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PMA : faut-il vraiment assumer toutes les évolutions de la société comme le prône Edouard Philippe ?
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Acceptation ?

Edouard Philippe a indiqué sur France info jeudi matin travailler « activement sur la rédaction d'un projet de loi » d'extension de la PMA.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : Concernant la PMA, le Premier ministre a avancé « évoluer » comme « la société française évolue sur ces sujets »  en prenant l'exemple du mariage pour tous, qu'il considère comme désormais accepté. Cette argumentation du « progrès pour le progrès » est-elle symptomatique de notre époque ?

Bertrand Vergely : Le recours au terme « progrès » pour justifier la PMA est effectivement symptomatique. Pour le comprendre, faisons un petit retour en arrière à la fois historique et idéologique.  
     1998, Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux,  explique à la tribune de l’Assemblée Nationale, qu’elle tient à faire voter le PACS pour éviter le mariage homosexuel avec adoption, le mariage étant, pour elle, fondé sur la différence des sexes, seule capable d’assurer la transmission entre générations en faisant vivre l’enfant comme promesse. 
     2012. François Hollande qui se présente aux élections présidentielles a, parmi ses projets, celui de faire légaliser le mariage homosexuel avec adoption. Changement radical de la part d’Elisabeth Guigou. Se ralliant à François Hollande, celle-ci déclare être désormais pour le mariage homosexuel avec adoption.  Pour justifier ce volte-face pour le moins étonnant, celle-ci déclare avoir « évolué ». Elle n’est pas la seule.  
     2013. Interrogé sur le mariage pour tous, Claude Bartollone, préseident de l’Assemblée Nationale,  déclare être pour,  parce que, dit-il « C’est l’évolution ». 
     16 Mai 2019, 8.h. 50, interrogé sur France Info, Edouard Philippe Premier Ministre, déclare s’apprêter à faire voter la PMA avant l’été. Il y a cinq ans, il était contre. Comme Elisabeth Guigou, il déclare avoir évolué sur ce sujet.  Quand il s’agit d’expliquer pourquoi, comme Claude Bartollone, il répond qu’il s’agit là de « l’évolution ». 
     Quand il est question du mariage pour tous comme de la PMA dès qu’il s’agit d’expliquer pourquoi is sont pour ou    pourquoi ils sont passés de la position contre à la position pour, tous les partisans du mariage comme de la PMA n’ont qu’un mot à la bouche « l’évolution ». Ce n’est pas un hasard. Ce mot, qui est un mot-valise  dans lequel on peut tout mettre, permet de faire taire toute critique. Explication.  
     À la base, que signifie l’évolution ? La transformation du vivant selon la loi sans pitié de la sélection naturelle  dans laquelle seul le plus fort survit. Quand aujourd’hui on utilise ce terme, qu’entend-t-on par là ? Exactement le contraire, évoluer signifiant être ouvert, dynamique, créatif, innovant. Résultat : quand on veut masquer une relation de violence, le terme d’évolution est idéal. Derrière un côté ouvert, dynamique, créatif et innovant, il permet de faire avaler la pilule.  
     Prenons le mariage pour tous comme la PMA. En apparence, quoi de plus ouvert ? Rien. Sous l’angle de la tolérance et de l’amour, rien à redire. Il n’y a pas plus ouvert ni plus tolérant. Comment refuser à deux êtres qui s’aiment de se marier ? Ils sont de même sexe ? Et alors ? Du moment qu’il y a de l’amour, c’est cela seul qui compte. De même, avec les enfants. Deux femmes veulent avoir un enfant ? Et alors ? Où est le mal ? C’est beau de vouloir un enfant. Au moins, on est sûr qu’il va être désiré. L’enfant n’aura pas de père ? Et alors ? Sil il y a de l’amour ? D’ailleurs,  un père, est-ce si important que cela ? Du moment qu’il y a de l’amour, c’est cela seul qui compte. Bon, c’est vrai. C’est nouveau. Par rapport à la famille traditionnelle avec papa-maman-enfant, ça change. Et alors ? C’est bien de changer dans la vie. Il faut changer. Ça fait évoluer. C’est bien d’évoluer. Il faut évoluer. Aujourd’hui évoluer vous tiraille ? Demain ; vous verrez, quand vous vous serez adapté, ça passera très bien et vous regretterez d’avoir hésité d’évoluer. 
