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Boris Johnson et l’insoutenable légèreté des Remainers
©Justin TALLIS / AFP

Six raisons de parier sur sa réussite

On en a un peu assez d’entendre parler du manque de fond de Boris Johnson quand l’on constate l’incapacité pure et simple de tous ces techniciens, experts, augures, oracles qui n’ont pas été capables, en trois ans, de mettre en oeuvre le résultat souhaité par une majorité des Britanniques : la sortie de l’Union Européenne.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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C’est devenu un poncif chez tous ceux qui veulent disqualifier ce qui apparaît maintenant inéluctable : l’arrivée de Boris Johnson à la tête du parti conservateur et donc à Downing Street/ L’homme ne serait pas sérieux: rhétorique flamboyante, primauté de la communication sur le fond, absence de convictions, manque de manières etc.... Il est bien évidemment difficile de savoir si Boris Johnson va réussir là où Madame May a échoué: mettre en oeuvre la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. L’homme a beau s’être fait biographe de Churchill, il est trop tôt pour savoir s’il arrive seulement à la cheville de son héros - ce serait déjà énorme ! Cependant, une ressemblance entre la fin des années 1930 et l’année 2019 saute aux yeux - toutes choses égales par ailleurs: à cette époque Winston Churchill avait la réputation d’être un être fantasque, imprévisible, poursuivant des lubies. Et pourtant, c’est cet homme « peu sérieux » qui a pris en main le destin du pays avec beaucoup de suite dans les idées. Et vous aviez toute une série de personnages extrêmement sérieux de réputation mais qui apparaissent aujourd’hui comme des pantins, incapables de se hisser à la hauteur des événements. 
Qui est le plus bouffon ? Boris Johnson ou bien cet ancien Premier ministre usé qu’est Tony Blair, chouchou de la BBC et de la majorité des médias parce qu’il n’a cessé de ridiculiser le Brexit? Il est curieux de constater comme on a oublié les reproches que l’on faisait naguère à Tony Blair à propos de son obstination à déclencher la guerre en Irak. Même sur la forme, je préfère la volubilité exubérante d’un Johnson au discours mécanique de ce clown triste qu’est devenu Tony Blair - qui ne comprend pas qu’il faudrait s’en tenir désormais à un silence décent quand on s’est trompé à ce point sur le Proche-Orient et quand on a déclenché une transformation culturelle du parti travailliste qui aboutit lentement mais sûrement à sa disparition pure et simple. Quand les Remainers ont un peu trop sorti Tony Blair du placard, ils le rangent et vont chercher un autre ancien Premier ministre, John Major. Ce dernier fait une déclaration grandiloquente pour expliquer qu’il traînera Boris devant les tribunaux si ce dernier fait n’importe quoi. Le caractère pathétique de ce type de sorties ne frappe peut-être pas un public français à qui la campagne des européennes a imposé l’apparition du scène d’un certain nombre de chevaux de retour, à commencer par Jean-Pierre Raffarin et Pierre Méhaignerie pour soutenir Nathalie Loiseau; mais il serait temps de comprendre que Blair et Major ont plus fait pour légitimer Boris Johnson qu’une armée de communicants. 
A vrai dire on en a un peu assez d’entendre parler du manque de fond de Boris Johnson quand l’on constate l’incapacité pure et simple - pour ne pas dire la nullité crasse - de tous ces techniciens, experts, augures, oracles qui n’ont pas été capables, en trois ans, de mettre en oeuvre le résultat souhaité par une majorité des Britanniques: la sortie de l’Union Européenne. Il faut bien parler de l’insoutenable légèreté des opposant aux Brexit, ces Remainers qui s’obstinent à vouloir trouver du charme à une Union Européenne dont les deux caractéristiques sont la lenteur à s’adapter dans un monde en plein bouleversement technologique et l’incapacité à mettre en oeuvre autre chose qu’un « économisme » démodé, loin de l’aspiration des peuples à retrouver du sens à leur destin collectif. Somme toute, Boris Johnson aura dit la vérité des prix: tout se passe comme si, face au ramassis de récidivistes de l’incompétence qu’est devenu le camp des Remainers, la seule façon de s’imposer était de se comporter comme le fou de la Reine: avancer masqué pour survivre et, ce qui est plus important, permettre au peuple britannique de reprendre espoir. 
Je vois pour ma part six raisons de parier sur la réussite de Boris Johnson: 
1. Même l’hypothèse la plus pessimiste, consistant à penser qu’il est avant tout un acteur doué et ne cessera jamais de l’être, conduit à supposer qu’un grand acteur qui tient le rôle de sa vie a toutes les chances de réussir. Boris trouve un rôle qui consiste à réussir le Brexit. Pourquoi ne le jouerait-il pas jusqu’au bout? 
2. Plus les semaines passent, plus les Remainers en sont réduits à des combats de retardement. Il faut dire qu’il n’y a plus rien d’attractif dans une Union Européenne incapable de respecter le principe qu’elle s’était pourtant fixé à elle-même: celui de choisir le président de la Commission Européenne parmi les parlementaires européens. 
3. Boris Johnson disposera de l’arme de dissuasion politique: la convocation d’élections générales. Le parti Tory a-t-il intérêt à se présenter à ces élections sans que le Brexit ait été réalisé? Soit Boris Johnson dissout le Parlement immédiatement pour disposer d’une majorité confortable; soit il se présente devant le suffrage populaire une fois la « mission accomplie ». Dans tous les cas, conservateurs comme travaillistes savent très bien qu’ils pourraient être balayés par le suffrage au profit d’un parti pro-Remain, les Libéraux démocrates, d’un côté, et du Brexit Party de l’autre. Pour les conservateurs, l’enjeu n’est rien moins que la survie politique du parti de Benjamin Disraeli, Winston Churchill, Margaret Thatcher. A la différence de la droite française qui a laissé passer des occasions décisives d’absorber le Front National - à commencer par l’incapacité de Nicolas Sarkozy à mettre en oeuvre ses promesses de 2007, les conservateurs britanniques ont l’occasion, avec Boris Johnson, de réduire de mpanière décisive l’influence de Nigel Farage. 
4. L’économie britannique s’est rarement aussi bien portée, malgré le psychodrame du Brexit. Les départs annoncés de la City ou des usines situées sur le territoire britannique n’ont pas eu lieu. Le patronat compte un groupe important de Brexiteers. Tout devrait conduite patronat et gouvernement à vouloir en finir rapidement. 
5. Enfin, il y aura une différence décisive entre Theresa May et Boris Johnson: l’Union Européenne va devoir traiter avec un tempérament politique et non plus avec une bonne élève suivant à la lettre les recommandations de ses hauts fonctionnaires. Parions que Boris Johnson saura jouer des profondes divisions entre membres de l’UE sur le sujet du Brexit. 
6. Boris Johnson saura utiliser de manière habile le soutien que Donald Trump est prêt à donner à tout Premier ministre britannique qui tient parole, croit au Brexit et le réalise. 

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