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Matteo Salvini / Carola Rackete : mais qui représente le plus grand risque pour la démocratie et la paix civile ?
©ANDREAS SOLARO / AFP

Méditerranée

Carola Rackete, la capitaine du navire Sea Watch, a été arrêtée pour avoir accosté de force, à Lampedusa, pour y faire débarquer des migrants. Elle a été convoquée ce jeudi par des procureurs de Sicile. Le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini est fermement opposé à la stratégie des ONG. A travers cette crise, deux visions s'opposent (l'illibéralisme nationaliste de Matteo Salvini et l'autoritarisme des militants).

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico.fr : En Italie, Matteo Salvini a traité de « criminelle » Carola Rackete, le capitaine d’un bateau d’une ONG ayant convoyé dans un port italien des migrants recueillis au large de la Libye, qui a été arrêtée puis libérée. L’un comme l’autre dénoncent le déni de démocratie que représente l’action politique de l’autre. N’ont-ils pas tous les deux raison ? L’opposition entre Matteo Salvini et Carola Rackete n’est-elle pas celle de deux formes d’anti-libéralisme ?

Christophe Boutin : Il semble difficile de mettre sur le même pied l’action d’un homme politique légitime, qui s’inscrit dans un cadre légal, et celle d’une militante prétendant user d’un cadre légal, mais agissant en fait, et en toute connaissance de cause, en dehors de la loi.

Matteo Salvini a été on le sait élu à des élections démocratiques, il respecte les fonctions qui lui ont été attribués, et exerce dans un cadre légal, celui de l’État de droit italien, les dites fonctions. Il bénéficie donc d’une légitimité que l’on peut qualifier de légitimité légale. Par ailleurs, et les sondages d’opinion le montrent bien, Matteo Salvini a une popularité que bien des hommes politiques pourraient lui envier – y compris dans notre pays. À sa légitimité légale s’ajoute donc une légitimité charismatique. Pour cette raison, parce que son pouvoir est pleinement légitime et parce qu’il l’exerce en respectant la loi, il correspond parfaitement à ce que l’on peut attendre dans une société démocratique.

Carola Rackete, elle, a comme légitimité sa prétention à user du droit coutumier de la mer et des règles du sauvetage qui font une obligation aux marins de porter assistance à ceux qui sont en difficulté. Capitaine d’un navire, elle a ainsi recueilli des migrants partis sur une embarcation de fortune et les a mené à bon port. Face au refus d’accoster qui lui a été signifié, et devant une situation sanitaire à bord qu’elle jugeait critique, elle s’est vue contrainte de forcer le blocus et donc de violer la loi. Elle, en sus, une légitimité purement médiatique.

Mais autant la légitimité légale de l’action politique de Salvini peut être clairement établie, autant celle à laquelle prétend Carola Rackete peut être facilement détruite. D’une part, les navires comme celui qu’elle commande ont pour mission spécifique le recueil des migrants, et, pour cela, n’hésitent pas à entrer dans les eaux territoriales libyennes, ayant été auparavant averti par les passeurs de la mise à l’eau de radeaux. Les rapports de Frontex sur ce sujet sont accablants, et il n’est que le suivre les échos radar de ces navires dits « humanitaires » pour constater qu’ils sont, au mieux, les idiots utiles des mafias de passeurs, au pire leurs agents conscients. Une fois recueillis les dits migrants, Carola Rackete a choisi de se diriger vers un port italien distant et non vers le port le plus proche de la côte africaine, sachant pourtant pertinemment que le gouvernement italien refusait leur accès aux navires d’O.N.G. chargés de migrants. Une fois le refus d’accoster formulé, elle a attendu au large du port – alors que d’autres États pouvaient l’accueillir dans des délais corrects -, avant d’y accoster de force.

Autant nous sommes dans le premier cas devant une action politique légale, autant, dans le second, cette légalité peut être très largement mis en question. Dans ce cadre, comme il est permis de penser que la démocratie suppose le respect de la loi, seule l’action de Carola Rackete lui porterait vraiment atteinte.

