Quand les Ze de Twitter décident de ne plus se laisser marcher sur les pieds par les SJW<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
Quand les Ze de Twitter décident de ne plus se laisser marcher sur les pieds par les SJW
©Reuters

Twittosphère

Certains utilisateurs sur Twitter utilisent "Ze" sur leurs pseudonymes. Derrière ce mot mystérieux se cachent d’une part les militants libéraux et d’autre part les militants progressistes qui s’autodécrivent comme des Social Justice Warriors.

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

Voir la bio »

Atlantico.fr : Libération a publié dans sa rubrique anti-fake news Desintox un papier pour expliquer ce qu'était le "Ze" qui accompagne certains pseudonymes d'utilisateurs de Twitter. Si la posture semble celle d'un libéralisme provocateur, comment définiriez-vous l'esprit "Ze" ?

Frédéric Mas : Il me semble que cette nébuleuse présente sur twitter est née à la fois d’un ras-le-bol et d’une prise de conscience. Le ras-le-bol porte sur les blocages de la société française, comme de la complaisance d’une partie de ses élites, en particulier ses élites médiatiques, avec l’idéologie socialiste devenue paravent des intérêts catégoriels. C’est au moment des protestations contre la Loi El Khomri en 2016 que des centaines de twittos ont commencé à s’insurger contre des grèves injustifiées qui prenaient en otage les usagers pour freiner toute velléité de réforme. 

La prise de conscience porte sur la valeur de la liberté et la nécessité de la défendre. Non seulement « Ze » a fédéré des libéraux et libertariens, mais aussi beaucoup d’autres twittos exaspérés par les réactions d’une frange de la gauche médiatique face à la contestation d’un mouvement social qu’elle estimait non seulement légitime mais indiscutable. Pour cette dernière, il n’était pas question de discuter, mais plutôt d’intimider et de faire taire. C’est parce que le trader londonien qui publiait sous le nom de Zebodag a subi une campagne de dénigrement inouïe que par solidarité, des centaines de followers ont choisi d’ajouter « ze » à leurs pseudonymes.

Enfin, même si le mouvement est assez divers, on y retrouve tout de même en commun une certaine liberté de ton associéeà la provocation, même si parfois le tout peut être coloré par la colère. Face à l’unanimisme du camp du bien, la critique de « Ze » s’est faite sur le ton de l’irrévérence et de l’impertinence, ce que ses adversaires ne semblent pas avoir toujours bien compris.

Libération s'est par ailleurs plaint de recevoir des mails peu courtois de la part de personne utilisant le fameux "Ze". Comment l'expliquez-vous ? A-t-on affaire à des trolls ?

Il y a eu comme un deuxième acte à la guerre que se sont livrés sur twitter pro et contra « Ze » : après la loi El Khomri, c’est l’« affaire » Emmanuelle Ducros qui a remobilisé les « Ze » sur le fameux réseau social. Cette journaliste à l’Opinion a été accusée de faire « des ménages » pour des industries agroalimentaires après certaines critiques formulées à l’endroit des enquêtes d’Elise Lucet. Les « Ze » se sont mobilisés pour la défendre et plus largement pour défendre la science contre un certain journalisme jugé trop léger et trop partisan. Ils ont également jugé que les opérations de « désintox » de Libération, au lieu de présenter objectivement les faits, se sont contentés de défendre le travail d’Elise Lucet en travestissant celui d’Emmanuelle Ducros. C’est sans doute ce mouvement qui a motivé Libération à écrire ce nouvel article sur les « Ze », article à charge qui peut tout à fait expliquer la colère des premiers intéressés : dépeints en privilégiés aigris anti-pauvres, il n’est pas difficile de comprendre leur colère, ce qui peut se manifester par des mails peu courtois. 

Il ne me semble pas que les « Ze » puissent être qualifiés de trolls : leurs remarques sont parfois irrévérencieuses et impertinentes, mais ne tient globalement ni de la malhonnêteté ni du harcèlement. Au contraire, pour beaucoup d’entre eux, il s’agit surtout de demander des comptes à certains journalistes peu habitués à rendre des comptes. Je pense que ces derniers gagneraient à les écouter et à leur répondre rationnellement. 

Les "Ze" sont souvent décrits par leurs détracteurs comme des cadres supérieurs de la finance qui déversent leur cynisme sous pseudonyme. N'est-ce pas justement contre ce genre de stéréotypes que se positionnent (avec une certaine forme de cynisme et d'humour) les "Ze" ?

L’une des sources légitimes de colère des « Ze » porte sur le portrait-robot qui est fait d’eux pour les faire taire et déconsidérer leurs critiques de l’état du pays aujourd’hui. En les réduisant à des privilégiés, des riches égoïstes et des racistes, on dévalue leurs propos et les écarte du « cercle de la raison ». On ne discute pas avec des êtres motivés par des passions aussi basses et des standards moraux aussi dégradés.

Plutôt que passer leur temps à se justifier, certains ont choisi le registre de l’humour et jouent sur les clichés de la doxa socialiste française. Par provocation, ils défendront comme le bloggeur H16 « les turbolibéraux qui mangent des chatons mignons » contre le lamento moralisant socialiste. Reprendre symboliquement le surnom d’un twitto accusé et harcelé parce que trader et expat, c’est-à-dire forcément privilégié et traître à la cause du socialisme français, joue sur la même corde, celle de la provocation et de l’autodérision.

Maintenant, ce qui me frappe parmi les détracteurs des « Ze », c’est l’incapacité à faire la distinction entre l’ironie, parfois mordante, de ses principaux représentants et leurs convictions libérales réelles. Prendre au premier degré les provocations des « Ze » pour mieux les caricaturer revient une fois de plus à faire un portrait à charge qui masque l’essentiel de leur position, à savoir la défense des libertés publiques dans notre pays. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !