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Les dix bonnes raisons d’arrêter de fustiger l‘Europe au lieu de vouloir la quitter
©Reuters

Atlantico-Business

La quasi totalité des chefs de partis politiques passent leur temps à critiquer et condamner l’Union européenne. Ils restent muets sur les bienfaits de l’Europe, ou alors ils sont incompétents ou irresponsables.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La campagne pour les européennes démarre dans un concert de contradictions et de condamnations de ce qui existe et de ce qui a été construit. En France, plus de 30 listes vont se battre les flancs et surenchérir dans la critique. C’est assez surréaliste et injurieux à l’égard de l’histoire européenne. A moins que, dans le climat délétère transpercé partout par les flèches que lancent les réseaux sociaux, les mauvaises nouvelles se vendent mieux que les bonnes. Et l’illusion du futur a plus de valeur que les bonnes actions du passé.

Donald Tusk, le président actuel de l’Union européenne depuis un an, est complètement muet. Ce Polonais, ancien Premier ministre remarquable, compétent et libéral, est devenu complètement absent de la scène européenne. Alors ses pairs l’auraient-il sommé de se taire ? Les systèmes médiatiques l’auraient-il oublié ? Est–il malade, démissionnaire ? Ses attitudes auraient de quoi d’interroger. C’est assez incroyable

Parce que l’Europe a quelques bobos pour marcher, qui n‘en aurait pas, à 70 ans ? Mais il faudrait reconnaître et expliquer les avantages que l’Europe à apportés aux populations de ce continent, ou alors se précipiter chez le psy, pour qu’il diagnostique le pourquoi d’un masochisme tel qu’il nous ferait rester dans une usine à gaz politique dans laquelle on serait si mal.

En fait, il n’y a pas de mystère, l’Europe est née pour de bonnes raisons et elle continue d’exister parce qu’elle nous a apporté d‘incroyables bienfaits que nous ne voulons pas voir, alors que nous en profitons.

Alors l‘Europe a besoin de restaurations, de stimulations, d’adaptations et c’est sur cette ligne éditoriale fondée sur les bénéfices que l’on attend les politiques. Pour l’instant, l‘Europe sert de champ de bataille où les responsables mesurent leur virilité et rien d’autre. Le résultat, c’est que la campagne est éclatée dans la forme, minable dans le fond et finalement désespérante dans la mesure où elle fait le jeu du reste du monde qui n’aspire qu’à une chose, détruire ou déstabiliser cette construction européenne qui les gène et remet en cause leur conviction de monarque. Les Trump, les Poutine, les Orban, les Salvini, les Brexiters vivent et font leur marché sur les désordres en Europe.

La construction européenne a, depuis 70 ans, généré des bénéfices considérables, tangibles dont les foules européennes ont bien conscience, sinon, elles auraient fui très vite et ne s’agripperaient pas à quelques fondamentaux. Faut-il que l'Union européenne ait de vrais avantages pour que les pays voisins fassent antichambre, aussi nombreux et pressés pour être invités à la table de Bruxelles ?

Les avantages sont évidents, discutables certes, mais incontournables. Le Top 10 des bienfaits ne fait pas débat.

1 La paix. La paix depuis 1945... C’est tellement évident que les nouvelles générations sont complètement indifférentes au fait que le continent européen n‘a pas connu de guerre depuis 72 ans. La guerre appartient à l’histoire ancienne. C’est la paix la plus longue, depuis plus de 2 000 ans d’histoire. Jean Monnet, qui passe pour être le père de l’Europe, avait imaginé qu‘en créant des solidarités économiques entre les Européens, on réussirait à en entremêler les destins. Comme l’explique Guy Sorman, « cet objectif commercial a même permis de résoudre la question allemande dont la puissance a menacé la paix et l’ordre pendant deux siècles ».

2. L’euro. C’est très bizarre mais, dans l’ensemble des griefs qui tombent sur l’Union européenne, la monnaie unique est épargnée par la majorité des peuples de l’Union européenne. Ceux qui l’utilisent considèrent l‘euro et sa stabilité comme une assurance vie contre les risques politiques, et ceux qui ne sont pas dans l'Eurozone rêvent d’y rentrer. L’euro, avec tous ses défauts, est devenue la deuxième monnaie du monde, avec 1500 milliards d’euros détenus dans les banques. Avantage annexe, le fonctionnement de l’euro a contribué à supprimer les risques d’inflation et éliminer la tentation et les facilités de la dévaluation monétaire. Notre mémoire est courte, mais les dévaluations italiennes ont fait plus de mal aux systèmes de production textile français que les délocalisations mondiales.

Aucun gouvernement national ne peut plus détruire l’épargne d’un de ses voisins ou anéantir son pouvoir d’achat. La monnaie ne peut plus être manipulée, d‘où son caractère de garantie qui font que les peuples y sont finalement très attachés.

Avantage annexe, des taux d’intérêt extrêmement bas qui asphyxient l’épargne non productive certes et les épargnants, mais qui facilitent l’investissement.

