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LREM définit les engagements de l’élu municipal progressiste : mais au fait, c’est quoi une ville “progressiste” ?
©Thomas SAMSON / AFP

C'est le progrès

LREM présente lundi 17 juin ses premiers candidats aux élections municipales. Pour l'investiture, «La boussole, c'est le projet progressiste" a expliqué Stéphane Guérini à Radio Classique.

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico : Que peut-on penser de cette déclaration ? Ne se dirige-t-on pas là vers de simples déclarations de principe ?

Frédéric Mas : Le « progressisme » défendu par le gouvernement est tellement associé à sa gestion technocratique de la politique nationale qu’il est difficile de concevoir sa transposition à l’échelon local. L’idéologie moderniste portée par la république en marche prolonge celle de la deuxième gauche, qui donne à l’État et l’administration un rôle d’accompagnateur de l’économie de marché et du changement politique et sociétal du pays. C’est par essence un langage jacobin, centralisateur qui ne peut penser les corps intermédiaires et la démocratie locale que comme de simples courroies de transmission du pouvoir central, cette verticalité tant célébrée au début du mandat présidentiel. Transposé aux municipalités, ce type de discours devient très, très abstrait, et ressemble effectivement à un ensemble de déclarations de principe qu’il ne sera pas trop difficile d’accepter si l’investiture est à la clef. Que sera un « projet progressiste » pour une ville de moins de 10 000 habitants ? Difficile à dire.

Il est probable que cette abstraction soit voulue, pour se laisser une latitude dans le choix des candidats potentiels. LREM, ce mouvement national de cadres construit uniquement autour de la personnalité d’Emmanuel Macron risque d’utiliser les municipales pour se constituer la base d’élus locaux dont elle est totalement dépourvue aujourd’hui. Cette constitution suppose de rassembler au centre, et d’osciller en permanence entre centre-droit et centre-gauche pour récupérer dans les anciens partis les candidats plus compatibles avec l’esprit du parti présidentiel. Ce n’est pas tellement l’orientation idéologique qui comptera dans le choix des investitures, mais leur loyauté à l’endroit du président, qui est finalement le seul à incarner le progressisme tendance LREM.

Il y a toutefois dans cette exigence progressiste comme une clarification. En se posant comme progressiste, on désigne clairement l’ennemi politique, le conservatisme et son prolongement furieux le populisme. En d’autres termes, ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi, et ceux qui sont contre moi ne peuvent être que du parti de l’immobilisme mortifère et de l’épouvantable extrême droite. Il y a là un prolongement, mais dans le domaine de la communication, de la campagne européenne des marcheurs. LREM a cherché à redécouper l’offre politique en deux alternatives pour son propre bénéfice électoral au détriment du pluralisme politique. La droite et l’extrême droite sont renvoyées dans le même ensemble, et la gauche et l’extrême gauche n’existent plus dans les éléments de communication de LREM.

Concrètement comment pourrait se traduire une politique progressiste à l'échelle d'un exécutif local ? D'autant plus que la nature du projet politique risque de dépendre de la taille de la municipalité ? Considérant que les enjeux et les moyens d'action sont largement différents en fonction de si l'on est à la tête d'une métropole par rapport à un petit village…

Quand le clivage se faisait entre droite et gauche, la réponse pouvait sembler plus claire. Schématiquement, à droite, la baisse des impôts locaux et l’entretien des centres-villes commerciaux, à la gauche la priorité aux logements sociaux et aux équipements publics à caractère collectif. Maintenant, avec le « nouveau monde » macronien, la frontière est moins nette. Le discours en faveur de la performance et de l’économie du bien-être qui appartient au lexique présidentiel peut avoir une traduction dans les grandes villes. Les maires y ont des marges de manœuvre suffisamment grandes pour rendre leurs villes attractives.

Maintenant tout ceci, encore une fois, est très théorique et abstrait : à une certaine échelle, la gestion d’une commune de droite et assez comparable à celle d’une commune de gauche et automatiquement, la question du progressisme devient essentiellement matière à communication politique plus qu’à une description concrète de l’usage des deniers publics.

Il me semble toutefois que le tournant écologiste de LREM, en particulier après les européennes et le discours de politique générale d’Edouard Philippe, pourrait signifier une concrétisation matérielle de ce progressisme à échelle municipale. L’accélération écologique promise par le premier ministre pourrait jouer le rôle de ce supplément d’âme « de gauche » pour une formation sociologiquement foncièrement conservatrice. Matériellement, les exécutifs locaux pourraient à leur échelle mettre la main à la poche pour financer les énergies renouvelables, les centres-villes piétonniers ou les opérations de conscientisation écocitoyenne afin de se placer dans le bon sens de l’histoire et les petits papiers de l’exécutif national. Le catastrophisme écologique de LREM pourrait ainsi être le nouveau pseudo-impératif moral de gauche justifiant de nouveaux postes de dépenses publiques à l’utilité incertaine. L’idéologie écologiste est suffisamment plastique pour s’adapter à toutes les municipalités : pour les grandes villes, on rendra l’accès des centres-villes plus difficiles pour les voitures-si c’est encore possibles-et pour les petites, il suffira de végétaliser le rond-point !

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