Si vous pensiez que la dette américaine détenue par la Chine met Washington à la merci de Pékin, ce graphique pourrait vous surprendre<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Si vous pensiez que la dette américaine détenue par la Chine met Washington à la merci de Pékin, ce graphique pourrait vous surprendre
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Tigre de papier

Si la Chine et la Russie notamment ont beaucoup vendu leurs titres du Trésor US cette année, ces ventes sont compensées par les achats nets par le Royaume-Uni, la France, la Norvège et la Belgique.

Denis Ferrand

Denis Ferrand

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Denis FERRAND est Directeur Général de Rexecode où il est notamment en charge de l’analyse de la conjoncture de la France et des prévisions macroéconomiques globales. Il est également vice-Président de la Société d’Economie Politique. Il est membre du Conseil National de l’Industrie et du Conseil d’Orientation pour l’Emploi au titre de personnalité qualifiée. Chroniqueur pour Les Echos, il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et pour le Master APE de l’université Paris-Panthéon Assas.

Voir la bio »

Atlantico : On entend souvent que les Chinois disposent d'un énorme moyen de pression via la dette américaine. L'année actuelle ne pousse-t-elle pas à relativiser la puissance réelle de ce levier ?

Denis Ferrand : Oui, et il faut pour cela bien remettre dans le contexte. J'ai observé quels étaient les principaux acheteurs et vendeurs de la dette américaine pendant les 5 premiers mois de l'année 2018. J'ai observé deux groupes de pays : d'une part, ceux pour qui en moyenne les parts ont augmenté (Royaume-Uni, France, Belgique et Norvège) et de lautre ceux qui ont vendu (Chine, Russie, Turquie). Au global, on est dans une période pendant laquelle le reste du monde achète des titres du Trésor américain. La Chine à rebours réduit son exposition en direct, mais cela n'a pas de conséquences sur la dynamique d'ensemble. 

Après, il faut aussi faire attention : de nombreux travaux intéressants sont parus récemment, notamment ceux de Brad Stetser, un économiste américain du National Economic Council qui est le connaisseur le plus fin de ces statistiques de titres dans le monde, et qui évoquait notamment l'idée qu'il y a des phénomènes de substitution qui peuvent s'effectuer. A savoir que quand la Chine baisse, la Belgique monte, car des acteurs chinois peuvent passer par des fonds résidents belges. Avec de fonds résidents de paradis fiscaux type îles Caïmans ou Bermudes les Chinois peuvent detenir de la dette américaine sans le montrer. L'affichage en termes de critères de résidence n'est pas nécessairement fidèle à la réalité. 

Après il y a la réalité. La Chine a elle seule détient 17% (1150 milliards) de la dette américaine possédée par le reste du monde (6500 milliards en tout). La Chine est en tout détentrice de 7% des titres du Trésor américain. Au maximum, elle était montée à 12% en 2011/2012. C'est donc un phénomène engagé de longue date, extrêmement graduel. Historiquement, c'est un mouvement qui est engagé de longue date. 

La dette ne serait donc pas tant une arme dans les mains des Chinois qu'on le raconte ?

Economiquement, c'est une arme à double tranchant. Imaginons que les Chinois du jour au lendemain décidaient de ne plus détenir des titres du transport américain. Les conséquences seraient désastreuses en premier pour l'économie créancière. Ils ne peuvent vendre d'un coup 1100 milliards de titres en un jour. S'ils agissaient rapidement, on verrait en premier lieu les taux américains remonter. Et cela entrainerait une perte de valeur des titres détenus par la Chine qu'elle continuera à détenir. D'un point de vue patrimonial, la Chine n'a pas intérêt à le faire. Si en plus, vous avez une vente de dollars contre du yuan, vous auriez une pression très forte sur la monnaie chinoise qui renverserait l'équilibre de taux de change. La Chine n'a pas intérêt à engager un mouvement trop important. A partir du moment où vous êtes créancier, vous êtes plus redevable que vous n'êtes débiteur. Ce jeu de rapport de force est une forme d'équilibre de la terreur. 

Faut-il donc relativiser l’importance de la possession de la dette américaine par le reste du monde ?

Plus que vous ne le pensez. Le reste du monde c’est 6500 milliards, pour une dette de 17900. Il reste donc 11400 milliards, soit les deux tiers. Quand on regarde les évolutions, on voit que ce sont les acteurs domestiques américains qui sont devenus les principaux acheteurs de dette américain. Sur la période 2017-2019, ils représentent 62,4% des achats, contre seulement 13,4% pour le reste du monde. Cela n’a pas toujours été le cas. Si on prend la période 2000-200è, le reste du monde comptait pour 68,1% de l’augmentation de l’encourt. Il y a une forme de rotation entre des acteurs de financement à l’intérieur des Etats-Unis qu’il est important de regarder. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !