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Le nouveau parti du Brexit de Nigel Farage prend la tête des sondages pour les Européennes au Royaume-Uni
©FREDERICK FLORIN / AFP

To leave or not to leave

Le parti du Brexit, représenté par Nigel Farage, serait en tête des intentions de vote, selon un nouveau sondage. Le "No deal" serait-il le premier choix des électeurs dans le cadre du scrutin européen ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico.fr : Selon un sondage Yougov concernant les élections européennes au Royaume Uni, le parti du Brexit, représenté par Nigel Farage obtiendrait 27% des suffrages, loin devant le labour et les conservateurs, tout en considérant que le UKIP affiche un résultat de 7%. Comment interpréter ces scores en les comparant à l'impression générale que les britanniques seraient lassés du Brexit ? Faut-il voir une forme de confirmation que le "No deal" serait le premier choix des électeurs ? 

Edouard Husson : Les Britanniques qui ont voté Remain aimeraient bien, pour un certain nombre, profiter de la crise politique pour escamoter le référendum de juin 2016. En revanche, la colère monte chez ceux qui ont voté Leave et qui constatent que ni le parti conservateur ni le parti travailliste n’ont tenu l’engagement pris par leurs députés lors des élections de juin 2017: mettre en oeuvre le résultat du référendum. Beaucoup de commentateurs escamotent les élections de juin 2017 ! Si les députés du parti Tory et du Labour qui font le jeu des Remainers, contre leur propre mandat, avaient annoncé leur intention, ils n’auraient pas été élus.  Ce dont les Britanniques sont fatigués, c’est de la rupture du pacte de confiance entre eux-mêmes et leurs représentants. C’est particulièrement évident dans le cas des Brexiteers. Mais il y a aussi de plus en plus de Remainers qui disent qu’il faut respecter le vote de juin 2016. Cela ne veut pas dire pour autant que les Britanniques approuvent majoritairement - à l’instant présent - le no deal. Mais il y a un poucentage considérable de Britanniques - 40% - qui préfèrent une sortie dans le cadre de l’OMC à l’actuelle situation. 

Nigel Farage a parfaitement compris ce que veut l’opinion. Et, comme il a un instinct politique développé, pour ne pas donner l’impression qu’il s’obstine dans des combats dépassés, il a créé un nouveau parti. Il lui a de plus donné le nom le plus simple qui soit: Brexit. Comment mieux signifier que les deux partis établis s’obstinent à refuser la volonté populaire? 

Ces scores ne doivent-ils pas être minorés par les sondages concernant les élections générales qui placent le Labour en première position ? 

En ce moment, les stratèges du parti travailliste jouent avec le feu. ll est probable que le parti s’en tirera moins mal que les Tories aux council elections du 2 mai prochain. Et les conseillers de Jeremy Corbyn lui suggèrent de rompre les pourparlers avec les conservateurs pour aller aux élections européennes, infliger une défaite cinglante aux Tories Mais la percée du Brexit party est une mauvaise nouvelle pour les travaillistes. Ils ne seront sans doute pas en tête aux élections européennes, même si le nouveau parti Farage connaissait un score moins bon dans les urnes que dans les pronostics. Alors, évidemment, dans l’entourage de Corbyn on se dit que la défaite conduira les conservateurs à élire un Brexiteer à leur tête, ce dont le Labour devrait profiter pour apparaître comme le parti raisonnable, centriste. C’est oublier que l’opinion britannique est en train de se raidir, à la fois contre l’UE et contre les partis établis. 

Que peuvent nous démontrer ces sondages sur les futur de la vie politique intérieure britannique ? 

La politique démocratique obéit à quelques règles élémentaires. La première est de respecter les engagements pris électoralement. Je ne connais rien de plus stupide que la fameuse déclaration de Chirac: « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». C’est la citation favorite de tous les Machiavel au petit pied. On oublie simplement que Chirac n’a réussi à être élu, péniblement, qu’à la troisième candidature présidentielle et, surtout, que, deux ans à peine après son élection, il était obligé de cohabiter avec la gauche pour n’avoir pas tenu ses promesses de campagne. Même chose en Grande-Bretagne: Tories et Labour ont pris l’engagement, en juin 2017, de respecter le résultat du référendum. La sanction sera sans appel aux élections à venir, à moins d’un sursaut des deux grands partis. Il est frappant de constater comme la direction des deux partis, pourtant, vit dans une bulle: à l’occasion des pourparlers pour trouver une solution, on continue le petit jeu politicien. Comme si l’on ne sentait pas monter la colère du peuple britannique. Les élus conservateurs en campagne pour les council elections  du 2 mai n’osent même pas citer le nom de Theresa May, de peur de perdre ! Mais Corbyn n’est pas en meilleure posture, malgré les apparences. Au lieu d’être celui qui fasse aboutir le Brexit means Brexit, il a pratiqué la politique du chien crevé au fil de l’eau. Quand bien même il deviendrait Premier ministre, il serait faible, sans autorité réelle.

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