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Mobilité : Paris et le (quasi) désert francilien
©JOEL SAGET / AFP

Déplacez-vous en commun qu’ils disaient

La ville de Paris offre 2,35 gares de métro au km². Au contraire, en Ile-de-France, on compte une gare par 40km² sur 12 000km² au total.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : Si l'on ramène ce rapport en Île-de-France au métro parisien, cela reviendrait à ce qu'il n'y ait que 3 stations de métro dans tout Paris. Comment analysez-vous cet écart ?

Aurelien Veron : Dès la fin du 19ème siècle, les difficultés de circulation à Paris et l'approche de l'exposition universelle incitent la Ville à construire ses premières lignes. Londres dispose déjà d'un réseau souterrain depuis quelques années, Budapest vient d'inaugurer le sien. Notre capitale dispose aujourd’hui de l'un des réseaux souterrains les plus denses au monde. Cet investissement ambitieux constitue l'un des premiers atouts de Paris pour attirer grands groupes et entreprises à très haute valeur ajoutée. 

Avec ses 2,2 millions d'habitants, Paris offre aussi l'une des densités urbaines les plus élevées au monde : 21,000 habitants au kilomètre carré contre 13,500 à Tokyo, 6,700 à New York, 6,480 à Hong Kong ou 4,500 à Londres. Il faut aller à Calcutta et Dacca pour se retrouver au milieu de 27,460 et... 47,000 habitants au km2. Ceux qui veulent encore densifier Paris menacent les Parisiens d'une dégradation de la circulation et des conditions de vie dans la capitale. Nous avons plutôt besoin d'étendre le Grand Paris au-delà de ses limites actuelles comme tant de mégapoles l'ont fait dans le monde.

Le réseau ferré d'Ile de France s'est développé bien plus tardivement dans une région considérablement moins dense, dans le sillage des plans de construction de villes nouvelles et de cités HLM pour faire disparaître la plupart des bidonvilles après des décennies de pénurie (toujours d'actualité) de logements. La densité de population francilienne hors Paris atteint à peine 830 habitants au km2, à peine 4% de la densité parisienne.

D'après vous, cet écart peut-il être réduit et comment ? 

Les lignes de train sont extrêmement coûteuses à construire puis à entretenir. C'est donc un mode de transport adapté aux très fortes densitésurbaines. Voilà pourquoi Paris et ses 105km2 disposent d'autant de stations de métro et RER que le reste de l'Ile-de-France et ses 12,000 km2. Le métro parisien transporte presque 4,3 millions de passagers par jour tandis que le reste du réseau francilien déplace 3,9 millions de personnes. 

Après de nombreuses années de sous-investissement, le réseau francilien s'est dégradé, saturé comme des bétaillères et subissant une fréquence d'incidents qui rend la vie des "usagers" particulièrement pénible. Les Franciliens qui ont la chance d'avoir une station pas trop loin savent quand ils partent, jamais quand ils arriveront au bureau, à l'école des enfants ou chez eux. La priorité, c’est d’accroitre la capacité des lignes existantes et d’améliorer très significativement leur fiabilité.

La construction de nouvelles lignes du Grand Paris améliorera probablement les déplacements massifs de Franciliens en atteignant un seuil élevé de fréquentation. Mais certaines d’entre elles promettent d'être des gouffres non seulement à l'investissement mais à l'entretien, pour une utilité très insuffisante. D’autant que ce mode de transport ne suffira jamais par lui-même. Le renforcement des transports collectifs passe nécessairement par leur ouverture à la concurrence. Bus et navettes privées répondront bien plus vite et bien mieux aux besoins des Franciliens, éventuellement via des plateformes à l'instar des VTC qui ont bouleversé la corporation sclérosée des taxis.

Le développement du vélo, pour les courtes distances, repose sur les connexions intercités et le déploiement d’infrastructures et de parkings sécurisés. En attendant, la voiture reste le mode de déplacement le plus adéquat pour la plupart des Franciliens, même lorsqu'ils doivent traverser ou venir à Paris pour le travail, des courses ou d'autres motifs aussi prosaïques que venir dîner chez des amis parisiens (maintenir des liens entre Franciliens et Parisiens devient une hypothèse certes de plus en plus farfelue).

Les Franciliens et les Parisiens ne se déplacent pas de la même façon ni pour les mêmes raisons. Pourtant, nombre de Franciliens viennent à Paris travailler. Que dit cet écart de la situation des transports dans la région et quel impact peut avoir celui-ci sur le travail, l'une des raisons principales de l'emploi des transports ? 

Soyons clairs, la Mairie de Paris ne veut plus des banlieusards dans notre ville autrement que pour travailler. Libre à eux de rejoindre une ligne de métro ou de trouver un RER qui fonctionne. Paris a érigé une muraille difficilement franchissable autour de l'eldorado des transports dont bénéficient les Parisiens avec leur réseau de métro et de bus, les taxis et VTC, les vélos et, maintenant, les trottinettes.

Plutôt que de fluidifier les transports individuels par un réseau et des outils de circulation intelligent et un système incitatif tel qu'un péage urbain agile, elle a privilégié l'emmerdement maximal. La fermeture des grands axes et des grandes places, la multiplication des interdictions de rouler dissuadent tout usage de la voiture. Les deux roues se sont substitués aux voitures, les bouchons aux circuits de délestage ; et la pollution n'a quasiment pas bougé.

Artisans et indépendants sont de plus en plus nombreux à refuser chantiers ou même simples interventions à Paris. Effet collatéral de cette réduction de l'offre, les concurrents qui restent montent leurs tarifs au détriment des Parisiens. La capitale se referme sur elle-même pour se transformer rapidement en ghetto d’ultra-riches. 

Faciliter les déplacements passe d’abord par un bouleversement de notre politique du logement afin de favoriser la mobilité. A côté de la place croissante accordée au vélo, l’ouverture des transports collectifs à la concurrence est incontournable. Il est nécessaire, enfin, de stopper la guerre dogmatique contre la voiture en fluidifiant intelligemment la circulation, surtout au moment où la multiplication des véhicules électriques promet une révolution en termes de pollution sonore et en gaz et autres micro-particules.

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