Alors, bien sûr, on entend déjà monter des critiques qui oscilleront entre la reductio ad hitlerumet la référence aux grands mythes antiques : la première puisque « Hitler aussi a été élu et était populaire », la seconde avec la convocation de la figure d’Antigone. On peut faire rapidement cas de la première : tous les pouvoirs légaux et populaires ne sont pas ceux de dictateurs. Quant à la seconde, on aurait alors une opposition entre un Salvini-Créon, faisant appliquer dans toute sa rigueur la loi des hommes, et une Rackete-Antigone qui ferait appliquer une loi non-humaine et comme telle supérieure, ces fameux « droits humains » qui auraient vocation à s’imposer à l’ensemble de la planète, et dont certains considèrent qu’ils contiennent un droit pour les individus à migrer dans l’État de leur choix. La différence entre le mythe antique est qu’Antigone est consciente de ce que, violant la loi humaine en enterrant son frère, elle sera légalement condamnée à mort par un Créon qui n’a pas d’autre choix, au lieu que Carola Rackete sait pertinemment que, dans notre monde moderne, le seul châtiment qui l’attend est de passer à la télévision et de recevoir de nombreux prix de la part d’associations émerveillées par son « courage ». Comme aimait le dire le vieux Karl, l’histoire s’écrit une première fois en tragédie et la seconde en farce.

Reste la question de leur double appartenance à ce que l’on pourrait appeler l’anti-libéralisme, mais, encore une fois, entre celui de Salvini, avatar de son populisme, restant dans un cadre légal sensiblement identique à celui du libéralisme, et la violation de ce cadre par Carola Rackete, les choses sont là encore différentes.

Edouard Husson : On ne peut pas mettre sur le même plan Matteo Salvini et Madame Rackete. Cette dernière ne se bat pas pour la démocratie mais pour une idéologie, la conception abstraite d’un monde sans frontières, sans passeport, sans citoyenneté. Si l’on laissait faire Madame Rackete, n’importe qui aurait le droit absolu de s’installer n’importe où, selon son bon plaisir. M. Salvini, lui, est ministre d’un gouvernement démocratique qui entend faire respecter l’état de droit. L’Italie, comme tout Etat souverain, a non seulement le droit mais le devoir de faire respecter ses frontières, de faire une différence - politique - entre celui qui a le droit d’entrer et de s’installer sur son territoire, et celui qui n’en a pas le droit. Rien ne dit mieux la confusion entre le bon et le mauvais gouvernement qui caractérise notre époque que le fait que l’on critique Matteo Salvini dans cette affaire et que l’on fasse d’une gauchiste allemande l’icône d’un combat pour la justice. C’est une véritable imposture ! Faut-il rappeler que la Ligue du Nord n’est pas un parti populiste? C’est un parti libéral-conservateur, défendant à l’origine le droit de l’Italie du Nord à « faire sécession » mais qui, sous l’effet d’une décennie de crise, a progressivement évolué vers la défense des intérêts de toute l’Italie au sein d’une Union Européenne abandonnée à l’idéologie progressiste. Alors que notre parti à vocation libéral-conservatrice, LR, s’est politiquement et moralement effondré durant la crise des Gilets Jaunes, incapable de penser la réconciliation entre la France des métropoles et la France périphérique, incapable aussi de dénoncer la violence gratuite de la police, sur ordre d’un gouvernement qui se dit progressiste mais qui est profondément réactionnaire, confondant ordre public et justice de classe, la Ligue, elle, a su comprendre ce que représentait le « mouvement des fourches » (les forconi) en 2013, un soulèvement populaire qui annonçait à bien des égards le mouvement des Gilets Jaunes.

