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Appel du 18 juin : pourquoi le sentiment d’unité nationale né de la matrice de la résistance a quasiment disparu aujourd’hui
©François NASCIMBENI / AFP

L'armée des ombres

Ce 18 juin, Emmanuel Macron commémore à Suresnes l'appel lancé par le Général de Gaulle à l'union contre l'occupant et contre la collaboration. Ce moment historique a été un des ciments de l'union nationale portée par le Conseil National de la Résistance par la suite, et plus largement d'une union politique autour de la République.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Aujourd'hui cependant, cette unité semble avoir volé en éclat. Qu'est-ce qui fait que les divergences politiques actuelles ne parviennent presque plus à être transcendées ?

Edouard Husson : L’un des passages les plus profonds des Evangiles, c’est le moment où le Christ dit, en substance à ses adversaires: « Vous construisez des tombeaux aux prophètes. Mais s’ils étaient encore vivants, vous les auriez lapidés comme vos pères ». Je me bouche par avance les oreilles pour ne pas entendre les discours qui seront prononcés aujourd’hui - au moment où l’on apprend que le président de la République a décidé de rendre les Iles éparses à Madagascar. Si vous regardez de plus près ce qui se passe, la croyance dans la nation s’est effondrée en même temps que les autres croyances. Un peu moins dans une partie du peuple: l’appartenance nationale, la langue, c’est le seul patrimoine de ceux qui n’ont rien et la révolte des Gilets Jaunes, brutalement réprimée, a montré qu’il restait une fidélité à la France dans une partie de la société. Mais nos élites sont devenues mécréantes en ce qui concerne la nation. A droite, comme à gauche: le gaullisme et le communisme, le centrisme et le socialisme ont progressivement jeté par-dessus bord la référence à plusieurs siècles d’histoire qui ont fait la nation. 

La matrice mythifiée de la Résistance signifie-t-elle encore quelque chose pour nos politiques ? Le mythe fondateur qu'elle représente a-t-il encore le sens qu'on lui donnait ?

La Résistance n’est pas un mythe. C’est un récit fondateur ! C’est une réalité. On a cessé d’y croire le jour où l’on a décidé que c’était une question de nombre! Mais dans notre matrice culturelle, judéo-chrétienne, la question n’est pas de savoir combien sont fidèles à l’engagement passés par les pères fondateurs: les prophètes bibliques se sont souvent battus contre les dirigeants de leur époque; et aux périodes de plus grand malheur, ils ont loué le « petit reste d’Israël », la minorité qui restait fidèle. Effectivement, les résistants sont peu nombreux à l’été 1940. Mais c’est à cause de leur constance et de leur fidélité à la nation que la France, comme puissance, a été assise à la table des vainqueurs. C’est tout cela que les soixante-huitards, les germanolâtres, les atlantistes transis ont méprisé à partir de la fin des années 1970. 

En fait, il faut prendre garde: la réalité historique n’a pas changé, elle est même de mieux en mieux connue des historiens. Par exemple on mesure mieux combien de Français ont caché et sauvé leurs compatriotes juifs. Ce fut un phénomène massif. Cela n’empêche pas nos élites de s’accrocher à la formule absurde selon laquelle « la France a commis l’irréparable ». Il y a eu des collaborateurs, une complicité partielle de l’appareil d’Etat résiduel avec l’occupant. Mais de là à dire « la France ». Fallait-il que Chirac, déjà, n’ait plus cru à la nation!  

Jusqu'à peu, le FN était exclu de cette concorde républicaine, du fait de sa méfiance envers la République mais aussi de son passé collaborationiste. Aujourd'hui, le RN est en tête de pont de la défense de la République. Comment expliquer cette mutation ?

De quoi parlez-vous? Citez-moi un parti français, après 1945, qui n’ait pas accueilli dans ses rangs des gens peu recommandables. Le parti communiste a collaboré entre l’été 1940 et l’été 1941. C’est une assemblée de majorité à gauche qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain. Le PS a porté à sa tête, sans état d’âme, un François Mitterrand dont toute personne normalement informée connaissait le conformisme et les compromissions pendant la guerre. Et soudain, dans les années 1980, ce même Mitterrand, grand illusioniste, monte un spectacle où le camp de la bien-pensance se refait régulièrement une virginité en tapant sur le Front national décrété infréquentable. Fallait-il que Jean-Marie Le Pen n’ait pas envie de parvenir au pouvoir pour se prêter lui-même au jeu et entrer dans le rôle du méchant écrit pour lui! Marine Le Pen a évité les écueils sur lesquels son père avait brisé son navire; mais elle elle est tombée dans l’excès inverse: s’enfermer dans un discours « républicain » un peu convenu, avec une doctrine économique quelque peu passéiste et un étatisme peu adapté à l’époque. Pour autant, vous avez raison de souligner que dans un paysage politique rongé par l’idéologie du genre, le multiculturalisme, la conscience de classe dominante et le dénigrement permanent de la France dans les milieux dirigeants, le Rassemblement National agit comme un conservatoire des idéaux républicains. 

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