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Arnaud Danjean :  « L’"écolo-socialisme" imprègne toutes les pages du projet En Marche pour les Européennes »
©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Entretien politique

Sur Franceinfo le 17 mai, Laurent Wauquiez a déclaré que le "centre de gravité de la liste d'En Marche est à gauche". Pourtant, les électeurs de droite ne rejoignent pas massivement les Républicains en vue des Européennes.

Arnaud Danjean

Arnaud Danjean

Arnaud Danjean est député européen Les Républicains,membre de la Commission des Affaires étrangères et de la sous-commission Sécurité/Défense, et conseiller régional de Bourgogne. Il est ancien fonctionnaire de la DGSE.

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Atlantico : Sur Franceinfo le 17 mai, Laurent Wauquiez a déclaré que le "centre de gravité de la liste d'En Marche est à gauche", et qu'il fallait voir dans le partie macroniste une forme de réinvention de la "gauche plurielle". Pourtant, Emmanuel Macron séduit nombre d'électeurs de droite aujourd'hui, et a un ministre qui s'assume ouvertement comme de droite. Si sa liste est comme le dit Laurent Wauquiez orientée à gauche, comment se fait-il que l'électorat de droite ne vous revienne pas aujourd'hui ? 

Arnaud Danjean : D’abord je ne suis pas certain que le pouvoir de séduction de Macron sur les électeurs de droite soit si fort que cela aujourd’hui, comparé à ce qu’il a pu être au début du quinquennat. Mais il est vrai que certains électeurs de droite restent hésitants à se détacher de Macron et à nous rejoindre. J’y vois deux raison principales: d’une part, dans ces temps troublés, une forme de « légitimisme institutionnel », qui donne une prime au président et au gouvernement, sans trop regarder le contenu. D’autre part le piège politico-médiatique du duel Macron/Le Pen, qui continue de fonctionner et qui amène certains électeurs de droite modérée à penser qu’un échec de Macron ne profiterait mécaniquement qu’à l’extrême-droite.

Ce clivage à la fois artificiel, exagéré et mortifère doit être dénoncé et le devoir de la droite républicaine est de desserrer cet étau dans lequel Macron enferme délibérément le débat démocratique.

Et, en effet, il faut amener les électeurs de droite a bien regarder la liste et le programme « en marche » pour ces européennes. « L’ecolo-socialisme » imprègne toutes les pages de ce projet! Ce n’est pas un hasard si toute la vieille gauche, de Guigou a Hue en passant par Royal s’y retrouve! 

Edouard Philippe s'en est récemment pris à LR, notamment François-Xavier Bellamy en vous désignant comme la "droite Trocadéro". Comme Edouard Philippe, vous avez soutenu Alain Juppé en 2016, mais contrairement à lui vous avez choisi de rester au sein de LR tout en assumant votre sensibilité dans l'équilibre du parti. Quelle est la formule gagnante pour votre parti aujourd'hui ? Comment analysez-vous la regain d'adhésion aux idées portées par LR depuis le début de cette campagne ?

Il faut être lucide: la sortie de la primaire et les échecs nationaux de 2017 ont été des traumatismes profonds pour une droite rongé par les querelles de chapelles et handicapée par des tiraillements programmatiques.

Le renouveau auquel nous assistons aujourd’hui tient essentiellement au renouvellement proposé, autour de la candidature de François-Xavier Bellamy. Et au fait qu’à travers lui, et plus modestement à travers toute la liste proposée par LR, nous ne regardons plus vers le passé et nous ne sommons plus notre électorat de se ranger dans des écuries au profit de telle ou telle ambition personnelle. Nous offrons une possibilité de rassemblement qui n’existait plus depuis longtemps. Et nous montrons aussi que face aux nouveaux défis qui se posent, il est possible d’offrir des réponses « de droite » qui transcendent les catégories habituelles de la droite dite modérée et d’une droite plus conservatrice. Nous n’avions pas eu cette approche depuis longtemps. 

Vendredi, Emmanuel Macron s'est exprimé à Biarritz sur les Gilets jaunes, faisant le constat de l'absence de débouchés politiques pour le mouvement. Partagez-vous cette analyse politique ? Et s'agit-il selon vous d'une provocation de la part du Président ?