3. La croissance, partout en Europe, a permis le recul de la misère.  L’indicateur est très contesté, mais il faut reconnaître que le PIB par habitant a doublé en 20 ans, en moyenne européenne. Que dans certains pays (l’Espagne ou le Portugal par exemple), il a été multiplié par 10. Le commerce intra européen a été un formidable moteur d’activité, et la zone européenne a été  l’acteur majeur des échanges internationaux avec plus du 1/3 des exportations mondiales, soit 2,5 fois les exportations chinoises et 3 fois les exportations des Etats-Unis. Au passage, ces chiffres expliquent en partie la mauvaise humeur de Donald Trump et de Xi Jinping à l’encontre de l’Union européenne. La vérité des chiffres oblige aussi à dire que la moitié du commerce extérieur de l‘UE est dans la main des industriels allemands, ce qui explique la mauvaise humeur des autres partenaires européens.

En dépit des inégalités entre partenaires européens, la misère a reculé partout. La libre circulation des hommes et des produits a permis les avantages comparés d’une région à l’autre et encouragé les spécialisations internationales. D’où l’enrichissement réciproque. Un seul exemple, le tourisme français ou espagnol ne vivrait pas sans l’afflux des clientèles de l’Europe du nord.

4. La liberté et la démocratie. Là aussi, c’est tellement évident que beaucoup ont oublié que la construction européenne a permis de conforter ces valeurs. Depuis 1986, l’Union européenne a fait tomber les frontières et instaurer la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Alors, l’Europe souffre d’avoir certaines de ses frontières un peu poreuses à l’immigration, mais c’est un autre problème qui ne justifie pas de revenir sur la liberté de circuler entre les pays membres.

Si on se réfère aux travaux de l’ONU, à ceux de l’OCDE, de l’OMC, l’Union européenne arrive en tête de tous les classements internationaux en matière de liberté individuelle, de liberté de la presse, et même de liberté de manifester. C’est d’ailleurs la plus grande zone démographique dans le monde à respecter les valeurs de la démocratie. En 1957, 12 Etats seulement vivaient en démocratie. Aujourd’hui, aucun des pays qui vivaient dans l’ex empire soviétique et qui ont adhéré à l’UE ne voudrait revenir sous l’aile protectrice de la Russie.

5. Erasmus, quelle invention géniale dont les candidats aux élections européennes n’osent pas parler. Aujourd’hui, plus de 6 millions de jeunes Européens ont bénéficié d’Erasmus, c’est à dire de la liberté d’aller passer entre 6 mois et un an dans un des pays de l’Union européenne pour y poursuivre ses études. On estime à 2 millions supplémentaires le nombre de jeunes qui vont partir entre en 2019 et 2020. Le programme Erasmus va d’ailleurs s’élargir au bénéfice de ceux qui sont en apprentissage pour un métier technique. Le système ne sera donc plus réservé aux seuls étudiants.

Actuellement, on estime à 1 million le nombre d’enfants issus de mariages entre étudiants d’origine différente et qui se sont rencontrés pendant un Erasmus.

6. La recherche et les projets industriels : l’Union européenne est aujourd’hui numéro 1 mondial dans le secteur de la recherche et de l’innovation, avec 25% de l'ensemble des dépenses mondiales en matière de recherche, et déposé le 1/3 des brevets dans le monde. Avec son crédit d’impôt recherche, la France joue d’ailleurs les locomotives. Seule épine au dossier, l’Europe ne  sait pas développer le résultat de ses recherches qui, ensuite, s’en vont à l’étranger. L’Europe, par exemple, n’a pas de champion dans le digital. Ces champions sont soit américains (avec les Gafam) soit chinois.

L’Europe ne fait pas le poids dans la compétition industrielle mondiale. Le groupe Airbus est certes un exemple magnifique de réussite mais c’est le seul ou presque. Nous avons des atouts. Dans le nucléaire, l’automobile, la recherche spatiale, nous avons aussi marqué des points dans la mise en place du système de positionnement par satellite face aux systèmes GPS américain, le système Galileo est 10 fois plus précis que le GPS.

7. Le tourisme. L’Europe dans son ensemble est la première destination au monde grâce à son patrimoine historique et culturel. Mais aussi grâce à son positionnement géographique. Nous sommes bordés par des océans et des mers aux spécificités très différentes et très accueillantes. Nous avons construit des outils d’exploitations et des équipements mondiaux (Pierre et vacances, le Club Med et le groupe Accor). Ne manque que le système digital de commercialisation. Nous manquons d’un Google, d’un booking ou d’un Airbnb européen.

8. Le modèle social. Quoi qu’on dise, l’Union européenne possède le modèle de protection sociale le plus généreux, le plus solidaire dans le monde. Sur l’assurance maladie, l’assurance retraite et l’assurance chômage. La moyenne des pays d’Europe est bien supérieure à ce qui existe partout ailleurs dans le monde. Ce qui explique d’ailleurs en grande partie l’attractivité de l’Union européenne pour les peuples des pays émergents. La préservation de son modèle social pose désormais trois problèmes. Il est globalement très couteux. Il ne bénéficie pas à tous les pays membres de la même manière. Bref, la solidarité intra-européenne et l’harmonisation a encore des progrès à faire.

9. La qualité des services publics est la meilleure du monde en moyenne dans l’Union européenne, mais cette moyenne cache encore beaucoup d’inégalités. Mais globalement, la qualité du système de santé et de l’éducation nationale participent à l’attractivité de l’espace européen.

10. L’espérance de vie, les citoyens de l’Union européenne vivent 8 ans de plus que la moyenne mondiale. Alors, la moyenne mondiale est évidemment tirée vers le bas par les pays en voie de développement, mais si on compare l’espérance de vie des Européens et celle des Américains, les Européens ont encore 5 ans de plus à vivre que les Américains.

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