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Le conflit Huawei peut-il mener les Etats-Unis vers la récession ?
©WANG ZHAO / AFP

Donald Trump

Pas encore mais pas si loin, si les marchés financiers américains ne font pas changer la politique de Donald Trump ils doivent le forcer, en effet, à faire (politiquement) machine arrière dans son bras de fer sur Huawei, l’entreprise chinoise qu’il menaçait de mettre en faillite.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Il ne faut pas aller trop loin avec la Chine, dans l’échelle des provocations.

Les derniers indices indicateurs financiers américains sont en effet inquiétants. Certes rien n’est direct ni explicite avec eux, mais quand même : le taux à 10 ans des bons du trésor américain passent à 2,32% vendredi 24 mai, au-dessous donc des taux courts à 2,38%.Certes, avec « cette courbe des taux qui s’inverse », on dira que c’est s’inquiéter pour bien peu. Mais, pour les marchés financiers, des taux longs plus bas que les taux courts, même un peu, c’est la marque d’une inquiétude qui se répand sur un futur qui serait plus gris que le présent. Certes on dira que le taux de chômage est au plus bas (3,6%), avec une inflation qui n’arrive pas à grimper au-delà de 2%. Tout devrait donc aller au mieux, avec ce plein emploi miraculeusement non inflationniste… mais. Mais cette inflation qui ne monte pas inquiète, et depuis longtemps : qu’est-ce qu’elle cache, qu’est-ce qui se passe en réalité, et pourquoi donc la Fed, malgré tous ses efforts, n’arrive-t-elle pas à obtenir plus d’inflation ? Et, en comparaison, la zone euro en obtient 1,7%, avec 7,7% de taux de chômage !

Et voilà que Donald Trump pousse le conflit chinois de plus en plus loin : qui va céder cette fois, par Huawei interposé ?Bien sûr, ce n’est pas nouveau. Cela fait des mois que Huawei est dans le collimateur des autorités américaines pour son négoce avec l’Iran (qu’elle nie, et ce qui a fait arrêter au Canada la fille du créateur de la firme, RenZhebgfei). Puis les autorités américaines l’attaquent pour vol de technologies et maintenant pour espionnage potentiel, par l’intermédiaire de la 5G. Avec la 5G, il s’agit d’une technologie décisive pour le traitement ultra rapide de masses d’informations, donc pour la révolution en cours : véhicules autonomes, Internet of Things, santé, commerce… Dans ce domaine, Huawei semble en avance sur les entreprises américaines, avec ses accords avec les États-Unis certes, mais aussi avec ses unités de production et ses ingénieurs, sans oublier l’avancée des pratiques chinoises de consommation et de paiement par portable.  L’enjeu est donc la maîtrise d’une technologie mondiale stratégique, avec la cohorte de normes et de brevets qui ira avec.

L’attaque directe de Huawei est un changement de pied dans les négociations américaines. Jusqu’à présent en effet, discussions douanières et tensions avec Huawei allaient séparément, certes avec des escalades des deux côtés. Mais voilà que les deux se rapprochent, avec la question des droits de propriété, puis des  risques d’espionnage contre Huawei, puis avec Google qui coupe Huawei des évolutions d’Androïd, puis avec l’interdiction de lui vendre des semi-conducteurs. Face à ce « harcèlement économique », selon les autorités chinoises, elles répondent en haussant le ton, puis les droits de douane et en parlant de « terres rares ». Ces « terres » donnent les métaux, tout aussi rares qui font tourner les ordinateurs et autres téléphones portables, et la Chine en est le producteur dominant. On comprend le message, et de nombreux pays (États-Unis, Canada, Australe, Chili) se mettent à recreuser et à recycler les métaux rares des vieux ordinateurs (Solvay à Lyon) !

Vient alors le retournement trumpien, un nouveau changement de pied : discussions douanières et Huawei se rejoindraient, jusqu’à se mêler, mais pour se résoudre mutuellement ! Dans une étonnante intervention, Donald Trump dit le 23 mai : « Huawei est en effet très dangereux, et son fonctionnement devra être revu dans le cadre de cet accord. Regardez ce qu’ils ont fait d’un point de vue de la sécurité, d’un point de vue militaire. Mais il est possible que Huawei soit inclus dans un accord commercial, inclus d’une manière ou d’une autre ».

Comprenne qui pourra, sauf si l’on se dit que Donald Trump veut calmer le front chinois tandis qu’il devient plus offensif sur le front iranien et que les marchés financiers lui disent que deux fronts c’est trop – d’autant que la situation américaine peut se fragiliser.C’est trop, quand l’investissementaméricain fléchit : les commandes de biens durables baissent de 2,1% en avril, notamment avec Boeing. Trop, quand les ventes de logement baissent de 6,9% en avril. Bref la croissance américaine est en train de ralentir, au moment où les marchés financiers s’inquiètent et envoient un signe de risque de récession.

Tout ceci est peut-être excessif, sauf que Donald Trump l’est et qu’il gouverne en regardant autant Fox news que le Dow Jones. Donc la crainte de récession, même lointaine, peut impliquer sa« volte-face » ou sa « subtile manœuvre »,comme on voudra, dans la tension douane-Huawei avec la Chine. Ce nesera pas le dernier choc, et la croissance mondiale commence à accuser le(s) coup(s). Avancer en sauvant chacun « sa » face, entre Chine et États-Unis, est-ce rêver ?D’autant que le Game of Thrones n’est pas fini !

JP Betbeze

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