Alliances contre-nature ?
Grandes manœuvres sur les coalitions à venir au Parlement européen : bienvenue dans l’ère de la bouillie politique
Plusieurs premiers ministres ou chefs de parti (le néerlandais Mark Rutte, l'allemand Udo Bullmann et le portugais Antonio Costa) ont affirmé leur accord avec les idées de la liste Renaissance et ont évoqué une possible "alliance des progressistes".
Atlantico : Que représente réellement cette alliance ?
Est-il envisageable que les députés d'Antonio Costa votent de concert avec ceux de Mark Rutte ?
En quoi utiliser le biais du progressisme comme élément de rassemblement des listes européennes est-il nécessaire pour renforcer l'ALDE qui est en train de se construire ?
Le progressisme (qui n’est pas uniquement un terme de gauche) est un bon qualificatif de l’idéologie de ce que j’appelle les élites mondialisatrices(1). Le progressisme est historiquement lié à l’idée de progrès et au productivisme. Chez les élites qui construisent et gèrent la mondialisation, ce productivisme maintenu s’est combiné à un discours environnemental dans l’adhésion au concept de développement durable. Celles-ci dépassent de loin l’ALDE et rassemblent dans un nouveau pôle partisan libéral-mondialisateur(2) la grande majorité des sociaux-démocrates, des verts, des libéraux et une bonne partie des chrétiens-démocrates et de la droite « de gouvernement » dans la mesure où celle-ci est ralliée au libéralisme culturel.
Le premier ministre portugais, Antonio Costa, a apporté son soutien à la fois à LREM et au PS. Les alliances au sein de la gauche ne fragilisent-elles pas la cohérence intellectuelle des partis progressistes ?
La droite pro-européenne (le Parti Populaire Européen) n'est-elle pas aussi concernée par ces alliances politiques hasardeuses ? Malgré ces unions politiques, y a-t-il encore une place pour le débat d'idées dans les élections européennes ?
Le PPE ne couvre pas toute la droite pro-européenne car les libéraux néerlandais (Mark Rutte) ou le Mouvement Réformateur du Premier ministre belge, par exemple, membres de l’ALDE, sont au moins aussi à droite que Madame Merkel. D’autre part le PPE est historiquement allié au PSE pour la gestion de l’UE, ce qui montre bien la convergence des droites et des gauches de gouvernement en Europe. Mais le PPE est de plus en plus divisé par une droitisation interne d’une partie de ses membres qui mine sa cohésion et l’isole de ses partenaires, comme l’a illustré le vote sur Orban. Lors de ces élections le débat d’idées ne me semble pas moins présent qu’avant, c’est sans doute même le contraire, mais il divise plus souvent les grands partis traditionnels qu’il ne les renforce.
Pierre Martin, Crises mondiales et systèmes partisans, Paris, SciencesPo Les Presses, 2018.
(1) Dans mon livre Crise mondiale et systèmes partisans, p. 176-179.
(2) Ibid, p. 255-269.
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