-il encore se fier à l’OTAN pour se défendre ?

Est-ce suffisant pour donner à l’Union comme à la zone Euro davantage de poids pour le bien des citoyens européens et pour assurer la sécurité du monde ? Il ne semble pas que la nouvelle présidente ait la personnalité d’un leader capable de mobiliser en dehors des institutions les citoyens européens ou les responsables politiques. 

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