Une partie du patronat d’Italie du Nord a tendu la main à ce mouvement populaire et a imaginé une politique non pas populiste mais conservatrice. Qu’ensuite, la nouvelle Ligue ait eu l’intelligence et la capacité à s’allier au populisme de gauche du Mouvement Cinq Etoiles est un phénomène intéressant d’union nationale au service des intérêts du peuple italien. Que le gouvernement de M. Conte, dans lequel M. Salvini est ministre, ait eu le courage de dénoncer l’immigration illégale et incontrôlée et l’alliance consciente entre certaines ONG et les gangs installés en Libye ou ailleurs pour faire fortune comme passeurs de migrants, c’est une excellente nouvelle pour l’Europe. Alors je comprends bien que les partisans d’un monde sans frontières et sans politique, coalition hétéroclite de mafieux, de militants immigrationnistes, de néo-libéraux, d’intellectuels et d’artistes progressistes, tous encouragés par le pape François, soient furieux et que l’on essaie d’exploiter à fond le fanatisme d’une militante comme Carola Rackete, que cela n’aurait pas dérangé de tuer des policiers au passage tant elle baigne dans une culpabilité allemande post-nazie ressassée qui, sous prétexte que l’Allemagne a dévoyé sa souveraineté entre 1933 et 1945 et commis des crimes contre l’humanité qui sont parmi les pires de l’histoire, voudrait interdire à tout Etat d’exercer quelque souveraineté que ce soit, même légitime et soutenue par la démocratie. Tout cela ne change rien au fait que Matteo Salvini est dans le réel et cette militante manipulatrice habile de l’opinion et des médias, dans l’idéologie la plus complète. 

En dehors de l’Italie, peut-on considérer que ces deux courants, anti-libéralisme populiste et anti-libéralisme militant (écologistes/droit-de-l’hommiste) sont devenus les deux nouveaux « pôles » du débat public ?

Christophe Boutin : Effectivement, on peut avoir l’impression que le libéralisme ne fait plus recette, malmené qu’il serait d’un côté par cet anti-libéralisme populiste et, de l’autre, par un anti-libéralisme « militant » - qui est à 99 % un anti-libéralisme d’extrême-gauche. Mais pour comprendre les différences entre les deux, peut-être faudrait-il rappeler d’où ils viennent et ce qu’ils veulent.

Dans le cadre de l’anti libéralisme populiste, le reproche qui est fait au libéralisme est double. C’est, d’abord, celui d’un individualisme jugé excessif car excluant certaines réalités des communautés humaines et notamment les appartenances aux familles, collectivités locales et bien sur nations, pour ne voir dans les rapports humains que la lutte ou la coopération des intérêts individuels. Mais, surtout, ce que reproche actuellement cet anti libéralisme populiste à nos sociétés « libérales », c’est la captation du pouvoir par une oligarchie qu’ils croient constater. Le libéralisme, on le sait, a toujours parfaitement composé politiquement avec un système représentatif qui permet à des élites, légitimées par l’élection, de diriger un pays. Mais encore faut-il que ces élites respectent le bien commun, et que les politiques qu’elles mènent correspondent un minimum aux attentes de leurs concitoyens. On le sait, c’est là le point nodal de la tension actuelle qui existe dans nos démocraties, puisque les populistes considèrent que le système libéral ne fonctionne plus et qu’il y a eu cette captation de pouvoir par des oligarchies travaillant à leur seul profit. D’où leur volonté de redonner une part de pouvoir au peuple, en introduisant des éléments de démocratie directe.

