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Délocaliser des services de l’Etat en province : un potentiel d’économies réduit au regard du parc immobilier de l’Etat
©JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Patrimoine public

Afin de réaliser des économies sur les dépenses immobilières de l'État, Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, a proposé de délocaliser 3 000 agents des finances publiques de Bercy en province, notamment dans la Creuse.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

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Atlantico : Quelle est la situation du patrimoine immobilier de l'Etat aujourd'hui ? Comment est-il géré ? 

Henry Buzy-Cazaux : Les Français sont plus riches qu’ils le croient: l’État et ses opérateurs -c’est-à-dire les entreprises et les agences publiques- détiennent environ 120 milliards d’actifs. C’est en quelque sorte le patrimoine collectif des ménages. Depuis 2006, à l’initiative du Président Chirac, mais aussi de Pierre Méhaignerie, alors président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, une politique immobilière à part entière d’optimisation du parc utilisé par l’État ou ses bras armés a été décidée et votée par le parlement. Elle a été plusieurs fois actualisée depuis. Des outils de cette politique sont à la disposition de l’État, tels qu’une direction de l’immobilier de l’État (DIE), créée en 2016, ou encore le Conseil de l’immobilier de l’État, présidé par un député, aujourd’hui Jean-Paul Mattéi, notaire de profession et fin spécialiste de la gestion patrimoniale.

À quelles conditions et dans quelles proportions Bercy peut-il réaliser des économies sur l'immobilier grâce à la délocalisation de fonctionnaires en province ?

La politique immobilière du pays comporte notamment l’objectif de cession de 500 millions d’actifs par an, pour partie affectée à la réduction du déficit du pays, pour partie réaffectée aux besoins immobiliers des ministères. Il est clair que les actifs de plus grande valeur sont dans la capitale, qui a historiquement accueilli non seulement les cabinets ministériels, mais surtout les administrations correspondantes, ce qu’on appelle les « services de l’État » et leurs agents. Au demeurant, l’État n’est pas propriétaire de tous les bureaux qu’il utilise et il est locataire de nombre d’entre eux: le résultat est le même et mettre fin à un bail onéreux peut conduire à une économie substantielle. On peut ainsi penser qu’une saine gestion passe par le choix de localisations moins coûteuses ailleurs en France: les entreprises privées ont adopté cette logique depuis vingt ans et exportent leurs équipes de back office dans des villes moyennes, ou en tout cas en périphérie de Paris. Avec un coût au mètre carré qui va être entre 5 et 10 fois moindre, on mesure l’économie. Un autre effet consiste à ranimer des territoires délaissés et leur apportant ainsi des habitants, qui s’établissent là et consomment, et à alléger la demande de logements à Paris et alentour, ce qui est salutaire pour calmer les prix du marché. C’est une authentique décision d’amenagement du territoire.  

Quelles sont les limites de cette stratégie de délocalisation ?

Le ministre des comptes publics commence légitimement par ses services, en évoquant 3000 fonctionnaires de Bercy. Il faut néanmoins mesurer si le fonctionnement des services publics concernés n’y perdra pas en efficacité, notamment au titre de la synergie avec d’autres services. Tout ne se fait pas à distance aussi aisément qu’on le croit. Cette décision emporte également des conséquences de gestion des ressources humaines: les fonctionnaires sont sujets à mutation, mais dans le respect des souhaits et des vies personnelles. Il est peu probable que 3000 femmes et hommes aient la souplesse de déménager dans une lointaine province. L’État pourrait enregistrer des démissions, sachant que les fonctionnaires de Bercy peuvent plus que les autres aller vers le privé, et le ministère pourrait se retrouver en situation de devoir recruter massivement des personnels mobiles. Il est probable que dans ce domaine comme dans les autres le gouvernement amorce le sujet par des propositions hétérodoxes pour faire réagir et ses agents et l’opinion! Ira-t-il au bout de cette idée, incontestablement vertueuse en théorie et en pure stratégie immobilière ? 

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