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LR : les propositions économiques des candidats au renouveau de la droite sont-elles raccords avec leur électorat potentiel ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Toujours liberal ?

De Julien Aubert à Guillaume Peltier en passant par Christian Jacob et Bruno Retailleau : les candidats au renouveau de LR ont tous exposé dans des entretiens récents leurs propositions en matière d'économie. De quoi satisfaire (ou non) un électorat de droite en pleine mutation.

Emile Leclerc

Emile Leclerc

Emile Leclerc est directeur d'études chez Odoxa. 

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Atlantico : Parmi les personnalités qui œuvrent au renouveau de la droite, Julien Aubert se montre favorable à un nouvelle forme de colbertisme, Guillaume Peltier propose une réduction des dépenses publiques classique, Guillaume Larrivé a un projet davantage national-libéral, Christian Jacob se prononce contre le CETA, Bruno Retailleau contre le traité Mercosur et Geoffroy Didier appelle à davantage de progressisme. Si on observe les propositions économiques des différents candidats au renouveau de LR, sont-elles en accord avec leur électorat actuel ou originel ?

Emile Leclerc : Sur l'électorat actuel oui, parce qu'il a beaucoup changé ces dernières années. La valeur libéralisme, si on la prend au sens large, était une valeur de droite plutôt incarnée par la droite gouvernementale, même s'il existe une tradition moins libérale dans le sillage du gaullisme qui s'oppose aux traités de libre-échange tel que ceux signés en ce moment. C'est une racine historique qui est importante dans la droite. Cependant, aujourd'hui, tout l'électorat de droite n'est pas ouvert au libéralisme. Face à cela, la stratégie de LR première a été de s'opposer au gouvernement et donc a pris des accents anti-libéraux. Il aurait pu soutenir la ligne économique comme certains de LR l'ont fait d'ailleurs, mais la stratégie d'opposition frontale adoptée pour se démarquer. Cette tradition a montré ses limites. L'électorat LR a fondu comme peau de chagrin et tous ceux qui étaient ouverts au libéralisme sont passés à LaREM. Si LR veulent convaincre leur électorat (et on sait que certains lorgnent plutôt sur celui du RN), les thématiques actuelles abordées sont importantes, à des échelles différentes, pour ces électorats-là.

On le voit avec l'électorat agricole, électorat historique des LR, pour qui le CETA est une concurrence déloyale de produits venant de l'autre bout du monde. Les inquiétudes environnementales, sociales sur le chômage ou l'emploi en France sont finalement assez rassembleuses : elles concernent la plupart des Français quel que soit leur bord. Les LR se tournent vers plus de protectionnisme pour suivre cette dynamique. Peut-être que si les discours avaient été différents, l'électorat n'aurait pas changé. Historiquement, ce genre de discours anti-libéraux concernait plus les électorats du Front National et de la gauche. Les libéraux sont aujourd'hui à LFI. On est cependant pas face à de vrais protectionnistes, mais des personnes qui sont méfiants face au libre-échange oui.

Les propositions économiques faites par ces personnalités semblent-elles assez proches ou contradictoires ? L'avenir de la droite se trouve-t-il dans l'une de ces propositions ou dans une synthèse de celles-ci ?

Les propositions économiques des différents candidats au renouveau de LR sont assez homogènes. Il n'y a pas de grandes différences entre elles mais il y a bien une rupture par rapport à l'histoire de la droite, dans la mesure où elles sont en contradiction avec la tradition de la droite. La droite française n'a jamais été entièrement libérale. Durant les trente dernières années, la droite n'a jamais été à la pointe du libéralisme : elle a pu mener des politiques d'inspiration libérale, mais il n'y a rarement eu ne serait-ce que des personnalités politiques vraiment libérales (à part Madelin). Les gaullistes n'ont jamais été de vrais libéraux. Il n'y a pas de tradition libérale en France.

Ces différentes propositions sont plutôt d'inspiration protectionniste. Il y a une forme de rupture dans la mesure où la droite, même si elle n'a jamais été complètement libérale, n'a jamais été protectionniste non plus. Or ces propositions marquent le retour du protectionnisme économique.

Il faut distinguer d'une part le corpus idéologique et de l'autre la stratégie politique. En ce qui concerne la stratégie politique, l'idée est d'aller séduire un électorat et lorsqu'on écoute ses propositions on comprend que la droite cherche à séduire les électeurs du Rassemblement National plutôt que ceux de La République En Marche.

A quel point les questions économiques sont-elles centrales pour l'électorat LR ? Avec le retour d'une "droite gaulliste" prôné notamment par Julien Aubert, LR ne risque-t-il pas de s'écarter des préoccupations économiques de l'électorat de droite ?

Les questions économiques et sociales sont centrales aujourd'hui, et pas seulement chez Les Républicains. Certaines questions (enjeu environnemental, questions de santé publique et de sécurité par exemple) émergent dans l'opinion et deviennent prioritaires. L'économie est essentielle pour tous les électorats et encore davantage pour celui de droite. La question est de savoir si les choix correspondront aux attentes de l'électorat. En l'occurrence, les propositions faites par les figures de la droite semblent correspondre aux préoccupations de l'électorat. Dernièrement, tous les échanges qui ont été faits sur le CETA ont montré que l'électorat de droite y était plutôt opposé et ils le sont encore plus lorsqu'ils sont informés du contenu du traité, notamment sur les produits qui peuvent arriver du Canada et qui ont été élevés avec des normes différentes des normes françaises. Ces traités de libre-échange ne percent pas dans l'opinion, quel qu'elle soit, à part LREM. Cela rejoint en fait des problématiques sociales qu'on constate depuis un certain temps en ce qui concerne les gagnants et les perdants de la mondialisation. Si on simplifie les choses, LREM parle plutôt aux gagnants de la mondialisation tandis que LR semblent cibler plutôt les perdants, c'est-à-dire l'électorat du RN, ceux qui votent pour des mesures qui protègent l'emploi, la santé etc., tous ces éléments qui sont importants à leurs yeux.

Ne pas parler d'économie est une erreur magistrale. LR en a fait l'expérience aux européennes et les sondages le rappellent aussi : ne pas traiter des questions économiques parce que sur le fond ils étaient plutôt en accord avec ce que proposait LREM leur a été en partie fatal. Faire uniquement de la politique sur les questions sociétales, d'identité etc. est une erreur importante parce que c'est un sujet important pour l'électorat. Ce n'est plus le chômage qui préoccupe majoritairement les Français, contrairement aux années précédentes, mais c'est le pouvoir d'achat. Le gaullisme est synonyme d'indépendance de la France : en ce sens, il devrait permettre de répondre aux exigences de l'électorat de droite.

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