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0,4 % pour la dette à 10 ans : jamais la France ne s’est endettée pour si peu.
©Reuters

Choix cornélien

Alors : faut-il s’embêter pour augmenter les impôts et réduire les dépenses publiques, ou bien s’endetter plus et en profiter, ou encore diminuer le déficit grâce à la baisse des taux ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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0,4% : jamais dans son histoire, la France ne s’est endettée à si bon compte, avec pourtant un ratio dette publique sur PIB proche de 100%. Quelle étrange leçon ! S’endetter plus et payer moins ? Mieux ou pire : s’endetter plus, pour payer moins ? Nous vivons le record français de taux bas. Oubliés les 5% du XVIIème, les 4% du XIXème, puis de nouveaules 5% du XXème, hors guerres et crises bien sûr. Oublié le 17% de 1981, avec François Mitterrand. Mais nous ne sommes pas seuls : ce phénomène de baisse se retrouve partout. On a près de 0% en Allemagne, pour un pays où la dette atteint 63% du PIB, et moins de 0%% au Japon, où elle monte à 253% du PIB ! Oubliés aussi, aux États-Unis, les 15% de la grande inflation de 1980 : nous voilà revenus au plus bas des années 1940. Et pourtant, aux États-Unis, même en haut de cycle, le déficit public augmente !

Partout dans le monde, les déficits publics montent et les taux restent très bas ! On peut s’en inquiéter, ou en profiter, ou encore en profiter et souffrir, autrement dire faire quand même des efforts pour réduire ce déficit, en taxant plus et/ou en dépensant moins ! Que choisir ?

S’en inquiéter ? Voilà que la finance pousse encore au crime, pas simplement en le finançant, mais en le finançant moins cher ! C’est le nouveau souci des économistes, notamment à la Banque des Règlements Internationaux et au Fonds Monétaire International : ils ne comprennent plus ce qui se passe.Leur rôle est traditionnellement d’aider à la croissance, en prévenant des risques qui pourraient naître par des excès de dette. Mais que dire quand la tendance est à la montée des déficits et des dettes, alors que les taux restent à des minima historiques !

En profiter, c’est ce que font les dirigeants politiques !Donald Trump ouvre la voie, avec un déficit qui passe de 3,2% du PIB avec Obama à 3,5 puis 3,8% avec lui, en attendant 3,9%, pour soutenir la croissance, et assurer sa réélection. La Banque centrale (la Fed), avec son programme d’achat de bons du trésor pour faire baisser les tauxdans la crise,a aidé. Et voilàqu’elle vient d’en arrêter les cessions, pour ne pas faire monter les taux longs, et de faire une « pause » sur la remontée des taux courts. Dans son sillage, mais en pire, le Japon suit avec un déficit budgétaire de 4,5% du PIB qu’il finance avec des bons du trésor qui se placent, auprès des seuls Japonais et sans espoir d’être remboursés,à des taux négatifs !

En profiter, c’est ce que proposent tous les partis d’opposition, à gauche ou à droite !A droite, on l’a vu et on le voit en Italie, où l’opposition venue au pouvoir ne tient pas beaucoup comptedes remontrances budgétaires de la Commission européenne. Inquiète un temps, quand les taux grimpaient à 3,7% fin novembre, la voilà un peu plus sereine aujourd’hui, quand ils sont à 2,7%, avec un déficit quipasserait de 2,4 à 2,1% du PIB, mais avec un ratio dette/PIB à 132%. Rien n’est dit, quand même. A gauche, aux États-Unis, les Démocrates-Socialistes (comme ils se nomment) envisagent de creuser le déficit pour la santé et l’éducation gratuites, sans oublier la rénovation des structures publiques et l’oubli des dettes des étudiants. Bien sûr, ils demanderont aux «riches » de contribuer, mais ceci ne suffira pas !

En profiter et souffrir, c’est ce qui se passe en France !En profiter d’abord : au terme du premier trimestre 2019, l’AFT (Agence France Trésor) a levé 78 milliards d’euros de dette à moyen et long termes sur un programme annuel de 200, soit 38,8 % contre 34% en moyenne pour un même laps de temps sur la période 2015 - 2018. Mieux encore, le taux moyen obtenu s’est élevé à 0,42 % à fin mars 2019, contre 0,53 % sur l’année 2018. Et ce n’est pas fini ! L’endettement public devrait grimper de 98,4 % du PIB en 2018 à 98,7 % en 2020 selon Bercy, mais « en même temps » la charge d’intérêt baisser de 1,7 % du PIB à 1,5 % en 2019 et 2020. Le coût de financement devrait être de 37,2 milliards en 2020, contre 44,7 milliards prévus : une « économie » de 7 milliards ! Et la Banque de France parle, pour 2021, de 32 milliards !

Souffrir ensuite :la France s’est engagée à un déficit à 1,2% du PIB fin 2022 et à un ratio dette publique sur PIB à 96,8%, avec économies et privatisations. Pourquoi donc ?Les privatisations devraient financer des programmes de soutien à l’innovation, grâce à la Française des Jeux et aux Aéroports de Paris. On comprend les raisons : trouver des ressources. On entend les critiques : perdre des ressources !Pourquoi donc, si ces programmes rapportent 5% au moins, se mettre en trouble politique, quand le gain sera au moins dix fois le coût !

Il est difficile de bien utiliser ce « déficit budgétaire sans pleur ».Plutôt que se demander si ce qui se passe va durer, il faut analyser d’où vient cette baisse des taux. Mercià la Banque centrale européenne qui détient 19% de la dette français de la garder, mais ce n’est pas éternel. Merci aux banques et institutions de la zone euro, qui en ont plus du quart. Merci plus encore aux assureurs français qui en ont 19,5%, et qui se font critiquer par leurs clients pour leur offrir des rendements plus faibles d’année en année !  Merci aux banques françaises pour les 6,5% qu’elles ont ! Mais regardons aussi les parts faibles de l’Asie (6,9%), del’Europe hors zone euro (4,6%) et de l’Amérique (4,9%). L’internationalisation de la dette française a ses limites, quand elle est payée six fois moins que l’américaine !

Donc, mieux vaut poursuivre comme annoncé notre politique de diminution de l’endettement, et profiter de la baisse de son coût pour réduire davantage notre déficit budgétaire, grâce aux« dividendes de la baisse des taux » !Nous sommes au plus bas. Il faut en même temps moderniser notre fonction publique pour qu’elle soit plus efficace et moins chère : plus moderne. Ces taux d’intérêt bas viennent des États-Unis et des politiques monétaires, partout, pas éternels. La fameuse Modern Monetary Theory est la simple conséquence mathématique de ce qui se passe, sans dire que tout dépend de l’achat de bons du trésor en dollar et en euro, donc du dollar et de l’euro. Résistons à la facilité de s’endetter aujourd’hui plus pour pas cher, investissons et formons pour produire mieux et moins cher, après-demain !

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