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Déclaration du Président au G7 : "le défi est de convaincre de la capacité du politique à peser sur les événements"
©Capture d'écran // Ouest France

Défi

Avant l'ouverture du G7, ce samedi à Biarritz, Emmanuel Macron a tenu à s'adresser aux Français pendant une dizaine de minutes en direct. Au programme de son allocution, l'explication des quatre thèmes centraux du G7 à savoir la problématique des marchés financiers et des GAFA, les inégalités économiques, les nouveaux dangers du numérique, le réchauffement climatique ainsi que l'immigration et, entre autres, la guerre en Syrie.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Emmanuel Macron a tenu à s’adresser aux français ce samedi avant l’ouverture du G7 à Biarritz. Pourquoi un tel choix ? 

Arnaud Benedetti : Le chef d'Etat veut incarner ce G7 et par une démarche de com’ pédagogique essayer d’expliciter les enjeux d’un sommet qui peut apparaître pour nombre de nos concitoyens comme un objet lointain, où in fine ne se déciderait rien, et qui relèverait du pure exercice communicant.

Son objectif en quelque sorte est double : favoriser une meilleure appropriation de ce qui se joue dans cette réunion par l’opinion et montrer que la France est une puissance qui compte. D’où son propos qui peut apparaître un tantinet scolaire, voire très " corporate " au sens d’un chairman qui viendrait devant ses " actionnaires ", ici le peuple français, restituer le sens profond de l’événement. Manifestement il entend par ce prolégomène associer ses compatriotes à une affaire qui pour la plupart du temps est perçue comme un espace de négociation réservé aux seuls puissants. A sa façon, partant d’un sujet à forte dimension planétaire, Emmanuel Macron dit à son opinion : « Cela vous regarde , cela vous concerne au plus près". Et d’ailleurs à deux reprises dans son allocution il a prononcé la formule « en votre nom ", ce qui signifie qu’il convoque le peuple français dans une enceinte d’où il ne tire sa légitimité que du mandat que lui a délégué le corps électoral.

Se voulant ainsi didactique, avec un ton plutôt modeste, loin des accents sentencieux qui furent parfois les siens,  le Président tente de restaurer un lien de proximité au travers du prisme de sa fonction la plus magistralement régalienne : celui de grand de ce monde qui est le mandataire politique de son peuple. Une façon aussi de prendre de la hauteur à la veille d’une rentrée sociale et politique qui pourrait s’annoncer tendue et dense . 

Le chef d’Etat a énuméré les quatre points centraux du G7. Ceux-ci avaient déjà été présentés par la presse, que peut-on donc apporter l'allocution du chef d’Etat ?

Elle n'a rien apporté de plus sur le fond, mais la forme -l’allocution officielle et liminaire- vise en interpellant l’opinion à sur-souligner le caractère à ses yeux fondamental du G7, à un moment où le monde n’a jamais été aussi mondialisé, en désordre et incertain. Tout l’enjeu de cette com’ est de vaincre le scepticisme " gaulois " quant à l’utilité d’un sommet critiqué, expérience passée aidant, pour son peu de portée et pour les désagréments organisationnels qu’il peut susciter.

Macron prend à partie son opinion pour la convaincre de la dimension très concrète du moment. Il s’agit pour lui d’expliciter par la force de l’exemple une volonté - celle de la capacité du politique à maîtriser des événements, ce dont doute parfois les électeurs en démocratie ; celle d’être soucieux de ne pas en rester aux déclarations de principe et de déboucher sur des solutions -d’où sa référence à l’industrie textile concernant la question de l’environnement ; celle de montrer qu’il n’est pas coupé de la société civile- c’est le sens de son appel aux manifestants, avec lesquels il admet des désaccords mais qu’il invite à se rassembler pour l’aider à avancer . 


Le Président s’est voulu consensuel et fédérateur à un moment où les tensions commerciales ne cessent de s’accentuer ( il a parlé de guerre ), où les conflits se multiplient et où les défis environnementaux apparaissent peu contrôlés et contrôlables, l’actualité des incendies amazoniens renforçant sans doute ce sentiment collectif. Macron fait sien l’adage que l’on prête à Napoléon selon lequel "il n’y aurait pas de meilleure réthorique que celle de la répétition". Au risque parfois de rencontrer l’indifférence ou de lasser ...

Enfin, est-ce là une manière de dire aux français qui peuvent se sentir peut touché par le G7 que celui-ci, en réalité, les concerne ? Quelles peuvent être les retombées d’une telle allocution ?

Oui, c’est l’objet que celui de partir de très haut -l’international- pour aboutir au terrain, au quotidien. C’est une façon de leur dire : « le monde est interdépendant mais nous comptons, nous avons des marges de manœuvre, nous agissons, la France demeure une puissance". Le G7 est construit dans la com présidentielle aussi comme un instrument thaumaturgique : il vise à cautériser le declinisme, le pessimisme français, cette passion nationale des dernières décennies d’un sentiment de déclassement.

La limite du discours n’en demeure pas moins dans ce qu’il a de très général, et surtout dans le fait qu’il embrasse tellement de sujets ( la sécurité , les égalités , l’économie , l’environnement ) qu’il suscite cette impression d’auberge espagnole. À vrai dire, le Président a certes parlé directement aux Français, mais il sait que toute l’efficience de sa parole sera indissociable de l’analyse qu’en feront les commentateurs de l’immédiat.

De ce point de vue, Emmanuel Macron n’a certes  laissé transparaître aucune aspérité, mais a t’il performé pour autant au point d’entraîner l’adhésion de son opinion? Difficile de le dire sauf à re-contextualiser  la com présidentielle dans son environnement séquentielle depuis le début de l’été où la sobriété paraît être de mise. C’est sur la durée qu’il faudra juger et dans un ensemble plus vaste, lui même indissociable des rapports de forces politiques et des résultats à venir de l’action gouvernementale. La politique prime sur la com’, toujours, et c’est tant mieux !

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