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Le G7 du blabla politico-diplomatique qui ne sert à rien, sauf à permettre aux dirigeants de se parler et ça, c’est primordial
©MANDEL NGAN / AFP

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A priori, et pour beaucoup d’observateurs, le G7 de Biarritz ne servira à rien sauf qu’on se trompe. Plus les dirigeants se rencontrent, moins les peuples accepteront les risques de guerre ou de crise. Que ces crises soient militaires, économiques ou écologiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Emmanuel Macron profite du G7 pour annoncer qu’il rejoint le camp en Europe de ceux qui s’opposent au Mercosur, l’accord de libre échange entre l’Europe et l’Amérique du sud. C’est sans doute le point le plus spectaculaire que retiendront les observateurs français.Bien avant l’ouverture du G7 de Biarritz, Emmanuel Macron, qui préside la réunion des chefs d’État et de gouvernement, avait prévenu qu’il n’y aurait pas de communiqué final. Un document inutile et il a sans doute raison. La chose la plus spectaculaire qui restera probablement de ce G7 sera le coup d’éclat de Macron sur le Brésil, en évoquant chose très rare, le mensonge d’un autre chef d’Etat, celui du président Bolsonaro sur ses engagements en matière de climat. On est un peu au théâtre, ça a peu de chance d’être accepté par les partenaires européens. En attendant, le message de Macron s’adressait plus aux organisations d’écologistes qu’à l’opinion internationale. Aucun chef d’Etat n’échappe à l’envie de parler à son électorat national. Quand Merkel propose de mettre au menu la question de la forêt amazonienne, elle le fait pour contenter ses « verts ». Quand Donald Trump grogne contre la Chine, c’est à ses fans de la ceinture de la rouille qu’il parle. Et quand Boris Johnson explique qu‘il n’y aura pas d’accord sur le Brexit, mais que peut-être il réussira à en arracher un petit, c’est aussi à ses électeurs franchement déboussolés qu’il s’adresse.

Cette communication destinée aux marchés politiques intérieurs de chacun n’a généralement aucun impact sur l’international. Ceci étant, comme les discussions sont rarement suivies d’effets concrets, l’opinion publique a vite fait de critiquer une organisation incapable de régler les problèmes de la planète.

Les oppositions politiques, les syndicats, les ONG surtout, qui étaient invitées mais qui finalement renoncent à participer à ce genre de réunion internationale considérant qu‘elles ne servent à rien. Du blabla politico diplomatique.

Et pourtant, la France avait défini un menu de discussions reprenant toutes les questions brulantes qui menacent l’équilibre du monde : la détérioration du climat, le réglage de l’économie mondiale, la concurrence fiscale.

Toutes ces questions se posent à l’échelle mondiale et ne peuvent être résolues qu’avec l’accord et la participation de tous. Alors, si le concert des Etats ne peut pas se mettre d’accord, à quoi bon un G7 ? Ou même un G20, ou une assemblée des Nations Unies ? 

Les assemblées du G7 n’ont jamais été aussi incertaines. Si on se souvient que l‘année dernière, le président américain était parti avant la fin pour ne pas signer le communiqué final, on comprend que cette année Emmanuel Macron ait décidé de se passer de ce genre de document. D’autant qu’ils sont en général rédigés à l’avance par des diplomates qui essaient de ne fâcher personne et dont ils savent par avance qu’il n’a aucune valeur juridique. L’année dernière, le document canadien avait dû être écrit par des stagiaires qui, ne voulant fâcher personne, avaient repris le programme en oubliant qu’il n’était pas nécessaire de braquer le président américain en lui proposant de signer un engagement de respecter les accords sur le climat alors qu’il avait mis son refus en tête de gondole électorale. Il faut être fonctionnaire pour ignorer qu‘un chef d’Etat ne doit jamais oublier qui l’a fait roi pour lui demander d’insulter ses électeurs.

Pour qu’une réunion internationale marche et participe au progrès dans l’organisation du monde, il faut nécessairement des politiques élus et intelligents mais il faut aussi des fonctionnaires malins.

Les G7 sont nés à l’initiative du président Valery Giscard d’Estaing en 1974, au lendemain de la première crise pétrolière. C’est cette crise-là, provoquée par les principaux producteurs de pétrole qui a amorcé la mutation de l’organisation de la planète. Les producteurs de pétrole ont pris conscience qu‘ils avaient un monopole mondial dans la fourniture d’énergie incontournable à la croissance. Ils ont donc décidé de multiplier le prix du pétrole par quatre.

Le G7 organisé par VGE à Fontainebleau a donc réuni les 5 puis les 7 pays les plus industrialisés du monde, parce que le modèle qui avait permis la prospérité occidentale était en risque de faillite. Il a donc fallu en prendre conscience et faire comprendre aux opinions publiques que « les temps allaient changer ». Bob Dylan le chantait déjà. Il a aussi fallu faire comprendre au cartel pétrolier que de vendre le pétrole plus cher était sans doute une bonne chose mais il fallait aussi ne pas trop étouffer les acheteurs. A l’issue de ce G7, les pays occidentaux ont amorcé des changements de modèle et les producteurs de pétrole se sont organisés pour réguler leur prix.

Mais ce qui est important dans ce moment de l’histoire, c’est que jamais, il n’a été question que les recommandations G7 ne transforment en décisions applicables partout avec une valeur juridique. Tout s’est joué dans l’intelligence des chefs d’Etat et dans l’habileté des fonctionnaires et des diplomates. 

Dans les années qui ont suivi, le monde occidental a assisté à l’effondrement du communisme, à la fin de la guerre froide entre l‘Est et l’Ouest et à la disparition du système d’organisation étatique. Le résultat, c’est que le système libéral d’économie de marché s’est imposé partout dans le monde entier, y compris dans les pays non démocratiques comme la Chine (à l’exception de la Corée du Nord). Les alternatives radicales au capitalisme ont disparu.