Le Président et son gouvernement n’ont en fait jamais véritablement pris la mesure de ce mouvement social inédit. Et si, personnellement, je regrette un certain «jusqu’au boutisme » qui, aujourd’hui, mine la représentativité de ce mouvement, je continue de penser que le mépris avec lequel le pouvoir a répondu à des revendications (fiscales notamment) de base n’est pas pour rien dans l’impasse d’aujourd’hui. À cet égard la conférence de presse du Président clôturant des mois de « grand débat » était ahurissante. Il semblait découvrir la réalité des problèmes quotidiens des Français, des problèmes auquel n’importe quel élu fait face en tenant une permanence. Cette déconnexion est la principale explication de la persistance du malaise. 

La campagne LREM a choisi de limiter le débat à un duel LREM/RN, ou autrement dit à pousser au vote utile LREM pour éviter RN. De nombreux électeurs de droite, nous l'avons dit, choisissent dès lors de voter LREM aujourd'hui, malgré la nouveauté apportée par votre tête de liste, François-Xavier Bellamy. Que leur diriez-vous pour les convaincre que votre action au Parlement européen comptera plus pour s'opposer au RN que celle de LREM ?

Deux choses très simples: 

1/ s’enfermer dans ce duel, c’est en favoriser le prolongement jusqu’à l’absurde, c’est renoncer à un vote de conviction, c’est se condamner en permanence à un vote par défaut. Avec, in fine, l’installation de l’extrême-droite comme seule alternative. Suicidaire !

2/ il faut considérer objectivement les listes et les programmes en présence: la liste « en marche » est une liste qui recycle essentiellement des écologistes et des socialistes, dont aucun n’a véritablement abdiqué ses convictions profondes mais qui profite juste d’un marketing électoral soi-disant novateur. Mais une vingtaine de députés européens « en marche », qui plus est incohérents entre eux (sur des sujets aussi essentiels que l’agriculture, la sécurité, La Défense...), ne seront le centre de gravité qu’ils prétendent devenir au Parlement Européen. Où ils veulent d’ailleurs former des majorités avec les forces de gauche...

Le Parlement européen a un impact important sur la vie de tous les citoyens d'Europe mais n'a que peu d'impact sur la transformation structurelle de l'Union, ces changements s'opérant surtout au niveau intergouvernemental. Dès lors, sur quels sujets concernant les Français comptez-vous vous engager lors de votre prochain mandat ? Quels sont les enjeux principaux pour notre pays sur lesquels vous penser batailler pendant les 5 prochaines années ?

S’il faut, en effet, être conscient que le Parlement Européen ne peut pas tout, tout seul, il faut aussi comprendre que son rôle est important et s’affirme y compris sur des sujets jusqu’alors « secondaires » au niveau européen. Je l’ai bien mesuré sur tout ce qui touche à la sécurité, à l’anti-terrorisme ou à La Défense. Il y a 10 ans, lors de mon premier mandat, nous n’en parlions presque pas. Aujourd’hui nous devons voter des dispositifs concrets, budgétaires, matériels, législatifs, pour offrir de meilleures protections. Il y a également toujours des prérogatives fortes en matière agricole, en matière commerciale, en matière industrielle. Et les lignes commencent à bouger car beaucoup de collègues comprennent que le contexte international évolue. Les guerres commerciales, les troubles géopolitiques, les révolutions technologiques imposent un profond changement des règles européennes, établies pour la plupart il y a 20 ou 30 ans dans un contexte totalement différent.

Angela Merkel et Emmanuel Macron ont montré un certain nombre de divergences entre les intérêts de l'Allemagne et ceux de la France ces derniers jours. Quel est le degré de confrontation qui vous semble aujourd'hui souhaitable avec certains de nos partenaires, dont l'Allemagne, pour faire avancer les intérêts de notre pays aujourd'hui ?

J’ai coutume de dire que le volontarisme politique pour trouver des compromis avec les Alkemands est d’autant plus nécessaire que les accords ne vont pas de soi! Il ne s’agit donc pas de promouvoir benoîtement et avec des incantations un « couple » franco-allemand qui doit, lui aussi, se renouveler et parfois admettre lucidement des différences d’approche. Un de nos principaux handicaps tient à la faiblesse de nos résultats économiques. Car il est illusoire de penser que nous pourrons peser sur la définition de nouvelles lignes européennes si nous ne sommes pas nous-mêmes en position de force. D’où le lien indissociable que nous faisons entre la refondation de l’Europe et le rétablissement de la France. Or de ce point de vue, l’attitude du président français en Europe est à la fois incantatoire et arrogante, car elle ne repose sur aucun résultat. Et il privilégie la stigmatisation au dialogue. 

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