     Allons maintenant en profondeur. La PMA, est-ce simplement de l’amour ? Non. C’est de la violence et du mépris, une grande violence et un grand mépris,  en abolissant la Nature, le couple homme-femme, l’homme et le père. 
     Naturellement, deux femmes ne peuvent pas avoir un enfant. La sagesse voudrait que l’on respecte cette loi naturelle et qu’on accepte qu’il y ait des limites dans l’existence. Avec la PMA, le message qui est lancé est le suivant : « Non. La Nature, les limites de la Nature, la loi naturelle, on ne veut pas en entendre parler. On  veut que la Nature se plie à nous et non que l’on se plie à elle ». Première violence. Premier mépris. Violence contre la Nature. Mépris contre celle-ci. 
     Un enfant, cela se fait par un homme et une femme. Que deux femmes se mettent à faire un enfant ? C’est le couple homme-femme qui disparaît.  Qu’on ne dise pas que c’est un progrès. Les données de la procréation étant remises en cause, le noyau même de la vie étant attaqué à sa racine, c’est une rupture    dans l’humanité telle qu’il n’y en a jamais eue. Seconde violence. Violence contre le couple homme-femme. Mépris contre le couple homme-femme. 
     Quand deux femmes décident d’avoir un enfant en utilisant le sperme d’un homme, ne pensons pas que c’est neutre, ni anodin. Derrière ce geste, le message qui est lancé à l’homme est le suivant : « Vous, les hommes, on ne vous veut pas. Seul votre sperme nous intéresse ». En termes clairs, cela s’appelle une gifle. Quand la question de la GPA va être soulevée, la gifle sera donnée en sens inverse « Vous les femmes, vous ne nous intéressez pas. Seul votre utérus nous intéresse ». On cherche à réconcilier les sexes et à mettre fin au conflit homme-femme. Constatons le, la PMA va institutionnaliser ce conflit. L’hostilité et la séparation entre les sexes ne va pas être supprimée. Elle va être banalisée, normalisée et légalisée. Troisième violence. Violence contre l’homme. Mépris de l’homme. 
     Enfin, quand deux femmes vont avoir conçu un enfant et quelles vont l’élever, n’en doutons, ces deux femmes auront certainement beaucoup d’amour pour l’enfant. Il n’empêche ! Avec tout l’amour du monde, l’enfant issu du sperme d’un inconnu aura une filiation sans visage et sans nom. L’éthique reposant sur cette transcendance charnelle qu’est le visage et le visage étant ce qui murmure à l’homme « Tu ne tueras pas », le fondement de l’éthique va être remis en cause. Pas de visage du père ? Cela va être dur à porter. Mais, derrière cela, une gifle adressée à tous les pères avec comme message : « On n’a pas besoin de vous. On peut très bien faire sans vous ». Cela va également être dur à porter. Quand il n’y a plus de père, les enfants se déchaînent. Cherchant  le père absent dans la violence, ils vérifient ce que Guy Corbeau a constaté « Père manquant, fils manqué ». Quatrième violence. Violence contre le père. Mépris du père. 
     Il nous est dit qu’aujourd’hui la société française est pour le mariage pour tous ainsi que pour la PMA parce qu’elle a évolué. Forcément, quand le mariage pour tous et la PMA sont présentés au nom de la tolérance et de l’acceptation de l’autre, comment être contre ? Si, toutefois, on demandait aux Français « Êtes vous pour la disparition du couple homme-femme comme fondement de la vie ainsi que pour la disparition du père ? », les Français seraient-ils pour ?  
     Ils seraient contre. Les politiques le savent. Mais, intimidés par les medias, anxieux à l’idée de passer pour réac, rétrograde, et « de droite », injure suprême en France, ils n’osent pas aller contre.  D’où le recours au terme d’ « évolution » afin de noyer la violence de la PMA derrière un vernis de progressisme ouvert et innovant en phase avec le monde d’aujourd’hui.  

Quelles dérives peuvent être amenées par cette doctrine du progressisme forcené ?

