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France et zone euro : plus de liquidités... ou plus de risques ?
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Epargne

Les deux : nous assistons à une bipolarisation de l’épargne dans le monde, et particulièrement en zone euro. Mais pire : la part majoritaire de l’épargne qui n’est pas rémunérée, voire perd à se placer, permet à la part minoritaire de prendre plus de risque. Ceux qui ont peur financent les téméraires ! Et paieront ensuite les dégâts ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Les deux : nous assistons à une bipolarisation de l’épargne dans le monde, et particulièrement en zone euro. Mais pire : la part majoritaire de l’épargne qui n’est pas rémunérée, voire perd à se placer, permet à la part minoritaire de prendre plus de risque. Ceux qui ont peur financent les téméraires ! Et paieront ensuite les dégâts ?

L’histoire commence par les Français et les autres membres de la zone euro qui ont beaucoup de liquidités. Merci Draghi pour la zone euro, merci, ici, à la reprise économique et aux « gilets jaunes ». Mais ils s’ennuient, ces épargnants, avec les rendements nuls ou très faibles qu’ils obtiennent, quand ils ont la chance d’être positifs. Alors ils vont, pour partie  à l’autre extrême, vers plus de rentabilité promise (on verra plus tard) contre une moindre liquidité assumée (on verra combien de temps et comment tout ceci finit). Le « centre » des placements moyennement liquides se vide. En effet, pourquoi d’un côté épargner pour si peu ? Et pourquoi, d’un autre côté, se refuser une satisfaction immédiate en dépensant, dans l’espoir d’en avoir une, supérieure, plus tard, si tel n’est pas le cas, ou pratiquement pas le cas ? 

Vivent donc les billets et les dépôts à vue. Ça ne rapporte rien, mais au moins on n’a pas à payer d’impôt et surtout à se fatiguer à déclarer ! Tant de souci pour si peu ! Tout se passe comme si 1% de la liquidité de la zone euro franchissait chaque année  « la frontière de la liquidité » : plus de 100 milliards d’euros quittent les dépôts dits rémunérés pour aller vers des dépôts qui ne le sont pas ! Aujourd’hui, en zone euro, les liquidités pèsent ainsi pour plus de 10% du PIB. Dans leur masse (M3), les 12 560 milliards d’euros actuels se retrouvent pour 9% en billets et pièces et 58% en dépôts à vue. Un peu plus des deux tiers en liquidités donc (67,6%), contre 63% en 2016. 

Toujours plus de liquidités en France aussi, mais avec un mouvement freiné ici par la fiscalité avantageuse des comptes sur livrets. En supposant que la France abrite 230 milliards d’euros en billets et pièces (impossible de savoir vraiment, puisqu’ils circulent librement dans la zone), on compte 1070 milliards de dépôts à vue, soit un total de dépôts liquides pour 43,5% du total. Alors, les 810 milliards d’euros en Comptes divers, pèsent de l’ordre du tiers de la masse monétaire française (estimée). Ainsi, ce mouvement vers la liquidité que l’on trouve partout en zone euro, se voit ralenti en France par les avantages fiscaux des Livrets A, Bleu, PEP et autres. Même si, avec l’inflation qui ralentit, les taux des livrets réglementés baissent ou restent bas (établis en fonction d’une formule), les montants collectés continuent de progresser, remplissant la moitié des livrets A qui ne l’est pas encore.  Bien sûr, quand on y est, il n’est pas question d’en sortir, puisque l’inflation est si basse ! 

En contrepartie de ces liquidités, une part significative des placements nouveaux va vers du plus risqué. Bienvenue sur le marché des actions, dans les royaumes des PME (des actions peu liquides le plus souvent), du high yield (haut rendement, donc haut risque), des produits BBB (une notation faible) et des Junk bonds, obligations pourries, si l’on veut la traduction. Mais moins quand même va pour financer le private equity, victime de la hausse des prix des entreprises achetées : il semble là qu’une limite a été atteinte. Le mécanisme qui fait baisser les taux d’intérêt : croissance et inflation faibles, pousse une part des liquidités nouvelles vers la liquidité bancaire non rémunérée, en pousse une autre vers des produits plus risqués, en quête de rendement. Les actions classiques sont au plus haut aux États-Unis en Allemagne et presque en France. Et ce n’est pas fini : la baisse des taux, parce qu’il n’y a pas assez d’inflation, même si la croissance est là aux États-Unis, devra y faire baisser les taux... Au Royaume-Uni même, l’idée gagne que le ralentissement né du Brexit fera baisser les taux, ce qui fait remonter la bourse à son plus haut. En zone euro, la baisse des taux est également attendue, parce que l’inflation n’est toujours pas jugée suffisante.

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