Tout autre est le reproche fait par l’anti libéralisme militant au libéralisme. D’abord parce que pour lui les peuples, avec leurs différences et leurs identités, n’existent pas : n’existe que l’humanité, ce qui place, on le comprend, leurs débats dans un cadre universel, loin de cette Cité qui reste pourtant le seul lieu du politique. Quant aux principes à mettre en œuvre ensuite, qu’il s’agisse de l’écologisme de combat ou du droit-de-l’hommisme, ils ne sont jamais définis démocratiquement, mais seulement présentés comme des évidences pas des groupes militants qui entendent ainsi imposer leurs thèses – bref, être la nouvelle oligarchie dirigeante. C’est ainsi que des questions aussi essentielles que celle de l’écologie, dont nul ne niera l’importance, ou celle des tout aussi indispensables libertés, que l’on peut retrouver parfois dans les droits de l’homme, sont alors utilisées contre les droits des citoyens. Car si l’anti libéralisme populiste entend redonner le pouvoir au peuple, l’anti libéralisme militant ne fait lui aucune confiance à ce dernier et entend seulement le rééduquer. On ne saurait donc les confondre.

Quant au fait que le libéralisme soit aujourd’hui pris en tenaille entre le deux, ajoutons qu’il a pleinement contribué à sa propre perte. Sa dérive oligarchique comme son mépris des questions sociales, ont largement conduit, en réaction, à l’apparition du populisme ; et sa bascule dans la mondialisation ou, pour faire oublier la négation du social, dans les dérives et délires du sociétal, ont conduit à promouvoir le militantisme déraciné.

Edouard Husson : Nous sommes plongés dans une véritable guerre civile culturelle, politique, financière, qui traverse chacun des pays occidentaux. D’un côté, le parti des « anywheres », des « nomades », pour reprendre la catégorisation de David Goodhart, qui désigne ainsi le parti du monde sans frontières, de la mobilité permanente, du bougisme culturel et de l’éradication des cultures nationales; de l’autre le parti des « somewheres », des « sédentaires », de tous ces individus des classes moyennes et populaires, qui n’ont rien contre l’ouverture et l’accueil de l’autre authentiquement malheureux et menacé, contrairement à la réputation que l’on veut leur faire, mais qui constatent instinctivement que leur nation est plongée dans une véritable lutte des classes, où les nomades « migrants » servent, comme aurait dit Marx, d’armée de réserve aux nomades acteurs de la mondialisation technocratique et financière.

On pourrait le dire aussi en recourant à l’analyse de Christopher Lasch sur la « sécession des élites », qui ne veulent plus rien avoir à faire avec leur propre peuple et pour cela instrumentalisent l’immigration, afin de briser - consciemment - le lien social. Je n’ai jamais rien entendu de plus atroce, politiquement, qu’Emmanuel Macron, pendant la crise des Gilets Jaunes, expliquant qu’on avait beau parlé d’exclusion et de marginalisation à propos des Gilets Jaunes, il ne connaissait qu’une catégorie d’exclus, c’était les étrangers sur notre sol. L’avantage, avec Macron, c’est qu’il dit ouvertement ce que pense la classe des « anywheres ». Cette guerre civile, vous la trouvez partout: entre Brexiteers et Remainers, entre Trump et un Obama qui porte atteinte à toutes les traditions de la démocratie américaine en essayant de coordonner en coulisse les anti-Trump pour 2020 - et qui a surtout couvert un scandale d’espionnage et de dé »stabilisation mensongère (l’accusation de collusion avec la Russie) du candidat républicain pendant la campagne de 2016 à côté duquel le Watergate est une affaire anodine.

Nous avons affaire à un conflit où les forces qui s’affrontent sont au départ inégales, vu que l’argent, les médias et la puissance sont encore, dans beaucoup de cas entre les mains des progressistes qui veulent abolir la politique et la démocratie. Mais, petit à petit, des membres lucides de la classe des « anywheres » redécouvrent l’état de droit, la politique, la défense de la démocratie et entreprennent d’organiser le camp des « somewheres ». C’est l’histoire de Trump, de la Ligue, d’Orban. 

Selon vous, quelle est la plus grande menace pour l’État de droit entre ces deux « illibéralismes » ?