Bertrand Vergely. Il y a deux façons de progresser. La première, simple, facile, courante, consiste à opposer le nouveau à l’ancien et plus précisément à être tout simplement contre ce qui est ou ce qui a été en appelant cela nouveauté. La seconde consiste à tout ennoblir, que ce soit le présent, l’avenir comme le passé. 
     Il arrive parfois que le progrès ennoblisse tout. C’est le cas de tout vrai progrès. C’est le cas des grottes de Lascaux et de leur préservation, dont Pierre Georgini parle admirablement dans son ouvrage Le crépuscule des lieux. Miracle du monde moderne venant au secours du monde ancien afin de le préserver. Miracle de collaboration des intelligences avec tous les aspects de la réalité. 
     La seconde façon de progresser est celle que l’on trouve dans la brutalité postmoderne. Parce qu’une chose est ancienne, même si elle est bonne, elle ne mérite pas de vivre. Mieux vaut du moderne nul que de l’ancien de qualité.
      Depuis le XVIIème siècle, la culture vit dominée par le mythe de la table rase, mythe qui culmine avec le mythe révolutionnaire de l’an 01 de l’humanité institué en 1792 par la Convention avec comme conséquence immédiate le Terreur.  Mythe révélateur. 
     On pense que le progrès veut améliorer. Pas forcément. S’il existe un progrès qui veut améliorer et ennoblir, il existe un progrès qui n’a qu’un souci : s’approprier l’origine afin d’apparaître comme l’origine de l’humanité. D’où la violence du progrès et le fat que celui-ci conduise à de terribles régressions. 

Le gouvernement tance régulièrement l'argumentaire populiste, mais ne sommes-nous pas parfois confronté à l'inverse, à savoir un populisme sociétal ?

Bertrand Vergely. « Le populisme sociétal ». La formule est étonnante. Elle est toutefois juste. Il importe de comprendre pourquoi. 
     Dans le monde qui est le nôtre et qui est celui de la société du spectacle, l’important étant de plaire, il y a deux façons de plaire. La première est de plaire au peuple. En attisant les passions revanchardes on y parvient aisément. Expliquez que l’on se fait avoir parce que l’on est manipulé par les puissants de ce monde. On est sur d’attirer la foule et de plaire. La seconde façon de plaire est plus sophistiquée. Elle consiste à plaire aux medias, aux politiques et aux puissants. En attisant la tolérance, la bienveillance, l’ouverture l’innovation, le progrès, l’évolution, on est sûr d’y parvenir. Si bien qu’entre  le populisme et le sociétal, il y a une tension contradictoire. Alors que le populisme est vengeur, le sociétal est tolérant. Si le populisme incarne la foule contre les élites, le sociétal incarne les élites contre la foule. 
     Tout oppose le populisme et le sociétal. Normalement, on ne devrait pas entendre parler de « populisme sociétal ». Or, il en est question. Cela s’explique.
     Le militantisme politique d’extrême gauche et les medias sont en quête de pouvoir pour l’un, d’audience pour l’autre. Pour y parvenir, il y a un moyen sûr : devenir la bannière de toutes les minorités. Et rassembler celles-ci en un grand mouvement de la tolérance contre l’intolérance et les discriminations. Les minorités militantes nourrissent un fort ressentiment contre la société qui ne les reconnait pas et ne les aime pas assez. En attisant ce ressentiment derrière la défense de la tolérance, on est sûr de les regrouper et de les transformer en un levier politique et médiatique afin d’avoir du pouvoir et de l’audience. 
     Il faut le dire, cela marche. Quotidiennement, sur les radios nationales, il est question du mouvement anti-discrimination. Quasiment chaque semaine, des journées mondiales au nom de la tolérance et de la bienveillance sont organisées. D’où l’apparition, entre le populisme plein de ressentiment et le sociétal plein de bienveillance et de tolérance, d’un mouvement tolérant agressif, plein de haine larvée et de ressentiment. Quand on a du courage politique et intellectuel, on ne se laisse pas intimider par ce populisme sociétal mondialisé. Quand in ne veut pas se mettre à dos ce mouvement, on dit en substance : « Donnons leur ce qu’ils réclament et qu’on ait la paix ». Et, pour cela, on déclare aux médias qu’on est pour le progrès, qu’il faut évoluer et qu’on a évolué. 

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