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Pourquoi l’OPA du centre par LaREM n’est pas un long fleuve tranquille
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Centrifuge

Alors que l'UDI et Agir se déchirent sur le soutien affiché ou non à la politique du gouvernement, ce dernier semble bien en peine d'achever ce qu'il avait pourtant si brillamment entamé : l'annexion pure et dure du centre à la galaxie LREM.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Le groupe UDI, Agir et indépendants est au bord de la scission. Alors que les neuf députés Agir s'apprêtent à voter la confiance à Edouard Philippe, les députés UDI veulent s'y opposer. Un affrontement sous fond d'offensive de LREM pour affermir son autorité sur les députés centristes, ainsi qu'à droite, dans les perspectives des municipales, semble effriter toutes les oppositions de droite. Comment se traduit cette tentative de LREM de rasseoir son autorité sur les parlementaires ? Peut-on parler aujourd'hui d'OPA sur le centre-droit ?

Maxime Tandonnet : Oui, on peut dire cela. Nous assistons à une tentative par la présidence Macron de créer une troisième force, une vaste force centrale, réunissant le centre-gauche et le centre droit, dominant la vie politique et renvoyant toute opposition aux extrêmes. Dans l’histoire politique française, ce schéma n’est pas nouveau. Une coalition de centre-gauche, les républicains conservateurs et de centre-droit, les Orléanistes, fut à l’origine, des lois constitutionnelles de 1875 (IIIe République). Dans les années 1920 et 1930, une grande formation centrale, le parti radical, réunit des hommes de centre-gauche et centre-droit, fait et défait les gouvernements en fonction de ses alliances à gauche avec la SFIO, ou à droite, avec l’Alliance démocratique. Le schéma ressemblant se retrouve au début de la IVe République avec la fameuse « troisième force » constituée par le MRP, la SFIO et l’UDSR, opposée au parti communiste à gauche et au RPF du général de Gaulle à droite. Nous assistons en ce moment à la destruction d’un paysage politique binaire, qui dominait depuis 1958, autour d’une confrontation droite-gauche, pour revenir à un système de troisième force. Ce mouvement de tectonique des plaques se traduit par de profondes crevasses qui déchirent les partis politiques, LR comme les centristes. 

Cette manœuvre politique est-elle au fond si autoritaire, comme le décriait par exemple Frédérique Dumas dans les colonnes de l'Opinion ? L'incapacité des partis d'oppositions à se structurer et à proposer un discours politique alternatif n'est-elle pas la cause première de ce problème ?

Autoritaire me semble exagéré. Nul n’est obligé de s’y soumettre. Mais tout ce phénomène se rattache à des évolutions profondes de la société et de la politique française. Il correspond à l’ère du vide, poussée à son paroxysme. Plus personne ne croit vraiment que la politique ou l’action gouvernementale puisse changer les choses. Dès lors, le débat de fond entre une majorité déterminée à appliquer un projet et une opposition à le combattre pour en proposer un autre, perd toute signification. La politique devient avant tout une affaire de spectacle et d’idolâtrie autour du personnage élyséen et se focalise sur son maintien le plus longtemps possible, sa réélection conditionnant la perpétuation d’une multitude de rentes de situation. La création de ce centre puissant, unissant centre-gauche et centre-droit, réduisant tout opposition à des extrémismes dont on pense qu’ils n’ont aucune chance de l’emporter, est l’instrument de ce dessein. Quant aux oppositions qui se fragmentent, le problème est encore plus grave que celui de se doter d’une l’organisation et d’un programme. Il tient à un état d’esprit, une mentalité. Elles aussi sont submergées par le néant. Le but central n’est plus pour elles de préparer l’avenir et un destin commun, mais de conserver les prébendes ou de se placer le mieux possible pour en tirer un maximum de bénéfice. En l’absence de conviction et sens de la dignité, la versatilité et la déloyauté deviennent des attitudes tout à fait banales : d’où les reniements auxquels nous assistons. 

Pour autant, l'OPA entamée par LaREM est-elle une partie facile ? Pour quelles raisons ?

Cette tentative d’OPA se situe dans la perspective des élections municipales. Il faut y voir un enjeu vital pour LREM. Le mouvement ne dispose pour le moment d’aucune assise locale. En 9 mois, il lui sera très difficile de bâtir cette implantation. Or, la réélection de  Macron en 2022, l’objectif ultime de ce parti, pourrait être fortement handicapée par l’absence d’ancrage local. D’où une tentative acharnée et désespérée pour débaucher des maires de droite et les récupérer dans la sphère macroniste. La tâche est pourtant compliquée : 72 ont signé une tribune de soutien au chef de l’Etat. Beaucoup avait d’ailleurs déjà fait connaître leur allégeance à LREM. 72 : en dehors du battage médiatique, qu’est-ce que cela pèse au regard des 36 000 maires ? L’exercice d’OPA est totalement déconnecté d’un projet de société. Il repose sur la séduction par l’image du président, la perspective de sa réélection. Or, sa popularité reste faible dans le pays : 29% de confiance malgré une omniprésence à l’occasion du Grand Débat. Aux élections européennes, le niveau d’adhésion à la liste LREM a plafonné à 22% des suffrages exprimés. 11% du corps électoral (compte tenu d’une abstention à 50%) ont exprimé un soutien à la liste du chef de l’Etat aux Européennes. Par-delà le matraquage médiatique qui présente M. Macron comme le vainqueur de l’élection le rejet dans l’opinion publique reste massif. La situation politique est extrêmement incertaine, imprévisible, volatile. Nul n’a la moindre idée de ce que sera demain. Dans ces conditions, un ralliement massif des élus en faveur de LREM demeure très hypothétique. 

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