Christophe Boutin : Bien sûr, Matteo Salvini semble relever de ce concept un peu flou actuellement utilisé dans le cadre de l’analyse du phénomène populiste qu’on appelle le l’illibéralisme. En ce sens, son pouvoir se distinguerait d’un pouvoir politique « classique », sinon « normal », qui serait celui de notre démocratie, et ressemblerait par exemple à celui incarné par Viktor Orban en Hongrie. Mais quelles seraient les caractéristiques de ces démocraties illibérales ? Un Chef régnant sans partage sur les politiques à mener ? Notre Jupiter l’est-il moins ? La seule vraie différence se ferait plus sur l’usage ou non, et dévoyé ou non, d’éléments de démocratie directe, mais qui est juge ici de la distinction entre démocratie et démagogie ?

En fait, plus que de menace contre l’État de droit, c’est bien de menace contre la démocratie qu’il s’agit, car tout dépend ici de ce que vous appelez État de droit.

Si l’État de droit et pour vous constitué par le respect des règles édictées démocratiquement dans le cadre d’un État, et garanties par les juges de cet État de manière équitable entre les citoyens de cet État, rien ne s’oppose a priori à ce que des pouvoirs qualifiés d’illibéraux ne le respectent pas. Mieux, tout y concourt, puisque la parole est régulièrement donnée au peuple, qui peut sanctionner alors ce qui lui paraît peu conforme à son « idée de droit » spécifique. C’est en effet un monde dans lequel le politique est toujours, à la fin, si conflit il y a, supérieur au juridique, un monde dans lequel il ne cédera pas face aux juges parce qu’il représente et défend les choix de la majorité de ses concitoyens. C’est parfois sans doute celui des démocraties illibérales, et l’on comprend que l’on puisse difficilement leur refuser cette étiquette de « démocratie ».

Si, au contraire, l’État de droit repose pour vous sur des valeurs universelles, garanties par des juges dit « suprêmes », nationaux ou internationaux, qui peuvent à leur gré casser les décisions des politiques – quand bien même ces derniers sont-ils légitimes, et ces décisions auraient-elles été prises dans le plus strict cadre légal -, ou en empêcher pratiquement la mise en œuvre, au nom de leur propre idée du Bien et du Juste, et quand bien même celle-ci ne correspondrait en rien au voeu majoritaire de leurs concitoyens ; si, ce faisant, leur application de la règle de droit est manifestement inéquitable face aux mêmes violations, sanctionnant sans pitié les uns pour mieux trouver des excuses au autres ; si, pour vous, le politique a vocation à céder à un juridique mis au service de lobbies idéologiques – alors l’anti-libéralisme militant est fait pour vous convenir. Quant à savoir si nous sommes alors encore en démocratie la question semble pouvoir être posée.

Edouard Husson : Encore une fois, il n’est pas possible de les mettre sur le même plan, sinon pour dire qu’il y a d’un côté l’amorce d’une reconstruction de la droite, qui allie souverainisme, populisme, conservatisme, humanisme et défense de l’état de droit. Et de l’autre une alliance entre les puissances d’argent, les technocraties supranationales et le gauchisme culturel.  L’état de droit ne peut survivre que si vous respectez le droit naturel et développez le droit positif dans le cadre de la souveraineté nationale. Depuis le XVIIIè siècle, nous avons eu affaire, face aux souverainetés concrètes et aux libertés réelles, à des vagues successives d’idéologie voulant abolir la politique. Nous avons cru à tort que la chute de l’URSS signifiait la fin de l’idéologie.

Or nous avons affaire aujourd’hui à un danger bien plus grand encore que le marxisme car le gauchisme culturel et politique d’aujourd’hui n’est pas quelque chose que l’on regarde de l’extérieur pour le dénoncer comme un totalitarisme: il est au coeur de nos sociétés, de nos appareils de pouvoir. Et, avec son mélange d’individualisme absolu, de ressentiment socio-culturel dissimulé sous le masque du camp du bien et de complaisance vis-à-vis de l’islamisme, il ne voudra pas lâcher prise aussi facilement que l’Union Soviétique s’est effondrée. 

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