Le système de marché ayant besoin de règle, les Etats, sous la pression du « business » ont essayer de l‘organiser et de se coordonner. D’où la constitution de l’Union européenne et la création de l’OMC - l’organisation mondiale du commerce - à partir de la fin du XXème siècle.

Les organisations internationales, l‘ONU, la Banque mondiale, l’OMC, l’Union européenne ont initié des relations multilatérales. En bref, on a fait en sorte que tout le monde puisse parler avec tout le monde, y compris la Chine.

Les organisations informelles (G7, G20, groupement d’émergents, etc.), objectivement alliées aux grandes ONG internationales, ont promu un monde à fonctionnement multilatéral. 

Le problème, c’est qu’à partir des années 2008, ce monde a dû affronter des déséquilibres qui ont porté des risques et des préjudices graves à l’encontre de certaines populations. Les inégalités entre pays se sont creusées. Les inégalités se sont creusées aussi à l’intérieur des pays. Même si globalement, les effets de la mondialisation se révèlent positifs par l’enrichissement moyen des pays pauvres, il faut reconnaître que cette mondialisation a eu deux effets, elle a creusé l'écart entre les riches et les pauvres et accéléré la dégradation de l'environnement mondial (pollution, climat).

La résultante politique de ces mouvements quasi tectoniques a été l’émergence de réactions protectionnistes et populistes dans les pays occidentaux (Donald Trump, Brexit ...) et le réveil démocratique dans les pays autoritaires, en Russie comme en Chine.

La conséquence a été de prendre du recul par rapport au multilatéralisme et tenter des relations bilatérales. Essayer de passer des accords de circonstances d’État à État.

Au niveau de la politique intérieure, un accord bilatéral est évidemment plus facile à gérer qu‘un accord multilatéral qui donne le sentiment d’éloigner la décision du peuple. Et c’est vrai qu’au fond de la Corrèze, on a du mal à comprendre le pourquoi d’une décision prise à Bruxelles. 

Le problème, c’est que les accords bilatéraux ne répondent plus aux contraintes de la modernité. Les chaines de fabrication sont éclatées. Un simple iPhone, par exemple, se compose d’une vingtaine d’éléments de nationalité différente. L’Organisation mondiale du Travail a aussi partagé et réparti les expertises. Un médicament doit être utilisable dans le monde entier. D’où des normes, des procédures.

Se priver d’une telle richesse au niveau des échanges en laissant s’ériger des barrières protectionnistes, tarifaires ou non, c’est se condamner à la décroissance, à la pauvreté et surtout à une montée des inégalités entre ceux qui possèdent le savoir et ceux qui ne l‘ont pas et qui ne pourront pas l’acquérir.

Les organisations internationales sont en difficulté pour résoudre les problèmes de la crise. Il reste dans le monde deux catégories d’institutions capables de favoriser un écosystème plus équilibré.

1) Les banques centrales réunies ce week-end à Jackson Hole, comme chaque année à la même époque, dont on sait qu’elles ont pris un pouvoir quasi absolu sur la régulation économique mondiale. Ce sont les banques centrales (FED, BCE, Banque de Chine et Banque du Japon) qui ont pris les décisions qu’il fallait prendre pour éviter que la crise financière de 2008 ne tourne à la catastrophe comme celle de 1929. Pourquoi ont-elles ce pouvoir ? Parce que les peuples considèrent que ce sont les dernières organisations dans lesquelles elles peuvent avoir confiance pour gérer leur argent. Et l’argent, qu’on soit riche ou pauvre c’est, le nerf de la vie ou de la guerre.

2) la deuxième catégorie d’institutions se compose des réunions informelles des chefs d’Etat, les G7 ou les G20. Aucun chef d’Etat n‘a encore abandonné ce type de réunion. Et beaucoup voudraient y assister. Les dirigeants chinois et russes frappent à la porte. Pourquoi ? Parce qu’ils sont en majorité intelligents. Ils savent que les contacts personnels sont indispensables, non pas par ce qui se dit (c’est d’une banalité affligeante), mais par l’image qu‘ils renvoient auprès de leur peuple. Ils renvoient l’image de leur pays confrontée aux contraintes internationales auxquelles ils ne peuvent pas échapper. Donald Trump a dû déjà venir quatre ou cinq fois en Europe, c’est unique dans l’histoire, surtout pour un président qui n’arrête pas de convaincre son peuple de la grandeur de l’Amérique. En bon chef d’entreprise qu’il est, il sait bien que l’Amérique n’a jamais eu autant besoin des marchés mondiaux qu’aujourd’hui. Boris Johnson, le champion du Brexit dur et pur vient à Paris pour reconnaître qu’il faudra trouver un accord, il ne peut pas le dire à ses électeurs, mais il peut leur faire comprendre que personne dans le monde n’acceptera qu’on ouvre un risque de guerre civile en Irlande en érigeant un mur. Le Royaume-Uni, dans ses profondeurs, ne pourra pas prendre cette responsabilité.

Si les dirigeants politiques ne se parlent pas, les entreprises travaillent, les consommateurs consomment des produits du monde entier. La force des marchés est telle qu’elle a déjà asphyxié toutes les idéologies alternatives au marché.

Il en sera de même pour gérer la transition écologique, le plus important des défis du XXIème siècle. Les acteurs majeurs de la transition sont les entreprises dont l’intérêt est de répondre à leurs clients, leurs actionnaires et leurs salariés.

Les chefs d’Etat et de gouvernements le savent. Leurs électeurs pas toujours.

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