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Les cadres, cibles discrète du calendrier de réformes gouvernemental
©Reuters

Une cible parfaite ?

Sous couvert de justice sociale, le Président de la République est-il en train de s'attaquer aux cadres, que ce soit avec la réforme des retraites ou avec le projet d'assurance chômage ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Les cadres gagnant plus de 120 000 € bruts par an devront épargner davantage pour avoir une retraite proportionnelle à leurs revenus. Cela signifie concrètement que le régime de cotisations sera plafonné sur la partie du salaire traditionnellement dédiée aux retraites. Retraites complémentaires, épargne individuelle, les cadres vont devoir s'adapter. D'un autre côté, le régime de l'assurance-chômage va aussi changer avec la dégressivité et le plafonnement des indemnisations. Alors qu'Emmanuel Macron a toujours affectionné de défendre les cadres, les récentes décisions politiques sont-elles en train de les desservir ?

Philippe Crevel : Les cadres risquent les perdants de l’Acte 2 du quinquennat avec le plafonnement des indemnités chômage et avec la refonte du système retraite.

Depuis plusieurs années, nous changeons de système de protection sociale. Nous passons d’un système assurantiel à l’Allemande à un système d’assistance à la Britannique. Les prestations sociales étaient fonction des cotisations qui étaient donc proportionnelles aux salaires. Les plafonds de versements étaient élevés, huit fois le plafond de la Sécurité sociale pour les retraites. En modifiant les règles pour l’assurance chômage et les retraites, nous entrons donc dans une autre logique de nature plus fiscale. Les salaires plus élevés doivent contribuer au financement des prestations sociales sans attendre un retour sur investissement proportionnel à leur effort. Le système social devient ainsi dégressif.

Les cadres qui ont fait la fortune des Trente Glorieuses sont depuis plus de vingt ans mis à contribution pour éponger les dettes. Ils ont été victimes de la remise en cause de la politique familiale. Leur régime de retraite AGIRC a été fusionné avec celui de l’ARRCO. Le rendement du point AGIRC a fortement baissé depuis 1993. Le plafonnement des indemnisations chômage clôt provisoirement le cycle. Cette succession de mesures pourrait légitimer l’idée comme quoi Emmanuel Macron entend favoriser les Français à revenus modestes et ceux qui se situent parmi les 1 % les plus riches. Les cadres qui ont le défaut d’être mal représentés politiquement sont la chair à canon des politiques publiques depuis plusieurs décennies. Le pouvoir sait que le cadre gagnant 6000 ou 7000 euros ne fera pas pleurer dans les chaumières avec le plafonnement de ses indemnités chômage. Trop riches pour certains et pas assez pour échapper aux coups des politiques publiques, tel est le destin du cadre, une espèce qui doit faire face à la désindustrialisation, à la réduction des hiérarchies, à la digitalisation ; espèce néanmoins utile en termes de prélèvements obligatoires.

C’est la confirmation que les cadres doivent de plus en plus compter sur eux-mêmes. Les plus aventuriers seront tentés d’émigrer ou de franchir le pas en montant leur affaire.

Sur le principe, le plafonnement des cotisations retraites et la dégressivité des indemnisations chômage est-il injuste ? Et en pratique, les cadres seront-ils plus vulnérables après cette mesure ? On peut supposer qu'ils subissent moins le chômage que les autres catégories socio-professionnelles...

Le taux de chômage des cadres est faible, deux fois moins important que la moyenne. En contrepartie, il concourt plus que le reste de la population au financement du système d’indemnisation. Il peut apparaître injuste de les pénaliser. Ils ne sont pas en effet, les responsables de la dérive des comptes de Pôle Emploi. Il est certainement plus facile de réduire les droits des cadres que ceux des intermittents du spectacle.

Ces mesures enclenchent-elles un virage vers un système plus à l'anglo-saxonne où il y a, pour les cadres, un régime minimum de cotisations et d'indemnisations et une part d'épargne individuelle variable, conditionnée à la capitalisation individuelle et donc à un choix personnel ? 

Le virage d’un système d’assistanat a été pris depuis plusieurs années. L’Etat garantit un niveau minimum de revenus à charge après de se couvrir par ses propres moyens. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce nouveau système ne permet pas de réaliser d’économies. Bien au contraire, nous avons plus de dépenses sociales que nos voisins. Au nom de la justice sociale, les pouvoirs publics risquent d’opposer les uns contre les autres.

La nécessité pour les cadres de se couvrir par leurs propres moyens s’imposera dans les prochaines années. Cela pourra passer, en particulier dans les grandes entreprises, par des accords catégoriels. En matière de retraite, la souscription d’un Plan d’Epargne Retraite sera de plus en plus indispensable pour maintenir un niveau de vie à la retraite. En ce qui concerne le chômage, la question de souscription d’assurance privée pour ceux ayant des charges importantes (remboursement d’emprunts immobiliers, dépenses d’éducation pour les enfants) se posera avec plus d’acuité.

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