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Quelles mesures pour combattre les défaillances de notre démographie dont s’inquiète François Bayrou ?
©LOIC VENANCE / AFP

Alertez les bébés

François Bayrou, dans un entretien au Figaro, a regretté que face au déficit démographique français," les décisions politiques ne sont pas prises".

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : François Bayrou dans un entretien au Figaro a regretté que face au déficit démographique français," les décisions politiques ne sont pas prises sur ce sujet". Quelle est la situation démographique en France aujourd'hui ? Est-elle si préoccupante ?

Laurent Chalard : Comme la totalité des autres pays d’Europe, la France se caractérise par une fécondité inférieure au seuil de remplacement des générations (2,1 enfants par femme), en l’occurrence autour de 1,85 enfant par femme en 2018. Cette situation n’est pas nouvelle puisqu’elle est continue depuis 1974. Il s’en suit que chaque année les générations de nouveaux nés sont moins nombreuses que celle de leurs parents, seule l’immigration internationale permettant de combler partiellement le déficit. Cependant, la remontée de la fécondité hexagonale au cours des années 2000, avec un pic supérieur à 2 enfants par femme en 2010, avait laissé accroire que le problème démographique était désormais derrière nous. Or, depuis 2010, la fécondité française est repartie sensiblement à la baisse, conduisant à une forte diminution du nombre de naissances, dans un contexte de moindre nombre de femmes en âge de procréer, et à une réduction encore plus accentuée de l’excédent naturel, les décès augmentant en parallèle. Le taux d’accroissement de la population de la France s’est donc fortement ralenti, tendant vers le zéro. C’est cette évolution récente qui inquiète les politiques, dont François Bayrou.

Si par rapport aux pays voisins, qui connaissent des déficits naturels importants du fait d’une fécondité sensiblement plus basse que la nôtre (autour de 1,5 enfant par femme, voire moins), la situation de la France apparaît beaucoup moins préoccupante, il n’en demeure pas moins que si la tendance venait à perdurer, cela pourrait devenir le cas, d’autant que cette situation risque de contraindre de nouveau nos dirigeants à un recours à l’immigration internationale pour combler le déficit de naissances. Or, dans le contexte actuel de montée du populisme et d’insécurité culturelle, cette solution ne fait guère l’unanimité auprès de nos concitoyens.

Quels facteurs permettent aujourd'hui d'expliquer ce phénomène ?

Il est très difficile d’expliquer les évolutions de la fécondité dans les pays développés ayant achevé leur transition démographique. Il n’existe pas d’accord chez les spécialistes car la fécondité est le produit de la somme des choix individuels de l’ensemble des couples d’un pays à avoir un enfant une année donnée, chose complexe à modéliser ! Si les chercheurs considèrent que les variations conjoncturelles peuvent être liées à la situation économique de l’année ou à des évolutions législatives, en particulier au niveau de la politique familiale, concernant les variations structurelles, elles relèvent beaucoup plus de l’évolution des mentalités, sans qu’il soit possible de déterminer exactement qu’est ce qui joue. Par exemple, concernant la baisse de la fécondité constatée en France depuis 2010, si elle touche l’ensemble de la population, elle est cependant plus marquée chez les jeunes femmes des catégories populaires, qui retardent leur première maternité, ce qui pourrait indiquer un changement de perception du cycle de vie dans cette population. Ces jeunes femmes semblent moins enclines qu’auparavant à avoir des grossesses précoces, ayant tendance à s’aligner sur les femmes des catégories plus aisées à la première maternité beaucoup plus tardive. Or, qui dit retard dans la première conception, dit mécaniquement recul de la fécondité. Parmi les hypothèses qui peuvent être avancées, une serait intéressante à étudier : l’impact des réseaux sociaux. En effet, ces derniers ont conduit à un considérable élargissement du « cercle » des connaissances des jeunes femmes, avec une identification plus forte que par le passé des jeunes femmes issues des milieux populaires à celles d’autres milieux sociaux à la première grossesse plus tardive. En gros, les réseaux sociaux favorisant le mimétisme des comportements, il est fort probable qu’ils conduisent à une relative harmonisation du calendrier de la fécondité dans les différentes strates de la société.

Quelles mesures sont alors à prendre pour endiguer ce déclin démographique ? Quels sont les défis à relever ?

Si certaines mesures peuvent s’avérer indispensables à court terme pour stimuler la natalité française, comme des aides financières plus conséquentes pour les jeunes parents, en particulier dans les territoires connaissant un déclin démographique poussé, là où le manque de jeunes se fait sentir, ce qui pourrait passer par une prime de natalité territorialisée, il n’en demeure pas moins que ces mesures ne peuvent répondre totalement au principal problème, qui est d’ordre psychologique. En effet, dans les pays développés, quelle que soit la culture dominante (la Corée du Sud a les mêmes problèmes que l’Europe !), l’enfant est aujourd’hui perçu comme un coût financier, donc le choix de procréer relève plus d’une décision d’ordre économique que d’une envie d’avoir une progéniture pour la joie et le sens à la vie qu’elle apporte. Il s’en suit que dans un contexte de relative richesse de la majorité de la population, entendu comme la possibilité de satisfaire tous ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir, se loger), et d’hyper-individualisme, l’enfant est de plus en plus perçu comme une charge et non comme une chance ou un accomplissement personnel. Donc, si l’on souhaite faire remonter la fécondité au niveau du seuil de remplacement des générations, voire au-dessus, une politique de plus fortes aides financières, si elle n’est pas à écarter, ne sera pas suffisante, comme on l’a vu en Russie, où malgré les sommes conséquentes allouées aux ménages pour avoir des enfants, la fécondité demeure sensiblement sous le seuil de remplacement des générations (1,62 enfant par femme en 2017). Il faut donc tenter de faire changer les mentalités au travers d’un regard totalement différent sur la procréation, mais ce n’est pas gagné d’avance. Peut-être que les sociétés développées, hier (l’empire romain) comme aujourd’hui, sont condamnées à disparaître par dénatalité !

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